Demons (1985)

 

Demons

(1985)

 

– Tony, did you get the popcorn ?
– Shut up, bitch.

Tout au long de sa carrière, Lamberto Bava s’est vu être comparé à son illustre père Mario, véritable maître du cinéma. Un état de fait plutôt injuste et jouant en sa défaveur mais il faut dire que le cinéaste entretien un peu la situation (scènes additionnelles pour compléter Rabid Dogs ou remake du célébre Masque du Démon) et que la plupart de ses films sont quand même mauvais (Apocalypse dans l’Océan Rouge). Cependant Bava Jr. s’est également forgé son expérience en étant l’assistant-directeur de son père (Opération Peur, Rabid Dogs) et de Dario Argento (Inferno, Ténèbres) et possède à son compte quelques films connus comme la série de La Caverne de la Rose d’Or et surtout les deux Démons, sorte de best of du cinéma Bis italien.

Démons (parfois appelé Demons I en vidéo) est coécrit et produit par Dario Argento lui-même. L’idée peut paraître séduisante mais le rendu final est très loin d’être une des œuvres oniriques dont le maître à le secret (Suspiria, Inferno), s’approchant au contraire beaucoup plus des nanars improbables de Bruno Mattei: le film n’est qu’une énième variation du thème des zombies qui s’attaquent à un petit groupe dans un lieu clos avant d’aller envahir le monde. Démons ne change pas la recette des Zombie 3, Virus Cannibale et autres Avion de l’Apocalypse. Du mysticisme que l’on trouvait chez Argento, seule demeure cette phrase culte, “Il feront des cimetières leurs cathédrales et des tombes leur cités.”, semblable à certaines élucubrations entendues chez Lucio Fulci dans Frayeurs et L’Au-Delà

Démons nous présente la situation de quelques badauds ayant été invités à une séance de cinéma par un homme étrange et en partie masqué. Un film sans titre diffusé au Metropol, un bâtiment dont personne n’a jamais entendu parlé. Les spectateurs se retrouvent face à un film d’horreur à bas budget narrant la recherche de la tombe de Nostradamus par une bande de jeunes, lesquels vont mettre à jour un antique masque transformant en démon celui qui le porte. L’un d’eux se blesse voulant le porter à son visage et se retrouve alors possédé, tuant un par un ses compagnons. Le public, d’abord pas très réceptif, va mal réagir à la violence du film qui paraît beaucoup trop réelle. Mais le véritable danger est à venir: une spectatrice s’était blessée superficiellement avant la séance, en touchant à une réplique du masque exposé dans l’enceinte du cinéma. Sa blessure va la transformer en démon…

Un sujet simple et prétexte à des scènes de massacre ultra gore comme tous les ersatz de Zombie. Et le film ne s’en prive pas. Produit durant les années 80, quand le film d’horreur était à son apogée (sujets traitant de tout et n’importe quoi, effets spéciaux délirant en pagaille), Démons condense la plupart des éléments qui firent les beaux jours de l’époque: invasion de morts-vivants (ou assimilés), bâtisse hantée, morts brutales et sanglantes, épilogue pessimiste apportant la fin du monde et surtout une pelletées de séquences improbables mais indéniablement fun. La tombe de Nostradamus ne comporte t-elle pas un étrange grimoire façon Evil Dead et un masque antique, renvoi direct au Masque du Démon ? Et comme pour bien souligner cet état d’esprit, l’action va se situer dans un cinéma visiblement spécialisé dans le genre (présences d’affiches, du Nosferatu de Murnau à Terminator en passant par Creepshow et 4 Mouches de Velours Gris), un cadre idyllique qui fournit au film toute son atmosphère de série B et présenté comme une entité maléfique et imposante, presque vivante. Jouxtant une étrange bâtisse aux murs suintant et sans issues, le Metropol est capable de murer ses propres sorties pour couper ses victimes du reste du monde et surtout projette sans aucun technicien un étrange film sans titre, qui n’est autre qu’un événement passé de la réalité ! L’occasion d’une mise en abîme amusante (le caméo de Michele Soavi) et surtout bien maîtrisée: le film paraît vivant, les images de ce qui semble être un mauvais slasher prennent finalement de plus en plus d’ampleur avant de “jouer” avec les spectateurs du cinéma (la victime passant à travers l’écran, le démon regardant le public).

Partant du principe que Démons n’est qu’une relecture du film d’horreur type, il ne faut pas s’étonner d’en retrouver tous les poncifs inhérent au genre: la quasi intégralité du film s’effectue en un huis-clos de quelques pièces, les protagonistes sont tous des stéréotypes (les jeunes amoureux, les punks, le maquereau vulgaire, le mari autoritaire ou la femme adultère) et seul un couple de héros s’en sort par miracle. On ne peut pas dire que le film soit subtile et ce n’est d’ailleurs pas l’effet recherché. Lamberto Bava ne semble intéressé que par son argument horrifique et se montre très généreux à ce sujet: passé une légère introduction des personnages prenant place au cinéma, Démons ne fait par la suite preuve d’aucun temps mort et son rythme endiablé ne faiblit pas un seul instant, pas même lorsque débute le générique de fin lequel va subitement s’arrêter pour laisser place à une dernière scène contre toute attente.

