TIME CRASH
Chapitre I
Lorsque je reprends connaissance, je suis surprise par l’agréable chaleur qui m’entoure comme un cocon. Je suis allongée sur un matelas d’épaisses fourrures très douillettes, les grosses couvertures remontées jusqu’au menton. Mon corps est trop engourdie pour bouger et je me sens encore trop fatiguée pour ouvrir les yeux. J’ai dû dormir un moment mais je ne me sens pas encore prête à me lever. Avec un soupire de satisfaction, je me rends plus confortable, me plaçant en position fœtal. Je comprends que je suis nue lorsque les poils doux me chatouillent la peau un peu partout. Je souris doucement et j’étire mes jambes. Physiquement je me sens bien, et une odeur très familière me relaxe encore plus.
A vrai dire je ne sais pas trop où je suis, ni comment je suis arrivé là, mais très franchement ça ne me dérange pas. Je ne suis pas sur une table de torture et ça me suffit amplement. Et je suis sûre que je connais cet endroit. Cette odeur, douce et apaisante. Très féminine. Excitante. Mon cerveau embrumé met du temps à faire le lien avec la fourrure, mais je fini par comprendre pourquoi je me sens à l’aise sur cette couche. C’est un lit où j’ai déjà dormis bien souvent. Un lit où j’ai déjà fais l’amour. Par réflexe, j’étends le bras pour chercher la présence de sa propriétaire mais je ne trouve rien. Dommage. Elle doit être partie chassée, ma petite louve… Graaouh !
Et subitement, un profond sentiment de malaise me prends. Les souvenirs de ces moments sont contrebalancés par un constat amère. Ça fait longtemps que j’ai pas eu de relations sexuelles. Bordel, ça fait longtemps que je n’ai pas eu de relations tout court, que ce soit avec une femme ou un homme… Je n’ai jamais vraiment eu de chance là-dessus. J’entrouvre les yeux, maintenant pleinement réveillée. Morose, je sais que je ne parviendrai pas à me détendre suffisamment pour retrouver le sommeil alors je décide de me lever. Autant ne pas faire perdre trop de temps à mon hôte, il se pourrait bien que je sois plus une gêne qu’autre chose.
Comme d’habitude finalement. Je m’assoie et me frotte les yeux, cherchant à m’habituer à l’obscurité de la petite cave. Une sorte de grand rideau noir et occultant bloque la grande entrée, afin de m’épargner la plupart des rayons du soleil. Le reste de la pièce est comme d’ordinaire: bien entretenue et disposant d’un grand nombre de livres et d’artefacts. Elle n’est pas là. De retour là, dans cet endroit, sa présence me manque subitement. Je grelotte, me persuadant que c’est à cause de la fraicheur de la grotte, et je me recroqueville sur moi-même. Ma poitrine se durcie et j’ai la chair de poule. En me frottant les bras, c’est là que je remarque les bandages…
Je n’ai pas vraiment de douleur et je n’ai pas le souvenir de m’être blessée. Pourtant mon ventre est enveloppé d’un pansement artisanal, propre et bien serré. En portant la main à ma tête je constate que mon front est bandé lui-aussi. Je palpe doucement chacun de ces endroits mais ne ressens rien et je n’ai apparemment aucunes séquelles hormis la perte de mémoire. Ne reste plus qu’un test que j’applique aussitôt en sortant du lit. Je me lève doucement, pas très assurée tout d’abord. Mes jambes ne flageolent pas et mes pieds sont bien campés au sol: tout à l’air normal. J’esquisse quelques pas sans tomber ni tanguer et je me sens aussitôt rassurée. Ma hantise de boiter de nouveau disparaît immédiatement et je retrouve le sourire. Quoiqu’il se soit passé, cette fois je ne m’en sort sans trop de mal ! En attendant ma bienfaitrice, je me dirige vers son coin de travail pour observer un peu. Je jette un œil à ses reliques, ses papiers, les sorts qu’elle prépare. Sans trop fouiller j’ai tout de même un petit aperçu de ses activités. Et parmi tout ce bazar, il y a une photo encadrée qui traine. Plutôt bien mise en valeur je dois dire, elle accroche le regard assez vite. Je m’y arrête un petit temps avant de la ramasser. Je m’y vois moi, dans un sale état mais souriante, à ses côtés. Elle a été prise lors de notre première rencontre, juste avant mon départ forcé. Nous étions si bien ensemble…
– Tu es très belle dessus.
