Bottom Feeder (2007)

ROAD TO HALLOWEEN II

 

 

Bottom Feeder

(2007)

 

 

Bottom Feeder est ce qu’on appel un “film de couloirs”. C’est à dire un film où les personnages, traqués par un monstre, passent leur temps à déambuler dans différents couloirs et pièces vides en parlant sans arrêt. Parfois les lieux sont les mêmes mais simplement filmés sous un autre angle. Cette catégorie est généralement attribué à de petites productions, lesquelles n’ont généralement pas de quoi offrir un monstre convenable ou des séquences d’action divertissantes, mais il peut arriver qu’un gros budget tombe dans les mêmes travers malgré ses moyens plus confortables (Doom, entre autres). Les œuvres rentrant dans cette catégorie appartiennent quasiment toutes au genre SF/Horreur, en prenant Alien pour modèle. Parfois on y rajoute un brin de The Thing, de Predator ou de Terminator, mais le principe reste le même. Un groupe de personnages, piégés dans un endroit clos et labyrinthique, cherche désespérément une échappatoire alors qu’une créature meurtrière attaque régulièrement, jusqu’à ce qu’elle soit elle-même détruite à la fin de l’histoire. Il n’y pas beaucoup de différence avec le Slasher, et en théorie c’est la même chose avec le tueur remplacé par une chose inhumaine. Voilà pourquoi la plupart des séries B de ce genre sont souvent conspuées et perçues comme appartenant à l’échelon le plus bas de la hiérarchie horrifique: pas d’atmosphère, pas d’originalité, pas de véritables personnages. Juste une formule qui est reprise avec seulement quelques différences quant aux lieux où se déroulent l’intrigue, la nature de l’antagoniste, et la destruction de celui-ci. Et donc Leviathan, avec ses mutants sous-marin, Project Shadowchaser III, avec son robot tueur dans l’espace, ou MetalBeast, avec son loup-garou métallique s’échappant d’un laboratoire, sont tout simplement le même film !

 

 

Et pourtant je dois bien avouer avoir un certain penchant pour ces petites bandes mal fagotées. D’une part j’adore les monstres, mais il y a, comme pour le Slasher, une certaine forme de curiosité à propos de la manière dont la chose est traitée. Savoir dans quel genre d’endroit va rôder quel type de créature, et de quelle façon les victimes vont périr. Après tout nous ne sommes jamais à l’abri d’une surprise, d’une révélation surprenante (comme dans le méconnu The Dark Side of the Moon, où un athée envoyait littéralement le Diable se faire foutre), ou tout simplement d’une bonne performance. Et justement, Bottom Feeder se révèle plutôt agréable à ce niveau là. Certes le film possède un budget dérisoire et un réalisateur débutant, toutefois un sacré effort a été fournis autour du scénario, plus intéressant que d’ordinaire, et du look de sa bestiole, mutant sacrément moche. Les effets spéciaux se montrent plutôt généreux en offrant quelques séquences crades, et on peut conter sur la présence de Tom Sizemore, qui même au plus bas se montre toujours convaincant. Et au fond du trou, celui-ci l’était complètement, sortant tout juste d’une cure de désintoxication suite à ses graves problèmes de drogue. Pas du tout en forme et réduit à faire la tête d’affiche d’une production sans importance, l’acteur aurait très bien pu faire son travail par-dessus la jambe, mais il a su rester professionnel et se montre tout à fait attachant. Il faut dire que la star n’a certainement pas choisi ce projet par hasard, car à l’époque sa carrière en était à un tel point qu’il avait fini par se laisser aller au phénomène de télé-réalité, le genre où l’on suit sa vie quotidienne, avec de nombreux évènements scriptés. Et c’est ainsi que le show, Shooting Sizemore, a utilisé Bottom Feeder comme le sujet de son second épisode, montrant l’acteur se reprendre en main, quitter le tournage pendant deux jours suite à une dépression (qui pourrait être aussi véridique qu’inventée, allez savoir) avant de se réaffirmer et conclure l’expérience jusqu’au bout. De quoi faire un bon drama, entre les colères et le stress de Sizemore, ses relations avec des acteurs moins bon que lui et toutes les inventions faites pour l’émission. Évidemment Shooting Sizemore n’a connu qu’une seule saison et n’est trouvable absolument nulle part, ce qui en dit long sur la qualité du produit.

