13 Fuckin’ Years !
15 Mai 2002. Une date anniversaire qui ne m’est quasiment jamais venue à l’esprit, du moins jusqu’à ce que je commence à plancher sur l’Édito de ce mois, pour le site Toxic Crypt de l’ami Rigs Mordo. Comme je l’ai déjà évoqué dans ce texte, voilà maintenant un bon moment que je m’évertue à écrire des pages et des pages sur le Fantastique, la Science-Fiction, bref l’Imaginaire dans toutes ses formes. Treize ans depuis ce jour de 2002 où, poussé par je ne sais quelle lubie, j’ai décidé de me créer un véritable “Cahier du Cinéma” et d’y documenter mes trouvailles.
J’étais au lycée, dernière ligne droite. La fameuse année du Bac. Je commençais à me faire un réseau d’amis et de connaissances, à échanger mes points de vue sur les films et les livres, et à partager la culture qui me plait. C’est pour cette raison je crois, et entretenu par le climat particulier du milieu des études de Lettres, que j’ai voulu rendre cette passion plus concrète, lui donner un support autre que dans mes pensées et mes paroles. Trop même, puisque j’étais persuadé à l’époque que je finirai par faire de très bons textes par ma simple bonne volonté, et qu’il me suffisait d’écrire encore et toujours, en faisant attention de paraître professionnel: c’est-à-dire sans expressions fantaisistes, sans point de vue subjectif, sans grossièretés faciles, bref, de manière très académique. Très scolaire. Et donc très chiante… Mais une version plus “libre” me paraissait trop fausse. Trop adolescente. Et donc sans intérêt pour les personnes d’une génération supérieure à la mienne.
Quoiqu’il en soit, lancé dans le mouvement, je me suis retrouvé à m’acheter un énorme cahier pour l’occasion. Quelque chose de gros, qui pourrait durer longtemps et contenir un tas de critiques. Ou plutôt de “chroniques”, car cette première appellation sonnait toujours de manière négative à mes oreilles. Et c’est ainsi que je fis la possession d’un pavé de 288 pages, un Clairefontaine, papier velouté et dos en tissu. Après avoir inventé un système simple de mise en page, avec fiche technique et jeu de couleurs pour différencier le synopsis de l’article lui-même, il ne restait plus qu’à me lancer…
En vérité je n’avais strictement aucune idée de par quoi commencer et je n’ai même pas choisi un film pour marquer le coup. Un court-métrage était plus approprié, car moins de chose à raconter et moins de recherche à faire sur le sujet. Ce qui était vraiment à prendre en compte du fait que Internet n’était pas aussi développé que maintenant et que ma famille ne possédait pas la meilleure connexion au monde à l’époque. Ainsi mon choix s’est posé sur le Foutaise de Jean-Pierre Jeunet. Une vidéo de 1989 qui se trouvait en bonus sur le DVD de son Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, alors fraichement sorti dans les bacs et grand sujet de conversation dans les masses. Non pas que je tenais particulièrement à cette œuvre, mais c’était un prêt et mon accès à ce court me paraissait très temporaire.
Le résultat, lisible sur ce blog (avec photo du cahier en prime) est pour le moins pathétique. Un bref paragraphe qui ne dit rien, n’explique rien, n’analyse rien et se contente d’évoquer ce qu’on peut y trouver. Et pourtant, pour moi qui n’avait pour ainsi dire jamais rien écrit d’autre que des devoirs, c’était du boulot et c’était long. Incapable d’avoir un regard critique sur mon travail, j’ai préféré ne pas me démonter et continuer sans regarder en arrière, afin d’écrire, encore et encore, et laisser le cœur parler. La Passion, pensais-je, comblerait forcément les lacunes.
Alors je décide d’avaler tout ce qui traine sur mes étagères. Des films que je partais chercher en brocante généralement, VHS de films de genre que j’achetais pratiquement au kilo. Le Commando des Morts-Vivants, avec Peter Cushing, le Cannonball de Paul Bartel, qui fait plus ou moins suite à sa Course à la Mort de l’An 2000, mais aussi celui de Burt Reynolds et Dom DeLuise. Les films d’Horreur du Quartier Interdit de Jean-Pierre Dionnet, qui était une véritable mine d’or pour un jeune cinéphage comme moi, les Jeudis de l’Angoisse sur M6. Des tas de pellicules à propos d’indigènes cannibales, de vigilantes énervés et de monstres géants japonais. Dans le lot, même des films “normaux”, des films d’auteurs, des trucs chiants ou juste bizarres, comme Lettres d’Alou, visionnage plus ou moins obligatoire via le lycée…
Bien vite j’écris de plus en plus et le stylo ne suffit plus. J’abandonne littéralement le cahier, format dépassé qui, de toute façon, ne me convient plus. Trop de fautes d’orthographes que je ne peux pas corriger, des fiches que je ne peux pas trier, mon écriture qui me parait trop enfantine. Je passe alors à l’ordinateur, ce qui me permet de jongler avec quelques sites pour mes recherches, et de taper plus vite. Toujours plus vite en fait, au point que je développe une vitesse de frappe qui sidère mes proches. Les textes, honnêtement, sont toujours mauvais. Très courts, sans personnalités, sans analyses. Sans passion ? En fait, à les relire, ils se limitent tous à une succession d’anecdotes et de trouvailles amusantes, comme si je mettais à jours la section “Trivia” du site IMDB.com.
