Midnight Blue (1979)

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Midnight Blue

(1979)

 

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Midnight Blue, aussi connu sous le titre amusant de La Domenica del Diavolo (le dimanche du Diable), fait partie de ce sous-genre du home invasion / rape and revenge très populaire durant les 70s, principalement généré par La Dernière Maison sur la Gauche. L’Italie était d’ailleurs assez prolifique en la matière avec de nombreux représentants bien connus des adeptes du cinéma Bis: La Bête Tue de Sang Froid, La Maison au Fond du Parc, La Proie de l’Autostop… Réalisé par Raimondo Del Balzo, principalement scénariste (Cop Target d’Umberto Lenzi, Paganini Horror de Luigi Cozzi), ce nouvel avatar reprend à son compte le cadre de la villa en bord de mer vu dans La Dernière Maison sur la Plage, sorti tout juste l’année précédente. Cependant l’intrigue se veut bien moins démonstrative que dans celui-ci, et il y a une bonne raison pour laquelle ce film n’est pas aussi connu que ses grands frères. La faute au script, que le cinéaste a écrit avec le producteur Candido Simeone (Blanche-Neige et les Sept Sadiques et Emmanuelle in the Country de Mario Bianchi), plus branché sexe que violence.

 

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Car c’est pratiquement un softcore que nous avons là, comme le prouve le titre alternatif Sexy Blue, avec énormément de nudité en full frontal par les actrices qui passent leur temps à se déshabiller. Que ce soit pour bronzer, faire trempette, prendre une douche ou s’envoyer en l’air, tous les prétexte sont bon et la caméra n’hésite pas à s’attarder sur les corps, multipliant les gros plans sur les parties intimes. Il ne serait pas surprenant d’apprendre que les responsables voulurent créer une version hard en parallèle, même si ce ne fut pas le cas, la faute peut-être à l’échec commercial retentissant du long métrage à sa sortie en salles. La brutalité, elle, qu’elle soit graphique ou psychologique, ne fut clairement pas la priorité du cinéaste qui l’expédie dans les toutes dernières minutes, sans grands artifices. En résulte une oeuvre qui fait trainer les choses en longueur et peine à venir au bout de ses 83 petites minutes au point de faire du remplissage, rallongeant certains ébats amoureux et balançant des flashbacks inutiles durant la conclusion.

 

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Cela pourra s’expliquer facilement du fait que l’histoire tient sur un ticket de métro: trois jeunes femmes, des athlètes s’entrainant pour les prochains jeux Olympiques, décident de faire un break en passant quelques jours à la plage. Alors qu’elles se baignent, elles rencontrent trois types venu se détendre également et leur proposent de rester avec elles pour le week-end. Mais si le courant passe très bien au début, les choses vont se gâter lorsqu’elles découvrent que leurs compagnons sont en réalité des criminels venant de s’échapper de prison ! Condamnés à perpétuité pour viols et meurtres, les gaillards tentent de faire profile bas en attendant qu’un compère vienne leur délivrer les passeports nécessaire à leur fuite vers la Grèce. Leur couverture étant grillée, ils vont prendre les demoiselles en otage et se retrancher dans la maison afin de les surveiller. Une situation qui va finir par déraper lorsque, après avoir bu quelques verres, deux des malfrats décident de les violer. Comprenant que leurs heures sont comptées, les filles vont tenter de s’évader et de se venger…

 

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Sur le papier ce point de départ tout à fait convenable, seulement voilà: je viens de vous raconter tout le film, à l’exception de la toute fin. Il faut attendre 35 minutes pour que les héroïnes apprennent que leurs bellâtres sont des voyous, et elles ne passent à l’action que dans les ving dernières. Une revanche par ailleurs bâclée, les hommes n’offrant aucune résistance, et qui laisse à penser que le réalisateur ne voulait pas du tout faire un rape and revenge (on ne voit rien du premier et très peu du second) mais un simple thriller érotique un peu glauque dont l’intérêt réside dans le twist final. Le reste du temps il fait du remplissage, montrant ces messieurs jouer aux cartes et ces dames faire des courses au marché ou nager topless, sans jamais penser à faire monter la tension par des actes ou paroles déplacées. Les antagonistes se montrent assez gentils et respectueux la plupart du temps, dévoilant leur vrai visage plus par peur qu’autre chose, et même leur agression sexuelle est relativisée par la réaction d’après-coup, où ils se rendent compte qu’ils ont perdu le contrôle au point que l’un d’eux panique aussitôt.

 

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A vrai dire Midnight Blue gâche pratiquement toutes ses idées en lien avec la situation, comme s’il mettait un point d’honneur à ne jamais vouloir sombrer dans le sordide. L’énorme cran d’arrêt du chef est abandonné sur la plage et ne sera jamais utilisé par la suite, la scène où l’une des filles est contrainte de prendre sa douche sous le regard d’un gardien libidineux n’est pas si humiliante que ça tant le voyeur se fait discret, et quand un obsédé sexuel se met en tête d’arracher les vêtements d’une prisonnière, son partenaire l’en empêche aussitôt par jalousie. On aura connu plus cauchemardesque comme séquestration et c’est à peine si l’on ressent le moindre suspense lorsque deux flics débarquent à l’improviste pour surveiller les lieux, l’une des otages devant les accueillir sans éveiller leurs soupçons alors que ses amies sont menacées dans la pièce d’à côté. Finalement le seul moment qui pourra provoquer un malaise est celui où les brigands dévorent un poulet rôtis comme de vulgaires animaux, avec gros plans sur leurs bouches graisseuses. Et seulement parce que c’est tout à fait dégueulasse.

