The Punisher – Squid (2003)

ROAD TO HALLOWEEN IV

 

 

The Punisher #23

Squid

(2003)

 

 

Durant les années 90, la popularité du Punisher était au plus haut. Peut-être un peu trop même, puisque le personnage a fini par succomber à force de surexposition. Star de plusieurs revues (The Punisher, The Punisher: War Journal, The Punisher: War Zone, sans parler du “spin-off” The Punisher 2099, son alter-ego d’un futur cyberpunk), guest chez beaucoup d’autres comme Ghost Rider, Venom ou Wolverine, la multiplication de ses apparitions a fini par lasser tant les lecteurs que les artistes, incapables de se renouveler au bout du compte. Il faut dire qu’il était le représentant parfait de cette époque “extrême”, edgy et violente, où l’image du gentil super-héros propre sur lui s’est effacée au profit de quelque chose de plus sombre et rebelle. Les justiciers se transformèrent progressivement en vigilantes agressifs n’hésitant pas à exterminer leurs adversaires de façon brutale. Vers la fin, il semble clair que plus personne ne savait quoi faire de Frank Castle et cela a entrainé une dernière série complètement folle où le personnage se suicide avant d’être ressuscité par des Anges afin de devenir leur bras vengeur, se retrouvant investi d’une puissance divine et de fusils-fantômes pouvant tuer les démons mais épargnant les humains. Puis débarque l’Irlandais Garth Ennis, un type pour le moins “différent” dans l’industrie. Anglo-saxon, il dispose d’un sens de l’humour noir que l’on ne retrouve pas partout ainsi qu’un esprit Punk qui semble le prédisposer à écrire des satires et des critiques au vitriol comme 2000 AD en livre fréquemment.

 

 

Alors qu’il déteste les super-héros, qu’il a toujours trouvé idiots hormis quelques exception (Daredevil, avocat et donc théoriquement plus “réaliste” dans sa vision des choses) car ayant grandit avec des comics de Guerre, il s’est quand même retrouvé chez Marvel. Comment, ne me demandez pas, et d’ailleurs la compagnie a dû s’en mordre les doigts tant celui-ci passe son temps à tourner leurs personnages au ridicule et de manière parfois limite insultante si ce n’était pour son talent très effectif de la gaudriole. Pour autant, le Punisher est un personnage parfait pour lui, et il l’a déclaré lui-même plus d’une fois. A la manière de Nick Fury ou de Judge Dredd, Frank Castle apparaît comme un soldat au comportement subversif mais compréhensible, très éloigné des plaisantins en costume qui le répugne tant. Dans l’univers Marvel il est une sorte d’électron libre que l’on peut manier de façon totalement indépendante, sans avoir à se soucier de respecter les éléments intrinsèques de la compagnie. Et donc il reprend le anti-héros en main, le ressuscitant tout simplement, créant même la version définitive du personnage qui jusqu’ici oscillait entre héros, vilain ou personnage instable suivant le scénariste l’utilisant. Avec ce que l’on appelle le Vol. 3 (troisième version de sa revue si vous préférez), publiée sous le label Marvel Knights – chez nous Marvel Max, à ne pas confondre avec MAX tout court, qui est en fait le Vol. 6 – il fait de lui un soldat fou qui a besoin d’une guerre pour justifier son existence.

 

 

Si il demeure une touche de mysticisme dans cette version (particulièrement avec Born, mini-série racontant la naissance du “Punisher” alors que Castle se trouve toujours au Vietnam), qui sous-entends que la Mort elle-même l’a choisi pour œuvrer en son nom, il est ici avant-tout un psychopathe dans le sens premier du terme. Un serial killer qui s’en prend aux “coupables”, mafieux et criminels de la pire espèce, plutôt qu’aux innocents de passage. Des proies à la hauteur du prédateur en quelque sorte, donnant toute les excuses à Ennis pour le lancer dans une odyssée sanglante des plus violentes. Et si le label MAX lui permettra de se débarrasser du carcan “super-héroïque” en plaçant Castle ans un univers parallèle où le surnaturel et la science-fiction n’existent pas – en gros une version réaliste qui est exploré de la façon la plus sérieuse possible, son premier essai sur le Vol. 3 (et ses suites directes avec les Vol. 4 et 5) lui permet de s’éclater autant que possible et de faire presque du Judge Dredd Bis, mélangeant gore et humour comme il sait si bien le faire avec notamment The Darkness chez Image, et sa série-phare Preacher. Il retrouve justement son complice Steve Dillon pour illustrer ses méfaits, et si quelques histoires attirent d’autres auteurs pour faire patienter entre deux storylines, l’Irlandais tient globalement les rennes de la revue à lui tout seul.