Parfois, je l’avoue, je me replongeais dans mes Mad Movies pour relire des articles que j’aimais ou que j’estimais, afin de les “comprendre”, de les décoder et de voir comment je pourrai en faire autant. Certains me reviennent presque en tête, comme L’Effet Gore par Christophe Lemaire (Mad Movies #115, celui où Leatherface apparait fièrement à côté de ces bouffons de Zilla et de Chip Hazard), article délirant qui retrace rapidement l’histoire du Gore au cinéma. Vous voulez de la passion, quelqu’un qui sait parfaitement exprimer le bonheur et l’envie ? Ne cherchez pas plus loin.
Peine perdu (même lorsque, malade comme un chien, je tiens à venir à bout de la trilogie – à l’époque – des Tremors plutôt que de rester au lit, terrassé par des nausées et la fièvre mais déterminé à en finir avec la saga des Graboïdes), je ne trouve jamais cette patte par chez moi, et mes textes me font honte. Au point que j’enterre toujours un peu plus cette idée d’ouvrir un site Internet, où je comptais autrefois les publier. Pas officiellement, car il m’arrivait de demander des renseignements à ce sujet de temps en temps à mes amis, mais suffisamment pour que ce projet n’arrive jamais à fructification. D’ailleurs, à ce jour, ces chroniques ne sont même pas retranscrites ici !
Pour autant mon envie d’écrire, de transmettre cette Passion indéfectible que j’évoquais dans l’Édito, est toujours là. J’inclus la littérature à mon tableau de chasse et je parle aussi bien de Série B que de roman de gare. Les Gore de chez Fleuve Noir, la collection Épouvante de J’Ai Lu, et même quelques bouquins “Jeunesse” qui me paraissaient très bien malgré mon âge supposément trop avancé pour les lire. Tout cela je l’imprime et le conserve dans un énorme classeur que j’ai gardé avec moi, à côté des restes laminés de ce vieux cahier. Des tas de feuillets, classés tantôt par dates, tantôt par ordre alphabétique, et dont j’ai fais la connerie de ne jamais garder la date d’écriture, idiot que j’étais.
Plus tard encore, après le Bac, je découvre l’Université et la tristesse des chambres étudiantes. De petites cellules ridicules, dont la mienne était placée juste à côté des douches communes (bonjour le bruit) et de la cuisine, commune également (bonjour l’odeur, notamment avec ce détestable inconnu qui ne jurais que par les épices très fortes). Le moral en berne, me retrouvant littéralement coupé de mes proches, j’écris, encore et encore. Il y a du mieux déjà, je tente de prendre les choses en main différemment, plus permissif. Et puis je découvre dans mon ordinateur un gadget formidable qui m’autorise à prendre captures d’écran, et ainsi d’illustrer un peu mieux mes pauvres textes qui me paraissent impossible à lire sans cela.
Et là c’est la fête, le DVD me permettant d’avoir accès à une grande variété de productions. Mad Movies lance sa collection, les Cash Converters commencent à fleurir et mon argent de poche plus conséquent me permet de me faire plaisir et d’acheter des coffrets ou des éditions dites Collector. Ces chroniques sont celles que je distille au compte-goutte ici-même, réupload des anciennes versions du blog avec quelques modifications parfois ici et là. Certaines d’ailleurs témoignent de beaucoup trop de retouches au point de devenir illisible, mais que voulez-vous. Je ne suis tout simplement pas satisfait de moi. Pas à l’époque et encore moins maintenant.
Chose amusante, c’est qu’Internet s’est également développé avec le temps. Les sites, s’ils existent toujours, ont quand même pas mal cédés la place à des forums et surtout aux blogs, petites plateformes généralement gratuites et simples à gérer. Et c’est ainsi que, à défaut d’ouvrir ce rêve de jeunesse qu’était un site “professionnel” bien foutu, sérieux et respectable, je me contente d’improviser une petite zone qui correspond à mon état d’esprit. Un endroit qui va abriter les futurs textes, où j’abandonnais parfois l’exercice de la chronique pour celui de l’actualité. C’est ce que je surnomme la V1, la toute première tentative de retransmettre ma passion pour l’Imaginaire aux autres.