Sur ce rythme effréné se greffe tout naturellement une musique hard rock dans le ton, tant par le tempo que par l’esprit. Démons regorge de chansons survoltées qui s’intègrent parfaitement dans ce qui se déroule à l’écran: ça charcle, ça dépote, ça fonce à toute allure, et ça se veut surtout extrêmement fun. Une excellente bande originale où l’on retrouve quelques célébrités (Scorpions, Mötley Crüe) et d’autres groupes moins connus mais tout aussi appréciables (Saxon, Accept). A leurs côtés, le véritable compositeur du film: Claudio Simonetti. Le leader des Goblins (groupe souvent associé aux œuvres de Dario Argento) se fait moins brillant que d’ordinaire mais compose quelques morceaux efficaces et tout aussi dynamisant que les musiques additionnelles.

L’équipe du film compte également sur la présence du maquilleur Sergio Stivaletti (Sanctuaire, Dellamorte Dellamore, La Caverne de la Rose d’Or) pour assurer les effets sanglants. Car violent, Démons l’est furieusement: gorges déchirées, calottes crâniennes arrachées, doigts broyés dans les rayons d’une roue de moto, décapitations et corps transpercés dans tous les sens, l’œuvre de Bava ne fait pas dans la dentelle. Reflet d’une époque où le cinéma était volontiers permissif, Démons se montre même extrêmement sadique concernant ses personnages: un pauvre aveugle se fait arracher les yeux (un renvoi évident au Suspiria de Dario Argento), un couple fuyant par les bouches d’aération pense être poursuivit sans se rendre compte que c’est l’un d’eux qui est déjà contaminé… Les pauvres victimes n’ont même pas la paix dans la mort puisque chacune se voit être métamorphosée en démon par le biais d’impressionnantes transformations, avec notamment de très douloureuses poussées de dents.

Sorte de comic-book live tiré des EC Comics (les célèbres Tales from the Crypt), Démons carbure à l’anarchie, une d’énergie brute qui fait fi de toutes logiques et de toutes conventions: les acteurs sont mauvais mais cela importe peu, l’histoire est bateau mais le spectateur n’en a cure, seul demeure le bordel incroyable qui se déroule devant l’écran. Les démons émergent, provoquent un véritable carnage et on en redemande jusqu’à la fin, servit que nous sommes par un réalisateur dont le seul soucis est de trouver assez d’idées folles pour démarquer son film des nombreuses bisseries du moment. Dès lors le film gagne en puissance à travers ses séquences complètement démentielles et / ou improbables: une jeune femme accouche d’une monstrueuse créature par le dos (une séquence renvoyant à la destruction des démons de Evil Dead) tandis que le héros va chevaucher une moto-cross en brandissant un katana pour s’attaquer aux créatures (sur l’excellente Fast as a Shark de Accept), le final impliquant carrément la chute d’un hélicoptère à travers le bâtiment, permettant l’évasion des survivants ! Rajoutons les démons eux-mêmes et leur look pittoresque, volontiers fluorescent (yeux vert phosphorescent, réseaux de veines rouges vifs, dentiers proéminents), qui n’hésitent pas à bondir façon trampoline, l’intrusion inattendue de punks dans l’histoire en dernière partie de métrage, uniquement pour justifier une apocalypse finale, ou encore ce maque qui s’érige en chef de groupes des survivants. En faut-il plus pour convaincre ? Démons est une œuvre en pleine effervescence qui ne ronge jamais son frein quand il s’agit de faire dans la démesure !

Par ses excès, Démons se forge une stature de série B de haute volée. Un film extrêmement fun et décomplexé qui transcende ses défauts (acteurs jouant mal, répliques ridicules – mentions spéciales pour le “Rendez-vous en Enfer” d’un punk et toutes les tirades de Tony le maque, maquette d’hélicoptère pas très finaude, raccourcis scénaristiques limite honteux) pour laisser place à une production explosive qui fonce à toute allure.

Au milieu de tout ça, on peut s’amuser à relever quelques visages connues comme Michele Soavi, assistant-réalisateur de Dario Argento avant de voler de ses propres ailes (Sanctuaire, le somptueux Dellamorte Dellamore) et qui ne refuse jamais une apparition, Giovanni Frezza, un jeune gamin blondinet qui a déjà promené sa mémorable frimousse chez Lucio Fulci (La Maison près du Cimetière, La Malédiction du Pharaon) et dans d’autres bisseries (Les Nouveaux Barbares, La Maison de la Terreur) et qui marque ici sa toute dernière apparition, Fiore Argento, la fille de Dario, en jeune victime ou encore Nicoletta Elmi (l’ouvreuse quasi muette) que l’on avait déjà aperçue dans Les Frissons de l’Angoisse et au côté de Udo Kier dans De la Chair pour Frankenstein. Mais la grande révélation du film c’est Bobby Rhodes, un abonné au genre (Le Grand Alligator, Le Continent des Hommes-Poissons, Les Gladiateurs du Futur), qui livre la meilleure prestation du film avec son interprétation hilarante d’un maque macho. L’acteur se distingue tellement qu’on le retrouve l’an prochain dans la séquelle, Démons 2, avec un rôle plus ou moins semblable à celui-ci…

A des milliers d’années-lumières de son père, Lamberto Bava ne cherche ni à faire du style ni à paraître original. Il recycle ce qui se fait de mieux sur le marché et livre un cocktail détonnant d’horreur et de heavy metal sans même prendre la peine de soigner le fond ou la forme. Mal fichu, stupide et grand-guignolesque, Démons l’est indubitablement. Mais c’est également un film assurément plaisant et délirant qui ne peut qu’enthousiasmer son spectateur !

 

T’inquiète c’est d’la merde ce film.

 

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