 

 

L’intrigue tourne autour de Charles Deaver, un millionnaire qui a été atrocement défiguré dans un accident de voiture. Brûlé, confiné dans un fauteuil roulant, celui-ci voit sa santé décliner de plus en plus et entre alors en contact avec le Dr. Leech, un savant qui aurait le remède pour le sauver: un sérum appelé A12, pouvant régénérer les cellules mortes ou endommagées, et donc soigner n’importe quel trauma physique. Seulement la formule n’a pas encore été testé sur un être humain en raison de quelques problèmes, comme le fait qu’elle génère une faim incroyable chez l’hôte, et de possibles mutations de l’organisme. Pour pallier à cela, le sujet doit ingérer une métaprotéine qui le stabilise, mais ceci reste encore théorique. Parce que Deaver ne peut plus attendre, il propose une somme colossal au scientifique afin qu’il lui administre le traitement, lequel accepte en raison de l’état de santé de son épouse, atteinte d’une grave maladie. Malheureusement pour lui le milliardaire ne tient pas à devenir un cobaye et va s’assurer que le sérum fonctionne: il blesse mortellement Leech et l’injecte avec son produit, le laissant pour mort. Si le remède échoue, il mourra et sa femme sera assassinée. S’il survit, alors il recevra son argent. Enfermant le savant dans un souterrain, Deaver et ses hommes l’abandonne à son sort, oubliant toutefois de lui fournir la métaprotéine nécessaire à sa survie ! Et alors que l’A12 le soigne de ses blessures, Leech est victime des effets secondaire, se nourrissant de rats afin de calmer son appétit grandissant. Puis, la métamorphose opère… Quelques temps plus tard, le millionnaire renvoi ses hommes chercher le scientifique et, au même moment, une équipe de nettoyeurs de rue se rend dans les sous-sols. Ceux-ci pensent fouiller les lieux tranquillement afin de récupérer un peu de matériel à revendre, mais ils vont vite se retrouver prit entre le monstre qu’est devenu Leech, et les hommes de Deavers qui ne doivent laisser aucun témoin.

 

 

Si fondamentalement Bottom Feeder n’est pas différent des autres films de couloirs, montrant lui-aussi de nombreuses séquences où les protagonistes se baladent dans des zones toutes semblables, parlant, courant et éclairant les ténèbres avec leurs lampes-torches, il parvient quand même à nous intéresser avec son intrigue pleine de pourris, de trahison et coups bas. En fait la créature semble même plutôt secondaire au regard de certains protagoniste, à commencer par Charles Deaver qui aurait pu faire un excellent vilain de film d’action. S’il exhibe d’horribles cicatrices, c’est sa personnalité qui fait de lui un monstre encore plus dangereux que l’homme-rat qui erre dans les tunnels. Ne se préoccupant que de sa personne, il n’hésite pas à envoyer quiconque à la mort si cela peut le servir, et l’introduction du film le montre plutôt bien avec sa manière de conclure son entretien avec le Dr. Leech. En apparence calme et inoffensif, il suffit qu’il claque des doigts pour que ses employés passent le savant à tabac, brutalement, avant de l’injecter avec son propre produit dont il vient tout juste d’expliquer la dangerosité. Si l’on attend impatiemment sa mise à mort par la créature, il demeure l’un des personnages les plus intéressant à suivre et change des habituels antagonistes mafieux / scientifiques / militaires anonymes et juste un peu fous. A ses ordres trois mercenaires qui, eux aussi, sont un peu plus consistant que les ordinaires laquais “chair à canon” de ce genre d’histoire. L’un est un asiatique muet, hautement loyal, qui ne va pas hésiter à affronter Leech en face-à-face dans une séquence qui évoque un peu celle de Predator (lorsque Billy abandonne l’idée de fuir et se dresse devant l’alien, couteau à la main). Comble du bonheur, le film ne se contente pas de simplement lui donner une allure de badass, elle lui permet de tenir tête au monstre quelques temps, ayant même l’avantage avec ses deux lames de combat, avant de l’expier de façon satisfaisante.

 

 

Mais celle qui tire son épingle du lot, c’est Krendal, femme-assassin sadique et sans remord, peut-être encore pire que son patron. Elle manipule, exécute et trahis à tour de bras, prête à tout pour arriver à ses fins, et le scénario s’amuse évidemment à la mettre dans les pattes des “héros”, qui vivent dans un monde totalement différent du sien. D’abord meneuse puis otage, elle représente la version la plus aboutie du “traitre de service”, généralement lâche et pathétique. Ici il est très plaisant de la voir utiliser son entourage pour survivre, même son propre collègue, pourtant totalement de son côté ! Il faut dire que la dame est un agent double, œuvrant au côté de Deaver mais travaillant en réalité pour le Gouvernement américain. A la manière d’Alien, celle-ci est à la solde d’un groupe de personnes très intéressés par les travaux du Dr. Leech, pensant qu’ils pourraient donner naissance à l’arme parfaite. L’épilogue du film, plutôt savoureux, semble la montrer faire preuve d’humanité lorsqu’elle se sacrifie afin de couvrir la fuite des pauvres civiles. Et cela afin de nous la faire à l’envers ! En fait celle-ci modifie le compte à rebours d’explosifs que les héros placent dans les souterrains, sans les avertir. Lorsque ces derniers doivent finalement faire face à Leech et parviennent à le détruire, ils réalisent trop tard que l’explosion est imminente ! Une surprise totale pour un type de film normalement très prévisible. Encore une fois on pense à The Dark Side of the Moon, mais le réalisateur rajoute un épilogue à twist qui, à la manière des X-Files, montre le Gouvernement obtenir ce qu’il souhaite malgré tout: ayant survécu à la déflagration, deux des protagonistes sont ramenés dans un hôpital où on leur révèle qu’ils ont été contaminés par le sang de Dr. Leech et vont à leur tour devenir des mutants. Et le film de se conclure sur Tom Sizemore qui se sent alors tenaillé par une sacrée fringale…