C’est ainsi que, le 1er Janvier 2006, né Des Poulpes et des Femmes, un petit Skyblog qui, il est vrai, possède déjà une réputation liée à la génération télé-poubelle, mais qui est tellement rapide à utiliser que je ne peux que l’adopter. Le titre est un gag improvisé, mêlant les monstres qui peuplent mes fantasmes de fantasticophiles, aux belles pin-up qui, elles aussi, vivent dans mes fantasmes. Tout court. Certains diront que je regarde simplement trop d’animes Hentai, mais là n’est pas le sujet. La chose est ridicule, peuplée d’articles que je n’ai pas conservés car, selon moi, trop simplistes ou victimes d’un ton parodique qui me parait inapproprié. Trop “gamin”.
Après plus d’un an, le blog évolue et la V2 voit le jour rapidement. Très moche, mais beaucoup plus populaire car mon lectorat s’agrandit (comprendre par là que je passe de cinq personnes à une dizaine grand maximum) et surtout que j’ai besoin d’une bien meilleure mise en page. Un truc stupide, mais qui permet de publier mes précédentes chroniques avec toutes les captures d’écran que j’avais faites ! Des Poulpes et des Femmes change de nom et devient le Fantastic Club qui va durer jusqu’en 2009, date après laquelle va s’effectuer une énorme pause.
En fait de pause, des histoires compliquées font que je n’ose plus écrire, que je m’efface et que j’abandonne l’idée de chroniquer ou de publier des articles. Entre l’abandon du Fantastic Club et son futur successeur, il y a en fait des tas de tentatives avortées, des morceaux de blogs fabriqués en vitesse, des tests, avec des noms et des looks variés. Zombrex, “One hell of a Blog !” avec son look vintage façon vieille VHS de vidéo-club, Gypsy Witch, tentative ratée et risible de créer un univers pour une possible BD en amateur, The Mystery Machine, qui devait retracer mes années d’exploration du Fantastique de mon enfance jusqu’à cette fameuse date du 15 Mai 2002 ! Oublions. J’en garde quelques fragments, quelques textes qui valent peut-être la peine d’être publié, dont certains paraitront sans doute ici avec un message d’avertissement pour mettre en garde le lecteur de la nullité et/ou de l’inutilité du contenu. Entre temps je rencontre du monde, des milieux, j’explore le Steampunk et le Tribal, je rencontre des artistes (plus ou moins) et je tente l’aventure Steampunk.fr qui va bien vite s’échouer, mais qui va me remettre en selle pour les chroniques.
C’est ainsi que, vers 2013, le blog ressuscite. Une nouvelle plateforme et un nouveau look encore, avec Blogger et une interface absolument identique à celle que vous pouvez lire ici-même. L’Imaginarium de Monsieur Bizarre. Ou L’Imaginarium tout court, c’est plus simple. Un mot que j’adore. Je décide de reprendre l’écriture sans me prendre la tête, choisissant au grand hasard mes sujets, élargissant mes horizons et expérimentant sans cesse sur la façon de faire. Le reste, vous en trouverez un aperçu avec un article sur la V4, virtuellement identique à la V3: “L’Imaginarium, c’est quoi ?, aka. La V4”. Et je ne m’étendrai pas dessus pour différentes raisons et, puisque nous touchons au présent, il n’y a de toute façon plus rien à en dire…
15 Mai 2015. Treize putain d’années que je noircis des pages à propos de monstres, de voyages dans le temps, de super-héros, de malédictions et d’extraterrestres. Treize années que je vis dans une sorte de réalité alternative pour échapper au quotidien emmerdant de la vie “normale”. Treize année que je me persuade que je partage une passion qui, en réalité, m’échappe peut-être toujours un peu plus. L’Édito écrit pour la Toxic Crypt évoque ce sujet, aussi je ne n’en rajouterai pas, mais parfois je me demande quand même ce qui me pousse à faire tout ça. Surtout lorsque je relis mes écris avant de les mettre en ligne et que je suis incapable de savoir si je suis parvenu à transmettre mes sentiments, ou au moins une information qui peut intéresser un lecteur éventuel.
