WildC.A.T.s / Aliens
(1998)
La franchise comic-book Aliens de Dark Horse Comics s’enrichit d’un nouveau crossover avec ce WildC.A.T.s / Aliens, qui est écrit par nul autre que Warren Ellis lui-même. Un travail de commande qui servit bien au scénariste, puisque lui permettant de conclure la série Stormwatch une bonne fois pour toute et de donner naissance à The Authority. Sous ses allures des plus classiques ce one-shot a donc la particularité d’avoir de véritables répercussions sur au moins l’un des deux univers employés, et c’est suffisamment rare pour être noté.
A l’origine, Ellis n’était pas véritablement intéressé par le concept, trouvant même l’idée sacrément stupide (ce qui est compréhensible). Mais en apprenant qu’il aurait la liberté de tuer n’importe quel personnage de son choix, l’auteur change d’avis et y voit là l’opportunité de lancer une nouvelle série qui ne mettrait alors en scène que ses propres créations (à l’exception de Swift, personnage créé par Jeff Mariotte et Ron Lim): The Authority. Il accepte alors de prendre les rênes du one-shot qui peut être perçu à la fois comme un épilogue à Stormwatch et un prologue à The Authority.
Le projet est ambitieux et le résultat est loin d’être à la hauteur des espérances. Plus que cela, le scénario semble même étrangement banal et simpliste pour ce qui aurait dû marquer un temps soit peu l’univers WildStorm. Ainsi l’idée générale est une simple reprise du Aliens de James Cameron, tandis que l’on peut s’interroger sur la véritable utilité des WildC.A.T.s au sein de l’histoire. Très probablement en raison de leur potentiel commercial d’alors, car a vrai dire rien ne justifiait véritablement une réunification de l’équipe (alors séparée à l’époque) et le scénario aurait même pu totalement se passer d’eux. Au final on a presque l’impression qu’Ellis règle ses comptes en ridiculisant le groupe, inefficace au possible, et jamais le lecteur ne se sent impliqué un minimum dans ce crossover qui, finalement, n’en est pas vraiment un…
L’histoire débute par le crash d’une capsule de sauvetage en plein New York. A son bord l’officier Flint, échappée en catastrophe du satellite Skywatch qui a été attaqué par d’étranges créatures. Grifter, témoin de l’interrogatoire, pense que celles-ci sont des Daemonites, monstres qu’il avait déjà affronté autrefois avec WildC.A.T.s. Craignant une guerre sur Terre, il organise une rencontre avec Jacob, créateur et leader de cette équipe désormais dissoute, et Zealot, guerrière extraterrestre dont le peuple a toujours été en guerre avec les Daemonites, pour faire le point sur la situation. Tous conviennent de reformer le groupe (moins Voodoo qui n’apparaît pas dans l’histoire) et de porter secours aux survivants de Skywatch. Ce n’est qu’une fois sur place qu’ils réalisent l’ampleur de la situation: la station spatiale a presque entièrement été décimée par une race alien inconnue (découvert dans une étrange météorite organique, en fait une ruche errante remorquée dans la station spatiale) et ils vont être eux-même attaqués par un grand nombre de ces monstres. Dès la première bataille les membres sont submergés et deux d’entre-eux sont rapidement blessé, dont Void, qui n’a plus l’énergie suffisante pour les téléporter ailleurs. Face à la situation, les WildC.A.T.s mettent au point un plan pour empêcher les Aliens de s’échapper du satellite et se séparent pour remplir leurs objectifs: Grifter et Zealot tiennent la place tandis que les autres vont retrouver un groupe de survivants cachés dans l’installation…
On le comprend assez vite: l’histoire est grandement inspirée du Aliens de James Cameron et Ellis n’a pas vraiment prit la peine de camoufler ses emprunts. Skywatch est la colonie d’Acheron, les WildC.A.T.s sont les marines et bien sûr il y a toute une ruche Alien présente, ce qui inclus donc une Reine. Le scénario se limite à faire entrer les héros dans le vaisseau spatial puis à les en faire déguerpir le plus vite possible avec une poignée d’officiers de Stormwatch, le tout se concluant bien entendu par l’extermination de la menace. Grossièrement, il s’agit de ce que l’on peut trouver de plus basique concernant l’univers Aliens et l’on est en droit d’être un peu déçu devant le traitement beaucoup trop simpliste de l’intrigue. Dommage, surtout au vu de l’introduction avec ce crash de navette en plein centre ville. Et pour peu que l’on ignore les scènes de combat, passages obligatoires au sein d’un crossover, on pourrait presque oublier l’univers WildStorm et l’aspect surhumain qui en découle logiquement.
