Richard Donner (1930-2021)

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Goonies never say die.

 

Avant hier s’est éteint Richard Donner, qui nous a quitté à l’âge vénérable de 91 ans. Il laisse derrière lui une carrière hollywoodienne des plus extraordinaires dont peu pourront se vanter un jour d’en égaler l’éclat. Débutant principalement sur le petit écran dès les années 60, il prouva bien vite l’étendu de ses talents en participant à de nombreux titres populaires, du Fugitif aux Mystères de l’Ouest, en passant par Max la Menace et Perry Mason. Mais surtout il participa à l’aventure La Quatrième Dimension auprès de Rod Serling pour plusieurs épisodes, dont le célèbre Nightmare at 20,000 Feet avec William Shatner et un gremlin obèse et poilu perché sur une aile d’avion. Probablement l’une des histoires les plus emblématiques de l’anthologie qui sera d’ailleurs reproduite par George “Mad Max” Miller à l’occasion du film produit par Spielberg (passons sous silence l’embarrassante version 2019 développée par Jordan Peele, parfaitement abominable). Pour la forme citons aussi sa participation aux westerniens Au Nom de la Loi avec Steve McQueen, et L’Homme à la Carabine avec Chuck Connors.

 

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Si sa carrière cinéma fini par l’éloigner de la télévision, il y retourna cependant en grande pompes à la toute fin des années 80 puisqu’il fut l’une des forces créatives à l’origine du Tales From the Crypt de HBO, petite révolution horrifique qui donna un peu de sang neuf au genre durant des 90s plutôt moribondes. Un projet qui lui tint à cœur et qu’il continua de soutenir tout au long de son existence, produisant des spin-off à la pelle: les films Le Cavalier du Diable et La Reine des Vampires, la versions dessin animée Crypte Show, le jeu télévisé Secrets of the Cryptkeeper’s Haunted House et même une version science-fictionnelle du concept avec Perversions of Science, qui devait évidemment s’intituler Weird Science mais dont la licence était toujours détenue par les producteurs du film de John Hughes. Il trouva même le moyen de caser quelques extraits de la série dans L’Arme Fatale 2, et transforma en troisième opus un Ritual dont il fut producteur et qui avait un peu de mal à se vendre, commanditant une nouvelle intro avec le Cryptkeeper.

 

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L’horreur, Donner lui fit également honneur avec La Malédiction, un des plus célèbres films “sataniques” dans la mouvance de L’Exorciste et qui surpasse aisément Amityville en terme de qualité si l’on veut être honnête. Il produisit personnellement le troisième volet, celui avec Sam Neill, qui clôtura parfaitement une petite saga efficace de bout en bout. Et si la franchise continua à vivre après-coup à force de séquelles téléfimesques et de reboot moisis, le cinéaste n’a eu absolument rien à voir avec tout. A la place il se débrouilla pour faire des films de genre à gros budget sur sa carrière, transformant des idées très séries B dans l’âme en blockbusters inoubliables. La série des L’Arme Fatale donc, à la base scénarisée par Shane Black avant que les choses ne dérapent, probablement la plus grande franchies d’action américaine d’alors après Die Hard. Au poste de réalisateurs sur les quatre volets, il donna à Mel Gibson son deuxième meilleur rôle après celui de Max Rockatansky, et peu importe ce que vous pensez de l’acteur.

 

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Si tout le monde conviendra de dire que la série est devenu moins bonne avec le temps, L’Arme Fatale 3 et 4 étant très inférieurs puisque ne bénéficiant plus de la plume de Black, il faut admettre que l’univers mis en scène fonctionne malgré tout grâce aux personnages – et à leurs interprètes qui rempilent tous d’une suite à l’autre, profondément attachants. Plus que les scènes d’action, ce sont bien les échanges entre ces protagonistes qui nous restent en tête avec le temps, de l’arbre à capotes sur le bureau de Murtaugh à la dispute sur le bateau quand Roger se murge après avoir tué un ado de l’âge de son fils. Pendant longtemps il fut question d’un L’Arme Fatale 5, qui ne verra certainement plus le jour maintenant, mais c’est peut-être mieux comme ça. Une autre séquelle fantasmée par les fans, c’est bien sûr Les Goonies 2 (sans rapport avec le jeu vidéo, même si je n’ai rien contre les sirènes), qui elle n’avait aucune chance de se matérialiser. Là encore cela est préférable, même si cette envie est compréhensible.

 

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Car d’un point de vue générationnel, Les Goonies c’était un peu l’équivalent des Harry Potter et Seigneurs des Anneaux de maintenant. Du pur Amblin dont on peut encore ressentir la magie visions après visions, du bateau de pirate qui repart en mer après des siècles d’enfermement à la sale tronche du gentil Sinok. Ce film fut tout simplement un don du ciel pour les gamins (et leurs parents qui pouvaient se marrer tout autant) qui n’oublieront pas de sitôt les sacrées trognes de Robert Davi et de la regrettée Anne Ramsey. Et à propos d’inoubliable, comment parler de Richard Donner sans parler de Superman ? Première tentative de prendre au sérieux l’univers des super-héros, le film demeure à ce jour la meilleure incarnation du personnage sur le grand écran, avec un casting parfait (Christopher Reeve dans le rôle titre, on a jamais fait mieux, Marlon Brando, crédible même en habit de lumière, Gene Hackman, dont le personnage est à la hauteur de l’égo et vice et versa) et des effets spéciaux au top pour l’époque. “You’ll believe a man can fly” promettait-on, et c’est vrai.