Là comme ça, si on me pose la question, je dirai que je vais continuer. J’ai encore beaucoup à dire sur beaucoup de chose. Pourtant, parfois, je me demande si c’est vraiment la passion qui me fait tenir. Est-ce que, finalement, ça ne serait pas plutôt l’habitude ? Histoire de simplement faire quelque chose ? Ce qui expliquerai peut-être ce manque que je ressens à la lecture de mes écrits ? Voilà qui n’est pas sans me faire froid dans le dos et me remettre en question, assurément. Très joyeux pour un anniversaire, n’est-ce pas ? En fait, à la base, je ne comptais pas parler de futur, mais bien de passé. Ce qui a précédé ces treize années années en fait, des découvertes de mon enfance jusqu’à la décision d’apporter une “forme” à mon Imaginaire. Car il y avait là bien plus d’anecdotes, bien plus de joie et donc de passion qu’après la création de Des Poulpes et des Femmes.
De là à dire que j’ai perdu mon temps…
De là à dire que je devrais m’arrêter une bonne fois pour toute…
Je ne sais pas. Autant signer pour une dernière année et voir ce qui va se passer, car après tout on ne sait jamais. Malgré tout ce temps, cela ne fait finalement que quelques mois que j’ai commencé à communiquer avec d’autres passionnés, à participer à des projets qui font rebondir sur d’autres projets, à planifier des choses pour l’avenir. Ma rencontre improbable avec David Didelot, qui tient presque du miracle. Ma contribution à son Vidéotopsie, la découverte d’autres bloggers, “collègues” pour ainsi dire. La Toxic Crypt qui revient ici sans cesse ces derniers temps.
Si je voulais finir ce long texte sur une note d’espoir, je dirais que la seule chose qui me manquait pour vivre ma passion, finalement, c’était des gens. Et que le blog, le classeur, le cahier, tout cela n’était qu’un substitut forcément sans saveur à mes yeux puisque partagé avec très peu de monde, voir personne…
Cet anniversaire est en tout cas bien étrange. A la fois positif et négatif, plein d’espoir et de déprime. Et impossible pour moi de faire le point sur ces treize années (et pour une raison simple, car il s’est passé bien plus que ce simple hobby, et qu’il est difficile de dissocier les choses). Dans le fond, plutôt que de planifier un article plein de nostalgie pour me retrouver à improviser cet historique inintéressant de L’Imaginarium, peut-être aurais-je dû me contenter de revisiter Foutaise et d’en faire une brève chronique, plus complète que celle d’à mes débuts.
A voir pour l’année prochaine, si le blog survit d’ici là ! En attendant, l’occasion de fêter ces treize ans ne manque pas. Demain déjà, chez une personne qui m’est chère et qui a malgré elle contribué à l’aventure. Dans quelques semaines ensuite, au Bloody Week-End, enfin une rencontre réelle avec d’autres extraterrestres comme moi. Et qui sait, peut-être simplement tout au long de cette 14ème année si je la tiens jusqu’au bout !
Sur ce, je m’en vais fêter cela et achever ma chronique de Cobra, qui traine depuis déjà des semaines. Si ça continue, je risque d’hiberner pour encore deux longues années… Merci à tout ceux qui m’ont lu, à ceux qui me lise, et ceux qui me liront un jour. Qu’ils soient d’accord, pas d’accord, qu’ils aiment ou non mon style, ces quelques uns sont probablement une des raisons pour laquelle Des Poulpes et des Femmes, le Fantastic Club et L’Imaginarium ont continués à exister sur plus d’une décade ! Merci à vous.
Très beau texte anniversaire (bon annif en passant !), et je dois dire que je comprends tes doutes et je pense que tout le monde les a un jour. Quand je parle avec d’autres mecs qui font des chroniques, c’est très clair: ça nous arrive à tous, plus ou moins régulièrement. Je pense en tout cas que tu aurais bien tort de lâcher et que de toute façon, cela finirait par te manquer au bout d’un moment et que tu relancerais la machine! En prime, je pense que tu vas avoir de plus en plus de lecteurs avec le temps (par ailleurs, ne sous-estime pas le nombre et ne te fie pas aux coms, je sais par expérience que la majorité des lecteurs ne laissent pas de commentaires!). Donc continue ainsi, tu fais du super boulot, tu parles de trucs rares ou peu traités et tu le fais en approfondissant énormément, ce serait bien dommage que le milieu perde ce blog. Donc tu continues, c’est un ordre!
Très agréablement surpris de ce long commentaires et de ces encouragements, moi qui pensais avoir écrit tout cela pour rien. Comme je te l’avais dis sûr le moment, j’ai totalement improvisé ce trop long texte qui a prit une direction totalement différente de ce que je voulais, et je ne voulais même plus m’embarrasser d’une publication.
Autant le dire, je suis assez halluciné des réactions qui ont suivie (ou juste que t’ai vraiment prit le temps de le lire, toi et les autres, en fait !)