Car peut importe si Maul peut prendre une taille gigantesque, si Void est un être cosmique ou si Zealot est une grande guerrière possédant une incroyable expérience de combat: tous ne sont que de la chair à canon pour les Aliens au point que cela en devient perturbant. Nous étions habitués, à travers les crossovers DC Comics, de voir les super-héros rivaliser sans problème avec les monstres sanguinaires de la saga filmique: Superman, Batman, Green Lantern… Tous s’en tiraient finalement à très bon compte dans l’optique d’une attaque. Ici les WildC.A.T.s sont surpris, vite désorganisés, et se font laminer en un rien de temps. Une phrase un peu assassine d’un membre de Stormwatch le souligne bien: “I presume this is some kind of rescue attempt (…)” (je suppose qu’il s’agit d’une sorte de mission de sauvetage). Ellis voulait-il mettre en boite l’habituelle invincibilité des personnages de comics ou simplement mettre en avant la sauvagerie et l’efficacité des extraterrestres d’Aliens ? Dans tous les cas, c’est ce dernier point qui ressort énormément à la lecture et, pour la première fois dans le domaine d’un crossover, on a l’impression de les voir enfin être représenté à leur juste valeur. Point d’hybrides extravagants ou de nouvelles variations cependant, juste des attaques de masse plutôt spectaculaires. Ellis n’utilise d’ailleurs pratiquement pas la fameuse caractéristique “xénomorphe” des créatures, la seule exception étant un spécimen pouvant cracher du feu suite à l’absorption des super-pouvoirs de son hôte, l’agent Fahrenheit (douée de pyrokinésie).
WildC.A.T.s / Aliens sort donc un peu des sentiers battus et c’est une bonne chose pour tout ceux qui ont toujours pensés que ces multiples rencontres avec des héros de comics dénaturaient l’aura maléfique et terrifiante de la Bête imaginé par H.R. Giger et Dan O’Bannon. N’allons pas jusqu’à imaginer une parfaite adaptation de la créature: celle-ci demeure un simple adversaire qui va naturellement connaître la défaite en fin d’histoire et la manière dont leur sort est expédié laisse plutôt perplexe. Si les Aliens peuvent faire fondre les lames de Zealot, brûler les mains de Maul et percer sans soucis l’enveloppe du corps de Void, il va suffire d’envoyer le satellite dans le soleil pour les faire disparaître. Quant a la Reine, elle fait de la simple figuration puisque après sa découverte, Grifter s’en débarrasse avec un simple sac de grenades…
Si le scénario n’est pas le point fort de WildC.A.T.S. / Aliens, et ça malgré quelques bons points évident, il ne faut malheureusement pas compter sur le graphisme de la BD pour rehausser le niveau. De ce côté là, c’est à mettre sur le même niveau que l’écriture: sans être laid, les dessins ne sont pas brillants ; simpliste, dirons-nous. Si Chris Sprouse (l’adaptation de Star Wars – La Pierre de Kaiburr, la série Midnighter) donne dans du gore réjouissant et fourni aux Aliens une belle allure, son travail sur les humains est bien moins soigné: les torses des personnages sont trop développés et ce défaut donne notamment à Zealot un aspect très peu féminin, et avec les épaulettes de sa tenue cela donne de très mauvaises proportions (une tête bien trop petite par rapport à sa carrure de footballeur américain). De leurs côtés, l’encreur Kevin Nowlan (Superman vs. Aliens et surtout le superbe Aliens: Salvation avec Mike Mignola) et la coloriste Laura Depuy (Universe X pour la Marvel) s’en tirent dignement, nous offrant des Xénomorphes resplendissant et conservant des tons sombres et dépressifs propres à la saga Aliens.
Le bilan de WildC.A.T.s / Aliens est très mitigé. S’il aura permis le lancement de The Authority et ainsi de tourner une page de l’univers Image Comics en son temps, son déroulement semble si basique qu’on se demande s’il était vraiment nécessaire d’en passer par là. Les WildC.A.T.s se reforment inutilement et seuls les sarcasmes incessants de Grifter et Zealot retiennent l’attention, tandis que les Aliens, très efficaces et ne passant pas pour de simples invités vite expédiés, auraient aussi bien pu être remplacés par n’importe quelle autre menace d’outre-espace. Demeure un face à face intéressant puisque mettant nettement l’accent sur l’impuissance des surhumains pourtant rodés aux confrontations de ce genre et la mise à mort “définitive” de quelques personnages important (Fuji, Hellstrike, Fahrenheit et Winter).
Bien entendu dans le monde des comics, rien n’est jamais définitif et ces membres de Stormwatch referont surface: Winter réapparaîtra dans un one-shot de The Authority, les autres lors des évènements de WorldStorm (un reboot de l’univers WildStorm). Beaucoup de bruit pour rien donc, et relire le crossover bien des années plus tard, quand il n’est plus d’actualité, en rajoute dans cette impression d’inutilité. Avec une intrigue plus élaborée et un dessin un peu plus soigné (comme celui de cette belle couverture alternative montrant une Zealot vulnérable face à un gigantesque Alien), WildC.A.T.S / Aliens aurait pu être un crossover véritablement intéressant. En l’état, il est surtout très accessoire.
A noter que le one-shot a été par la suite réuni avec deux autres numéros de Stormwatch Volume 2 (les #10 et 11, se déroulant respectivement avant et après le crossover) dans un recueil intitulé Stormwatch: Final Orbit. L’occasion de faire clairement le pont entre Stormwatch et The Authority, mais c’est surtout souligner le fait que les WildC.A.T.s n’ont qu’un rôle mineur dans cette histoire. Les concernant, il faut situer ce comic-book entre les réunifications de leurs aventures dans les recueils titrés Volume 1 et Volume 2.
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