 

 

Contre toute attente, c’est bien le scénario qui fait la force de Bottom Feeder, préférant l’humour noir au premier degré mal placé. La meilleure scène est certainement celle où Charles Deaver est attaqué par le mutant: planqué dans sa voiture, il contact Krendal afin qu’elle vienne le sauver, mais c’est l’un des nettoyeurs qui fini par lui répondre (Sizemore). Ne se sentant pas l’âme d’un héros, et sachant que son interlocuteur est millionnaire, il décide de marchander avec lui, expliquant que l’équipe ne viendra l’aider que contre quelques millions. Et l’handicapé de continuer à faire les enchères jusqu’à l’entente finale, malgré la terreur, le deal se concluant au moment même où Leech lui arrache la tête ! Et en parlant de gore, si le film n’est pas outrancier, il se permet quand même quelques joyeusetés. Son mutant tout d’abord, improbable homme-rat dont le visage est scindé en deux, d’un côté “humain” et de l’autre animal. Un petit côté loup-garou dans cette créature, avec la notion de métamorphose, la tête allongée dotée d’un museau et d’une grande oreille, et le fait qu’il puisse guérir de ses blessures. Sa carrure difforme le fait ressembler au gangster bouffé par les déchets toxiques de RoboCop et il est constamment luisant, comme si sa nouvelle peau était visqueuse. Gardé en grande partie dans la pénombre, mais avec ce qu’il faut de plans révélateurs, le monstre rend plutôt bien et donne à Bottom Feeder un petit cachet rétro pas déplaisant, comme à l’époque des film de monstres des années 80, où tout n’était encore que caoutchouc.

En fait il est même difficile de croire que l’œuvre date de 2006 tant son atmosphère est similaire aux “anciennes” séries B de l’époque. Même les meurtres commis par Leech ont cet aspect, apparaissant sanglant et fait de la même manière qu’à l’époque. Décapitations, morsures fatales, méchants coup de griffes, et jusqu’à une mâchoire inférieure arrachée d’un coup, tout cela à grand renfort de prothèses et de jets de sang, mais sans jamais exagérer ou enjoliver l’effet, comme il est de rigueur avec la mode faussement vintage actuelle (les Turbo Kid, Zombeavers, Wolf Cop ou autres productions façon Astron-6). En bref, le film est terriblement old school mais sans spécialement miser sur cet effet, et reste alors naturel dans sa réalisation. Si ce n’était pour Tom Sizemore, Bottom Feeder pourrait facilement donner l’impression d’avoir été fait en 1996. S’il fallait notifier des défauts (outre qu’il s’agisse d’un film de couloir !), je mentionnerai peut-être cet étrange personnage de clochard rasta qui s’exprime dans un argot probablement réaliste, mais très similaire à celui de… Jar Jar Binks ! Impossible de s’enlever l’image de la tête dès qu’elle apparaît, et cela peut s’avérer crispant sur la longueur. Cependant il ne fait pas long feu et le scénario a même l’audace de faire disparaitre encore plus vite l’autre protagoniste le plus agaçant du film, un espèce de jeune Émo rapidement gonflant et qu’on aurait pu craindre d’avoir à supporter jusqu’au bout, en en faisant un sidekick comique. Autant dire que cela ne fait que renforcer l’attrait de ce Bottom Feeder, qui s’impose finalement comme un Creature Feature tout à fait respectable !

 

 

VERDICT: TREAT

3 comments to Bottom Feeder (2007)

  • Fabien Fabien  says:

    C’est grace à ce film que j’ai découvert ton site ! 🙂
    Il est sur prime vidéo. Je l’ai trouvé sympathique. Le docteur qui devient monstre, le pauvre, il n’aura pas pu sauver sa femme.
    J’ai eu mal au coeur pour le clochard qui se fait tuer (d’ailleurs il y a une musique de quelques secondes tristes pour encore plus appuyer ce drame).
    La fin qui est bien trouvé. J’ai passé un bon moment à le regarder. Ce film ne dure pas bien longtemps alors j’ai pas vu le temps passé. C’est une belle surprise en tout cas.

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Plus trop de souvenir du clochard mais le scénario était assez sombre et cruel oui, et la conclusion assez surprenante. Peut-être pas aussi surprenante que le fait de trouver quelqu’un d’autre que moi ayant vu et apprécié le film, et encore moins que c’est par ce biais que tu as fait ton chemin ici ! Ça c’est une belle surprise 😀

      • Fabien Fabien  says:

        Quand je vois un film, souvent j’aime bien lire des critiques pour voir si elles sont du même avis que moi.. Et c’est google qui m’a redirigé sur ton site ! De mémoire, je pense que tu es le seul -ou des rares- à en parler.

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