Amityville II: The Possession
(1982)
Le tout premier Amityville possède désormais le statut de “classique” dans la catégorie de film de maison hanté et il n’est pas rare de le voir être cité à côté d’œuvres beaucoup plus cultes lorsqu’il s’agit de films d’horreur ayant rapport au Diable, comme L’Exorciste ou La Malédiction. Pourtant cette réputation est un peu usurpée car il faut avouer qu’en dehors de quelques séquences chocs, Amityville reposait surtout sur le concept que son scénario fut inspiré d’un soit disant “fait divers réel”. Mais qui dit statut classique dit “séquelles”. En ce qui concerne la série, elle en comporte huit (remake et reportages sur la véritable maison non compris), pour la plupart de très mauvaises qualités. Exception faite de ce Amityville II qui surpasse l’original et s’impose comme le meilleur film de la saga.
La trame de cet opus s’inspire du fait divers original qui créa toute la médiatisation autour de la véritable maison, à savoir la mort de la famille DeFeo, massacrée au fusil par le fils aîné, que des voix auraient poussées à commettre ce crime. Arrive ainsi au 112 Ocean Avenue une famille américano-italienne, les Montelli, qui va subir le même sort, le fils se faisant posséder par les forces maléfiques de la bâtisse.
Le problème c’est qu’avec cette histoire Amityville II a du mal à s’intégrer dans la chronologie de la saga. Car si dans le premier opus il est fait état du massacre des DeFeo dès le début et que les Lutz, famille qui emménage par la suite, est prévenue des faits, ce n’est pas le cas ici. Ni les DeFeo ni les Lutz ne sont évoqués et la maison n’est pas reconnue comme ayant eu des antécédents malheureux. Le film se déroule t-il donc après le premier Amityville, sans que personne ne pense à évoquer les évènements passés, ou bien avant l’arrivée des Lutz ? En fait ni l’un ni l’autre car, selon une annonce de la production, Amityville II est tout simplement une fiction basé sur l’événement fondateur du mythe et sans aucun lien avec le reste de la série. Un film hors-série donc, que l’on pourrait à la rigueur situer dans une univers alternatif.
Quoiqu’il en soit le scénario de Amityville II semble couru d’avance lorsque le fils aîné de la famille se met à entendre des voix qui lui demandent de tuer sa famille, et le sous-titre du film (The Possession) ne fait que le confirmer: les Montelli vont connaître le même sort que les DeFeo. Mais c’est alors que l’histoire rebondit dans une seconde partie qui n’est ni plus ni moins qu’une redite de L’Exorciste, où un prêtre va tenter de faire fuir le démon du corps du jeune Montelli. Un second acte tout aussi prévisible que le premier en fait, puisque le film de William Friedkin y est copié jusqu’à son retournement de situation final.
Et pourtant malgré cette démarche peu honnête ainsi que la rupture de ton et de rythme lors du passage à cette seconde partie, Amityville II fonctionne très bien. Tout d’abord parce qu’il y a là une démarcation évidente avec le premier volet: ici, la famille ignore tout de la maison et pas une seule fois le surnaturel n’est évoqué (on apprend juste quelques informations supplémentaires, notamment le fait que la maison ait été bâtie par une sorcière de Salem sur d’anciennes sépultures indiennes – comme dans Shining tiens… Une explication quelque peu exagérée). Les Montelli ne s’en remettent pas à Dieu sans arrêt et au contraire s’agressent de plus en plus, brisant progressivement une cellule familiale déjà bien fragile. Car si les Lutz formaient une famille heureuse, les Montelli sont ici déjà dangereusement plus instables, notamment en raison d’un mari brutal battant ses enfants et dont le couple bat de l’aile (on apprend même qu’il semble forcer sa femme à lui “faire l’amour”). Un parti-pris intéressant sûrement dû au réalisateur italien, alors bien loin de la conception des valeurs familiale américaine qui sont supposées surmonter de toutes les épreuves. Le climat du film devient très pesant, d’autant plus que les forces maléfiques enveniment rapidement les choses. Cela commence par quelques détails, comme un miroir se décrochant du mur, qui a pour effet de transformer un repas de famille qui s’annonçait joyeux en scène de ménage particulièrement violente (voir impressionnante), puis des pinceaux se mettent à dessiner sur les murs, inscrivant des messages obscènes à l’adresse du père, jusqu’au point de non-retour lorsque le frère et la sœur aînés s’unissent dans un acte incestueux.