La voix me fait sursauter. C’est Elle, je ne l’ai même pas entendu arriver.
La belle indienne avance vers moi en souriant, pleine de tendresse. Ma nudité ne la dérange absolument pas, ce qui est normal. En tant que louve-garou, elle est habituée à se séparer de ses vêtements ou à ne se vêtir que du minimum le reste du temps. Et puis nous avons était amantes suffisamment longtemps pour être habituée l’une à l’autre comme ça. Et pourtant, allez savoir pourquoi – trop de temps sans la voir je suppose – je me sens légèrement stressée à me tenir ainsi devant elle. A la fois vulnérable et indécente. Dès que ses doigts effleures mes épaules, caressant ma peau avec douceur, je fonds complètement et je me colle à elle. Sa peau est chaude et agréable, son odeur enivrante. Une pulsion se réveille immédiatement au fond de moi-même mais je la chasse bien vite en plongeant mes yeux dans les siens, si beaux. Deux petits flocons presque blancs. J’en perds la voix et j’ai l’air sacrément ridicule lorsque je prononce son nom.
– Neige…
Son sourire s’agrandit et elle me caresse la joue.
– Bonjour Alice.
C’en est trop pour moi et je l’embrasse. Mon cœur fait un énorme bond dans ma poitrine lorsque mes lèvres entrent en contact avec les siennes et cet élan d’adrénaline me rends encore plus fiévreuse. Je perds totalement le contrôle de moi-même lorsque je goûte sa langue et que mes seins se pressent contre les siens. Je n’ai pas fais l’amour depuis trop longtemps. Et je ne parle pas de sexe, je parle bien d’amour. Revoir Neige après tout ce que j’ai traversée, c’est impossible de ne pas céder. Une petite voix me dit que c’est mal, très peu polis et m’avertis que peut-être elle va me repousser, mais je m’en fiche. En plus, elle répond immédiatement à mes avances, entourant mon cou de ses bras. J’aurais toujours cette petite culpabilité de l’avoir emmenée vers cette voie là, car si elle ne m’avait pas rencontrée Neige n’aurait jamais tenté l’expérience homosexuelle, mais nous avons déjà eu une discussion là-dessus. Alors je profite, même si c’est moi qui décide de m’arrêter au final, par peur de la posséder un peu de trop.
Je la regarde, un brin apeurée de sa réaction, mais ses yeux pétilles et elle sourit toujours. Alors je souris également et dépose mes mains sur ses hanches de rêve. Nous restons un petit instant comme ça sans parler, mais je fini là encore par interrompre le charme.
– Bonjour…
Et comme je me sens un peu conne parce que je réalise que je ne sais même pas quoi lui dire, je la serre très fort contre moi. Très très fort.
– Ça fait du bien de te revoir…
Elle rit doucement.
– Bon retour.
Je relâche mon étreinte et m’écarte un peu d’elle, sa main dans la mienne.
– Merci de m’avoir prêté ton lit. Je ne dérange pas j’espère ?
– Absolument pas. Comment te sens-tu ?
Perplexe, je relâche sa main et caresse mon ventre. Aucune douleur toujours.
– Tout va bien, mais je ne me souviens de rien par contre. C’est toi qui m’a soignée, c’est ça ?
Elle hoche la tête, s’installant sur un petit tabouret en bois couvert de symboles propre à sa tribu. Quelque chose en rapport avec ses divinités je crois.