 

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Superman II fut une sacré déception pour le metteur en scène, dépossédé de son œuvre par les producteurs qui préféraient une approche plus infantile que la sienne. Une grande partie de ce qu’il tourna fut mis au placard au profit de reshoots signé Richard Lester, effectivement bien plus puérils même si Terence Stamp avait l’art de balancer des répliques débiles sur un ton monocorde des plus hilarants (“Oh my God” gémit le Président. “Zod” corrige le vilain). Il faudra attendre 2006 et l’arrivée du mollasson Superman Returns pour que le Richard Donner Cut soit finalement relâché, pour un résultat bien plus estimable que celui de Zack Snyder et sa misérable Justice League. Car contrairement au réalisateur de 300, Donner aimait sincèrement les comics, et les comprenaient très bien. Tellement qu’il en écrivit lui-même, rejoignant DC Comics grâce au scénariste Geoff Johns qui fut l’un de ses assistants à la fin des années 90. Le cinéaste bossa alors sur Action Comics avec les story arcs Escape From Bizarro World et Last Son.

 

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Il participa même au numéro anniversaire Action Comics #1000, et fut producteur exécutif sur X-Men et X-Men Origins: Wolverine, la saga des mutants ayant été produite par sa femme, Lauren Shuler Donner, via leurs propre boite, The Donners’ Company. Une sorte de seconde carrière pour l’auteur, qui s’occupa de plusieurs projets de cette manière: L’Enfer du Dimanche d’Oliver Stone, le très sympa Fausse Donne de Louis Morneau, ou l’ultra 80s Génération Perdue de Joel Schumacher. Mais aussi les Sauvez Willy (dont l’original réunissait quand même Michael Ironside et Michael Madsen) et ce Matthew Blackheart: Monster Smasher, téléfilm mixant Buffy Contre les Vampires et ambiance là encore très BD. Du reste le bonhomme aura su entretenir une filmographie majoritairement constituée de bons films, malgré quelques échecs au box office ici et là. Avec par exemple le vieux thriller X-15 avec Charles Bronson, à base de fusées soviétiques expérimentales durant la guerre froide.

 

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Fantômes en Fête était une relecture moderne et assez folle du Chant de Noël de Charles Dickens, où le vieil aigris devient un patron de chaîne télé cynique et sans cœur. Du délire avec des spectres qui n’auraient pas dépareillé dans Ghostbusters, et qui compte de sacrées vedettes: Robert Mitchum, John Glover, Bobcat Goldthwait, Michael J. Pollard… Seule la conclusion est un peu poussive avec ce gamin muet retrouvant miraculeusement la parole et nous gratifiant d’un “Que Dieu vous bénisse” qui fera rouler des yeux. Comédie-western lui permettant de collaborer à nouveau avec Mel Gibson, Maverick compte lui aussi sur quelques grands noms pour pallier à un script franchement moyen. Jodie Foster, Alfred Molina, James Coburn, Geoffrey Lewis, Dennis Fimple et même Art LaFleur s’y croisent, rendant l’expérience plaisante malgré une œuvre passable. Avec Assassins il réunissait Sylvester Stallone et Antonio Banderas au summum de leurs popularités, et si la chose semble avoir été oublié de tous, elle s’en sort cependant avec les honneurs.

 

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Prisonniers du Temps, énième adaptation d’un roman de Michael Crichton, mélangeait voyage temporel high tech et ambiance médiévale pour un film d’aventure médiocre. Rien de bien transcendant, mais l’écrivain a connu pire adaptation (Congo, qu’on lui préférera parce que beaucoup plus drôle) et le spectacle permet de tuer le temps. Tout le contraire de Ladyhawke, fable moyenâgeuse poétique avec Rutger Hauer et Michelle Pfeiffer, deux amoureux qui ne peuvent hélas se voir puisque l’un se transforme toujours en animal quand l’autre reprend sa forme humaine. Une œuvre devenue culte pour beaucoup, même si presque ruinée par la présence de l’antipathique Matthew Broderick, qui préfigure un peu Jar Jar Binks en sidekick comique incapable de la fermer. Enfin il y a 16 Blocs, dernier film de Richard Donner et aussi l’un des derniers bons films de Bruce Willis, qui commençait à vieillir et à cachetonner sans en avoir plus rien à foutre. Un polar original qui compte également sur les valeurs sûres que son David Morse et Robert Zayas.

A ce jour les causes de sa mort n’ont toujours pas été révélées, et on ne peut qu’espérer qu’elles aient été de causes naturelles. Il restera néanmoins dans toutes les mémoires comme l’un des grands faiseurs d’Hollywood, du temps où l’endroit n’était pas toujours synonyme de produits formatés et insipides. Une époque définitivement révolue.

 

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