L’ambiance général, déjà bien mise à mal par l’aspect si particulier de la maison (et ses fameuses fenêtres ressemblant à des yeux amplis d’une essence maléfique), n’en ressort que plus glauque encore, loin des clichés habituels des films américains. Ici tout est sombre, sordide, à prendre au premier degré. Pas d’humour mal venu, pas de figure héroïque parmi les personnage – tous sont on ne peut plus réels et tout simplement humains. Même la présence d’un prêtre n’est d’aucune aide dans le sens où le réalisateur n’insiste pas du tout sur l’esprit religieux de la famille, d’autant que le père Montelli n’est pas pratiquant et ne semble pas apprécier l’arrivée du personnage censé bénir sa maison.
Cette sensation de malaise explose quand le fils va prendre un fusil pour tuer toute sa famille. Une scène mémorable, cauchemardesque, où l’on sait pertinemment ce qu’il va advenir de chacun, même lorsque la grande sœur tente dans un dernier espoir d’appeler le prêtre de la famille peu avant le drame (lequel ne décroche pas le téléphone et va recevoir le message bien plus tard, comme pour appuyer sa culpabilité). Il est aussi très plaisant de remarquer que si les protagonistes y passent, ce n’est pas en raison d’une stupidité latente ou d’un scénario ridicule. La tentative de fuite désespérée de la sœur aînée, les exécutions froides du petit frère et de la sœur cadette ou encore l’assaut répété sur le père, comme pour évacuer un trop-plein de haine, dégagent réellement un sentiment de désespoir et de monstruosité rarement atteint dans ce genre de film. Probablement parce que, malgré l’apparence démoniaque du fils Montelli alors possédé, cette scène horrible est suffisamment ancrée dans le réel pour être crédible.
C’est sur ce moment d’anthologie que s’achève la première partie du film, qui passe ensuite à une sorte de remake de L’Exorciste. Le fils Montelli, arrêté par la police, est encore possédé par un démon et le prêtre va tenter de l’aider. Un acte tout aussi convenu que la première et nettement moins réaliste. Un choix plutôt casse-gueule tant le film mise alors sur les effets spéciaux plutôt que sur le script, mais qui heureusement réussie à garder le même ton qu’auparavant et amène même à une conclusion qui, si elle est évidemment reprise au film de Friedkin, trouve tout naturellement sa place, achevant le récit sur une dernière note sombre et tragique. De plus cela ne traîne pas trop en longueur, ce qui permet de ne pas remarquer le brusque changement de direction du film.
Car si la première partie, malgré quelques effets spéciaux bien présents, jouait surtout sur l’ambiance, les personnages et l’histoire, la seconde semble presque avoir été imposée comme pour s’assurer que Amityville II soit un film d’horreur comme on l’entend dans le sens général du terme. Il est plus qu’évident que les producteurs ont mit leur nez dans cette affaire, d’une part parce que ce procédé n’est pas nouveau (la triste loi du cinéma américain), de l’autre parce qu’on trouve un scénariste non crédité au générique, à savoir Dardano Sacchetti, en plus de Tommy Lee Wallace et du fait que le livre Murder in Amityville de Hanz Holzer (qui relate du véritable massacre des DeFeo) ait été utilisé comme base de scénario. Il ne serait pas impossible que l’un ou l’autre des scénaristes ait écrit une histoire narrant le destin des DeFeo, dans un genre horrifique tout en nuance, et que les producteurs, prenant peur d’un tel concept et souhaitant livrer un film n’allant pas plus loin qu’une banale histoire de fantôme, aient demandé à l’autre de remanier le script. Cela expliquerait aussi le changement de nom de DeFeo en Montelli, même si là encore cela pourrait être causé par une quelconque histoire de droits. Tout cela reste du domaine de l’hypothèse, mais celle-ci se révèle très crédible, notamment au vu de l’orientation des autres épisodes de la série, d’un niveau médiocre et n’étant plus vendues comme des “histoires vraies” mais de simples séries B pleines de monstres et autres apparitions démoniaques.