 

 

Et comme pour toutes séries de ce type, il produit aussi bien de longs arcs étirés en plusieurs numéros que des petits one-shots faisant office de remplissage et tournant autour d’un concept ou d’un gimmick, petites parenthèses amusantes dans les aventures du personnage principal. Trouvé dans le Vol. 5, perdu entre une aventure avec un Russe invincible doté de nichons géants et un crossover avec Wolverine et une mafia de nains, Squid nous est présenté comme une “histoire vraie” tellement incroyable que Castle lui-même tâche de ne jamais y penser afin de rester sain d’esprit ! L’intrigue s’intéresse à Sid Saggio, petit mafieux sans envergure qui a reçu une balle dans la tête il y a longtemps lors d’une fusillade avec des Yakuzas. S’il a survécu, il ne s’en est jamais totalement remis mentalement et se retrouve désormais obsédé par l’Architeuthis, ou, en français, le calmar géant. Fasciné par cette espèce mystérieuse, il plonge régulièrement tout autour de l’île de Manhattan dans l’espoir d’un trouver un et de le photographier, d’être le premier à observer la bête vivante. Un hobby qui lui vaut bien sûr les moqueries de ses collègues. Par un coup de chance inouïe, Sid évite la mort le jour où le Punisher débarque dans leur repère pour faire un carnage: parti aux toilettes lorsque la fusillade éclate, il abandonne les lieux et parvient à s’enfuir… mais se retrouve aussitôt confronté aux fantômes de ses compères !

 

 

Damnés et errant sans trouver le repos, ceux-ci sont plutôt fâché qu’il se soit fait la malle sans les aider et décident de le hanter nuit et jour (même au chiotte, les salopiauds) pour se venger. Ils apparaissent partout jusqu’à ce qu’il craque: pour avoir la paix, Sid doit tuer le Punisher ! Comment réussir là où beaucoup ont échoués ? Avec un piège finalement très simple et il y arrive presque, tenant Frank Castle à sa merci ! Mais c’était sans compter sur l’intervention inattendu de… disons quelqu’un que personne n’aurait imaginé voir débarquer comme ça subitement. Peut-être pas même Sid, ce qui est l’ironie du sort. La chute de toute l’histoire est effectivement invraisemblable, même si pas totalement impossible étant donné que nous sommes dans l’univers Marvel. Et c’est peut-être ce qui la rend si drôle. Beau travail du duo Ennis / Dillon en tout cas, capable du meilleur même à partir de pas grand chose. Le scénariste n’a pas son pareil pour inventer des bains de sang à la fois effectifs et fun, comme lorsque Castle balance trois stunt grenades dans un petit entrepôts où sont regroupés quelques mafieux: il n’a plus qu’à entrer par la grande porte et flinguer les gars un par un sans se presser, ceux-ci étant tous aveugle et assommé par la déflagration. De son côté l’illustrateur apporte énormément grâce aux visages très expressifs de ses personnages (surtout lorsque les criminels sont témoins d’un évènement qui les dépasse) et à la foule de détails qu’il injecte dans ses dessins. Mention spéciale pour le clochard qui pisse depuis le ponton alors qu’un plongeur remonte à la surface et à la bibliothèque de Sid qui ne porte que sur les calmars, dont un livre carrément intitulé “Squid !!”.

 

 

Publiée dans le #23 du Vol.5, et chez nous sous le titre Le Calmar dans le Tome 8 du Punisher (Collection 100% Marvel), ce one-shot n’est qu’un délire parmi plein d’autre, les versions Marvel Knights et MAX du Punisher étant riches en horreurs et gags subversifs. A une époque où la firme Marvel n’est plus qu’un détestable foyer de SJWs et de moralisateurs censurant tout et n’importe quoi, je ne peux que vous inviter à explorer ces anciennes publications plutôt que leur actualité, bien trop triste et éloigné de cette esprit Punk et rebelle que représentait Garth Ennis.

 

 

 

   

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