Slimer (1983) | Gore N°17: Terreur Déliquescente

Gore N°17

Terreur Déliquescente

Slimer

(1983)

 

Slimer est signé Harry Adam Knight, en fait un pseudonyme de l’écrivain John Raymond Brosnan sous lequel il écrivit entre autre Carnosaur. Cet alias est ici collectif puisqu’il s’agit de sa toute première collaboration avec Leroy Kettle, laquelle se poursuivra à travers plusieurs romans dont l’un sous le nom de Simon Ian Childer (un autre nom de plume de Brosnan). Ici, le postulat de science-fiction va très vite se transformer en un récit horrifique dans la plus pure tradition de la série B.

Trois couples se retrouvent perdus en pleine mer suite au naufrage de leur yatch. Ne pouvant appeler à l’aide parce qu’ils se livraient à de la contre-bande de drogue, ils se retrouvent a errer dans la brume avec leur canot de sauvetage quand ils tombent par hasard sur une plate-forme pétrolière. Quelqu’un les fait monter à bord mais une fois sur place, le groupe constate que le bâtiment est totalement désert et découvrent plusieurs vêtements laissés à l’abandon, comme si leurs possesseurs s’étaient évaporés. En explorant l’endroit, ils découvrent alors qu’ils sont en fait dans un gigantesque laboratoire de génétique et que les employés semblent tous avoir péris des griffes de leur création, baptisée Charlie…

Un huis-clos avec un monstre tuant un par un les membres d’un petit groupe, voilà un postulat qui renvoi immédiatement au sujet le plus basique de la science-fiction horrifique et notamment au célèbre Alien dont Slimer semble bien être l’un des innombrables ersatz. De ces produits on en retrouve d’ailleurs les mêmes défauts récurrents: de trop grandes longueurs, une créature qu’on aperçois finalement peu souvent et des personnages clichés au possible (ici un couple de héros identifiable immédiatement, un drogué forcément méchant qui va trahir ses amis et de la chair à canon qui attend patiemment de se faire trucider). Bien heureusement il faut compter sur la petite originalité qui va relever la sauce.

Ainsi Slimer se rapproche beaucoup plus du The Thing de John Carpenter car son monstre, fruit de manipulation génétique, est un polymorphe s’adaptant rapidement à son environnement et capable d’absorber ses victimes pour en récupérer des caractéristiques particulières, pouvant même jusqu’à prendre leur forme. Se retrouve alors le fameux facteur paranoïa, ici plutôt bien rendu, et la créature informe, à la base un grand requin blanc qui a fini par devenir une masse grotesque et indéfinissable (et tout particulièrement après avoir absorbé une victime accro à l’héroïne, se retrouvant alors défoncée à son tours !). En guise de référence, justement, celle-ci est la plupart du temps désignée comme “la chose” par le petit groupe.

Là où le récit devient intéressant c’est lorsque ses auteurs développent le concept au-delà du simple stade biologique pour l’étendre à la psyché humaine. L’organisme hostile de la bête s’attaque à l’esprit, en plus du corps, de sa victime pour l’assimiler et se constituer une personnalité propre, ultime. Ce n’est plus simplement la peur d’être tué qui atteint les personnages mais celle de faire partie d’une entité multiple: un scientifique confesse être terrifié non pas par la mort mais de ne pouvoir avoir la paix dans celle-ci, plus tard une victime ayant fusionnée avec la chose se rend compte qu’elle n’est pas “libéré” par le néant. Pire que cela, les personnes amalgamées peuvent ne même pas être conscientes de leur propre décès et continuer à vivre temporairement dans une imitation de leur propre corps, ou bien voir leur esprit être transféré dans celui d’un autre ! Les sentiments de terreur ressentis alors sont très bien décrits, surtout lorsque des personnalités plus puissantes finissent par les supplanter.

A cela s’ajoute également une bonne utilisation du personnage de l’ordure du groupe, un véritable psychopathe qui va rendre la créature encore plus dangereuse qu’elle ne l’est déjà: car si le requin ne fonctionne qu’à l’instinct, s’adaptant pour survivre, l’assimilation d’un dealer violent et maniaque sexuel va le rendre complètement fou et cette nouvelle conscience va finalement s’imposer comme la plus redoutable, faisant gagner l’entité en haine et en sadisme. L’être ainsi crée devient également plus intelligent, se trouve un projet d’avenir et planifie les choses en conséquences plutôt que de simplement suivre sa nature animale originale. Toutefois cette évolution n’est pas sans risque puisque le monstre récupère alors une dépendance à la drogue qui va l’obliger a s’adapter en ingérant régulièrement des stupéfiants pour ne pas mourir. Amusant de constater que l’on retrouve cette idée d’utiliser la drogue pour venir à bout du monstre avec les extraterrestres de The Faculty de Robert Rodriguez.

 

 

Bref ce sont ces petites idées qui donnent toute son ambiance à Slimer et qui permettent de passer outre la monotonie du récit très convenu. Bien évidemment les écrivains parsèment le tout de quelques passages assez gore mais aussi de sexe, séquences d’ailleurs plutôt chargées pour ce qui est à l’origine un simple roman horrifique, et du coup leur œuvre s’apparente énormément à ces séries B qui tentent de surpasser leurs modèles dont ils reprennent la trame avec un surplus de violence et d’érotisme (comme La Galaxie de la Terreur pour Alien par exemple). Le principe même de l’exploitation en somme, et de ce côté là Slimer ne déçoit pas. C’est en suivant ce principe que les deux auteurs réitéreront leur collaboration sur d’autres œuvres dans le même genre (The Fungus, Bedlam et Vrilles !).

Signalons que, de la même manière que Carnosaur et Bedlam, ce Slimer a connu une adaptation cinéma à bas budget sous le titre de Proteus, en 1995. Le film, scénarisé par John Brosnan lui-même et réalisé par Bob Keen (spécialiste des effets spéciaux sur L’Empire Contre-Attaque, Hellraiser mais aussi… Alien !), est très similaire au le livre dans son ensemble, à la différence qu’il évince tout le côté gore et sexuel de l’histoire et que le manque d’argent a sérieusement limité le délire graphique des métamorphoses de la créature. Privé des quelques éléments qui permettaient de donner un intérêt minimum à Slimer, Proteus devient alors ce que le roman paraissait être aux premiers abords: une copie sans le sou d’Alien et de The Thing.

 

   

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