En ce qui concerne les effets spéciaux, on note là aussi une différence d’utilisation en fonction des deux actes. Le premier, jouant sur l’angle réaliste, se limite surtout à quelques éléments si basiques (objets en lévitation par exemple) qu’ils en sont même gênant ! En effet, l’approche du film rend les séquences “fantastiques” assez pitoyables pour le coup: les voix démoniaques parlant au fils Montelli depuis son walkman et surtout le drap jeté sur un crucifix semble vraiment de trop, comme si les auteurs avaient peur que la présence maléfique ne soit pas assez ressentie. Certains effets auraient gagnés à ne pas être montrés (la scène des dessins obscènes dans la chambre des enfants), quant au maquillage simulant la possession du fils Montelli, il est parfait lorsqu’il est discret mais souvent exagéré, à grand renfort de prothèses en latex peu réussies. En gros les effets trop démonstratifs sont les plus ratés car ne collant pas à l’ambiance. Et au contraire la seconde partie gagne en intérêt justement par cette débauche d’effets spéciaux parfois gratuits, mais relançant alors un script assez classique et fade. Le sous-sol de la maison charrie du sang (très Shining encore une fois), la cave laisse apparaître une horde de silhouettes gémissantes dans un brouillard bleuté (un court mais superbe passage qui n’est pas sans renvoyer à du Lucio Fulci !) et surtout l’apparition fulgurante d’un démon arrachant son enveloppe charnelle humaine. Il est d’ailleurs à noter que la censure frappe souvent sur ce film, et plus exactement lors de la scène de massacre, supprimant la mort de la petite sœur ou celle, assez gore, de l’explosion de la tête du père.
Mais plus que les effets spéciaux, c’est surtout la réalisation de Damiano Damiani qui donne une ambiance impeccable au film. Filmant sobrement les séquences de tensions, il se permet pourtant de reprendre des cadrages à Sam Raimi (Evil Dead, sortie la même année) en utilisant une vue subjective accompagnée de murmures étranges pour simuler la progression de la force démoniaque, au point même de le copier complètement lorsque le fils Montelli va se faire posséder, ce dernier déambulant dans la maison en chemise bleu et armé d’un fusil de chasse (le look Bruce Campbell !), le tout cadré de manière peu conventionnelle (dont un plan de caméra passant de l’arrière de la tête au visage comme dans Evil Dead, mais ici réalisé en sens inverse). Et il faut voir la façon dont sont filmées les célèbres fenêtres de la maison, ou cette dernière dans son ensemble. Des plans très étranges et accentués par une magnifique musique signée Lalo Schifrin (déjà compositeur du premier Amityville) dont on retient notamment le thème d’ouverture du film.
Cependant cette réalisation possède un défaut de taille: un rythme lent. Trop lent d’ailleurs, au point de risquer d’endormir le spectateur pas très réceptif à l’histoire ou au cinéma daté. On remarque que cela agit comme une sorte de malédiction sur la saga des Amityville, car tous les films possèdent ce même rythme mou et soporifique ! Reste qu’ici on peut éventuellement surmonter ce problème car le film est de bien meilleur qualité que les autres, et qu’en plus de séquences intéressantes, d’une réalisation inspiré et d’une musique sympathique, il faut aussi compter sur un bon jeu d’acteur, surtout en ce qui concerne Burt Young (inoubliable Paulie, frère de Adrienne dans les Rocky) qui tire son épingle du jeu en composant un personnage tout simplement détestable.
Amityville II, malgré son rythme lent, propre à la série, et certains effets assez ridicules, possède un potentiel très intéressant et distille une ambiance malsaine comme on en voit rarement pour une production de ce genre. Si la saga de la plus célèbre des maisons hantées comporte beaucoup de volets, seul ce deuxième opus est à retenir, les autres allant du sombre navet (Amityville 3D) à la série B regardable mais pas transcendante (Amityville 1993).
Alors là nous sommes bien d’accord : je l’aime beaucoup celui ci … Réalisé par un italien : ceci explique peut être cela …
Oui c’est un peu ce que je dis dans l’article en fait.
Le fait qu’un italien soit à bord du projet à sûrement amélioré la chose, qui passe d’une famille US « parfaite et unie » typique à un chaos à base d’inceste, de père violent et de colère refoulée.
Meilleur que le premier oui!
Et de beaucoup … 😎