– Oui, tu avais des plaies importantes à l’abdomen et ta tête a reçu un grand choc. Tu étais inconsciente quand je t’es trouvée et ta grosse machine porte des traces de batailles. Ça ne te dis rien ?
Je secoue la tête. Au dernière nouvelle j’avais atterri en plein milieu de l’océan, un endroit parfaitement désert. L’air peiné de Neige me dérange et je m’accroupis face à elle.
– C’est pas grave, dis-je en forçant le sourire. Cette fois je vais bien, grâce à toi. Comment est la Machine ?
La belle prend un air sévère que je ne lui connais pas et penche son visage vers le mien, m’examinant un temps.
– Mal. Il y a eu beaucoup de fumée noire qui sortait de l’intérieur et j’ai dû calmer la meute. Il n’y a pas de quoi rire Alice. Tu t’es crashée en pleine forêt et ton appareil a fait un vrai cratère. Je me suis précipité pour te retrouver et c’est l’alarme qui m’a avertie de la situation. Ton arrivée était un mode d’urgence déclenché par l’ordinateur lui-même, pas par toi. J’ai eu peur.
Je me mord la lèvre, prenant conscience de l’état de ma belle louve. Elle s’est inquiétée pour ma santé et je l’ai encore mise dans une situation délicate avec son clan.
– Excuse moi Neige, je… Je me souviens de rien et je n’ai pas mal. Je peux peut-être parler à l’Alpha si tu as des problèmes ?
Son expression s’adoucit mais elle demeure très sérieuse.
– Non, je suis en bons termes avec les Anciens. Cependant j’ai dû faire appel à quelques uns de tes contacts pour m’occuper de ta Machine. Ils sont entrain de la dégager du sol et de vérifier les dommages, mais il n’y aura que toi pour considérer les dégâts.
Surprise, je sens une pointe de méfiance s’éveiller en moi.
– Quels contacts ? Je ne te jamais mise en relation avec mes connaissances.
– Non, mais ta Machine oui. Il y avait une liste précise en cas d’urgence, j’ai juste fait une sélection.
Je me redresse et elle fait de même. Mon cœur bat toujours aussi fort mais ce n’est plus du désir que je ressens. C’est de la peur. Cela n’échappe pas à la jeune femme qui me regarde longuement.
– Qu’y a t-il Alice ?
– … Je ne sais pas. Je suis peut-être un peu trop sur les nerfs j’imagine. Qui sont les gens que tu as appelées ?
Je dis ça en me dirigeant vers l’entrée de la cave, m’apprêtant à lever le rideau pour en sortir. Mais le sourire de Neige me retient.
– Ce sont des mâles. Tu voudras peut-être te vêtir avant de les voir.
Elle me jette une couverture que je m’enroule autour du corps. Toujours mal à l’aise, je la dévisage. Elle fini par me rejoindre.
– Calme toi. Ils sont surprenants mais pacifiques.
C’est elle qui fini par lever un coin du voile pour me guider dehors.
Il fait beau, ensoleillé et chaud. Je constate que la nature ne semble pas être plus perturbée que ça par le fameux grand crash lorsque j’entends les oiseaux chanter, et les bruits habituels de la forêt.
– J’ai dormis combien de temps ?
– Une dizaine d’heures. C’était très tôt ce matin et je t’ai immédiatement ramenée au repaire. Je me suis occupée de toi et ensuite j’ai pratiqué un rituel. Tes amis sont arrivés rapidement.
Je reste silencieuse, ne partageant pas la confiance de Neige. Depuis Damaskinos, je suis devenue un peu parano, je ne parviens qu’à imaginer le pire pour chaque situation et je vois très bien quelques anciens ennemis profiter de la situation pour mettre la main sur mon appareil. Ou sur moi… De plus en plus nerveuse alors que nous approchons, je prépare mentalement quelques sortilèges offensifs au cas où.
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