 

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En comparaison le viol tardif ne provoquera pas la moindre émotion tant il est maladroitement filmé, la caméra cadrant trop large et bougeant sans cesse pour simuler une hystérie qui n’a pas vraiment lieu. Deux hommes et trois femmes se retrouvent aglutinés sur un lit trop petit pour eux et les plumes d’un oreiller déchiré volent un peu partout pendant que tout le monde sautille sur place. On se demande surtout comment deux grands gars armé d’un pistolet se retrouvent incapable de soumettre quelques nanas terrifées tant elles se débattent et parviennent à les repousser, et le comique involontaire fini par se profiler tant cela n’en fini plus. Et ce n’est pas la seule fois que ça arrive avec cette visite des commerces locaux tournée à l’arrache, où les badauds regardent l’équipe sans bouger et avec un grand sourire, ou la confrontation finale censée se déroulée de nuit mais tournée en day for night avec un soleil bien apparent. Mais la plus grande source de demeure cet hallucinant theme song qui revient sans cesse, petite musique guillerette au piano soutenue par une chanteuse fredonnant  »da da da da » en boucle.

 

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L’idée était sans doute de reproduire ces belles comptines que l’on entend souvent dans le giallo, mais le résultat s’apparence plus à une musique de publicité pour yaourth ou shampoing, trop légère, trop répétitive et trop envahissante. Difficile de concilier cela avec les meurtres au javelot du grand final, l’héroïne athlètique embrochant ses geôliers tandis que son amie les achève au pistolet. Un châtiment plutôt bien pensée et se passant sur la plage, endroit de leur rencontre, comme pour boucler la boucle. Cela aurait sans doute rendu encore mieux s’il s’était déroulé en plein jour avec une clarté éblouissante au lieu de se noyer dans un filtre bleu trop sombre et mal fichu. Pas de quoi rattraper l’ennuyeuse première heure, mais c’est toujours ça de pris, et alors démarre l’imprévisible épilogue. Car au lieu de se terminer abruptement sur l’extermination des violeurs, comme c’est généralement le cas dans ce type de films, Midnight Blue nous présente la suite (il)logique des évènements où les jeunes femmes se dépêchent d’enterrer les corps dans  une fosse creusée dans le sable.

 

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Car selon elles “aucune loi n’autorise le meurtre de détenus évadés”. Et l’auto-défense alors ? Elles sont ainsi persuadées qu’elles finiront en prison si elles révèlent ce qui s’est passé, et quand débarque enfin le compère aux passeports, feignent l’ignorance. La dernière scène montre les filles reprendre la route pour l’entrainement avec le reste de leur groupe tout en planifiant leur fuite du pays pour s’éviter les ennuis. Un retournement de situation presque karmique qui va virer au cauchemar dans l’ultime scène, où elles sont retrouvées par un groupe d’hommes chargés de les éliminer. Le Mal (le mâle) gagne, et voilà qui ne va pas aider le genre à combattre les accusations de misogynie qu’il se coltine depuis des décénnies ! Mais au moins Midnight Blue mérite ses galons de film d’horreur avec ça. Dommage que la révélation soit plombées par de multiples flashbacks, lesquels semblent être là comme pour remettre les filles face à leurs “mauvaises actions”, mais qui en réalité aident surtout à gonfler artificellement la durée du film qui se hisse difficilement au minimum requis.

 

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Reste les acteurs, pas nécessairement mauvais mais devant composer avec des personnages creux qui ne leur donnent rien à faire. Michael Coby, alias Antonio Cantafora (père d’Asia Argento dans Démons 2, croisé dans Baron Vampire et Supersonic Man) s’en sort probablement le mieux dans le rôle du leader. Avec sa moustache qui lui donne des faux airs de Franco Nero, il joue un playboy certes charmant en apparence, mais qui semble prendre un mâlin plaisir à séduire les filles devant ses amis pour ensuite leur reprocher à demi-mots de ne pas faire aussi bien que lui. Il aurait mérité d’être plus sournois, plus imprévisible, et en l’état ne donne jamais l’impression d’être la brute redoutable qu’il est censé être. A ses côté le pauvre Giancarlo Prete (Les Guerriers du Bronx 2, Les Nouveaux Barbares, La Tarentules au Ventre Noir) attend que le temps passe et observe ses collègues d’un air vaguement concerné. Ni pervers, ni sadique, ni violent, il ressemble à un gars normal qui se serait égaré dans un autre univers. La même chose pourrait être dit des actrices qui n’ont strictement rien à faire d’autre que se déshabiller.

 

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Le reste du temps elles se contentent d’écarquiller les yeux de terreur, et si l’une d’elle possède un semblant de caractère (elle refuse de fuir quand les autres tente leur chance, peut-être par peur, peut-être par amour pour son tortionnaire l’ayant protégé un peu plus tôt), elles sont basiquement interchangeables. Un comble puisque le producteur est allé jusqu’à démarcher la jeune Monica Maisani, fille de la célèbre actrice Rossella Como, pour ce qui devait être son premier rôle. Après cette expérience elle fit seulement un peu de figuration dans le Ténèbres de Dario Argento avant de disparaître. Même délire avec Dirce Funari, une régulière de Joe D’Amato croisée dans quelques Black Emmanuelle ainsi que Porno Holocaust et La Nuit Fantastique Des Morts-Vivants, à peine présente dans le rôle de l’entraineuse aperçue au début et à la fin du film. On ne pourra qu’imaginer à quoi aurait pu ressembler Midnight Blue si elle avait été en tête d’affiche. Probablement à la même chose soyons honnête, parce que Raimondo Del Balzo a de toute façon bien foiré son coup avec ce film malgré une mise en scène parfois inspirée.

 

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