The Corpse Grinders
(1971)
Avec The Astro-Zombies, voici le film le plus connu de son réalisateur, le très psychotronique Ted V. Mikels qui tourna et produisit une tonne de petits budgets dont certains ont depuis gagné une certaine réputation grâce aux circuits vidéos et aux conventions spécialisées (Children Shouldn’t Play With Dead Things, The Doll Squad, The Worm Eaters). Dans le cas présent il n’est pas responsable du script, écrit par un Arch Hall également responsable du Eegah avec Richard Kiel et qui subit quelques retouches par un certain Joe Cranston, scénariste de The Crawling Hand et papa d’un petit Bryan désormais très célèbre ! Et d’intrigue il en est certainement question ici avec cette idée complètement folle d’entreprise de pâtée pour chats tenue par deux crapules qui utilisent des cadavres humains en guise d’ingredient, donnant alors le goût du sang aux félins qui finissent par attaquer leurs maîtres. Un concept très H.G. Lewis dans l’âme même si le film ne sombre jamais dans le gore, peut-être par manque de budget, peut-être par manque d’expérience en la matière, ou plus probablement parce que le but n’était pas de faire dans la violence excessive…
C’est plutôt dans l’humour noir que verse le cinéaste, avec les incroyables combines de ses protagonistes pour se fournir en macchabés, ce qui vaut souvent à l’oeuvre d’être cataloguée comme comédie horrifique même si cela reste discutable. Ainsi tout part d’un crime plus ou moins accidentel lorsque des arnaqueurs tuent le partenaire financier qu’ils exploitaient, celui-ci menaçant de les balancer à la police. Ils se débarassent du corps en le jetant dans le broyeur à viande de la compagnie puis vendent à leurs clients les quelques conserves qui en résulte. La Lotus Cat Food fait un profit inattendu tant les chats raffolent du produit, et devient une marque prestigieuse du jour au lendemain. Fort de ce succès les crapules magouillent désormais dans tous les sens pour obtenir des cadavres frais, se fournissant au cimetière et à la morgue. Ils engagent même un assassin pour étrangler quelques clochards, et lorsqu’ils pincent un employé un peu trop fouineur, ils le font disparaître eux-même. Une révélation pour l’un des compères, qui réalise qu’il peut gérer l’approvisionnement lui-même: “The world is full of ingredients” déclare-t-il d’un ton rêveur.
Pendant ce temps les matous attaquent pour se nourrir, blessant ou tuant leurs propriétaires. Un problème qui interpelle un brave chirurgien et son infirmière / maitresse personnelle, lesquels vont mener l’enquête. Et c’est malheureusement là où The Corpse Grinders perd des points avec le public puisque le film fini par se concentrer sur les recherches mollassones de ses héros (qui jamais ne previennent la police !) plutôt que sur l’odyssée sanglante de ses antagonistes, forcément plus fun. La première partie est d’ailleurs très joyeuse à ce sujet, montrant a quel point les dirigeants de Lotus entubent tout le monde: ils disent payer les corps à la livraison mais retardent toujours le paiement, fournissent les légistes en jus de porc afin de remplacer le fluide d’embaumement qui abîmerait la marchandise et doivent séduire le tueur à gage qui trouve l’idée de recycler les corps un peu étrange. Il y a aussi des tensions naissantes entre les deux associés, l’un regrettant l’évolution de la situation malgré qu’il soit responsable du premier meurtre, et l’autre étant près à tout pour protéger son business quitte à devenir un cruel psychopathe.
Pour autant, le premier se révèle être un pervers sexuel qui n’est pas loin de violer le corps d’une jeune femme qu’il trouve encore séduisante, allant jusqu’à déshabiller l’héroïne capturée dans le final dans l’espoir de lui faire un gros câlin, et le second fait preuve d’une compassion inattendue pour l’une de ses travailleuses, une vieille unijambiste sourde-muette qui fait effectivement peine à voir lorsqu’elle clopine sur sa grosse béquille. Sans prétendre que le film propose de vrais personnages comme dans un vrai film de cinéma, il y avait là des éléments intéressant à développer. Bien sûr tout cela est balayé par le budget minuscule et la mise en scène amatrice de Ted V. Mikels qui se contente de produire une série B pour drive-in sans ambitions. Ce qui n’est pas tellement une critique puisque l’on se retrouve du coup avec une bande d’exploitation plutôt bien remplie en terme de contenu: les filles dévoilent régulièrement leur lingerie, l’épouse folle du fossoyeur trimballe une poupée qu’elle considère comme son enfant et les lames du broyeur sont représentées par des baguettes en carton où sont peintes des dents pointues, qu’un technicien fait bouger rapidement pour simuler le mouvement. Quant à l’écran-titre, il s’agit d’une étiquette rajoutée à-même la pellicule !
Les chats enragés sont joués par d’adorables bestioles avec miaulements agressifs doublés sur la bande-son, et que les amoureux des animaux se rassurent: aucun félin n’a été violenté lors du tournage, à l’exception d’une ou deux bousculades pas bien méchantes lors des attaques. Le gore en revanche est très limité, avec un peu de faux sang pour les griffures et de la viande hachée sortant régulièrement du distributeur. De vraies tripes sont utilisés durant l’autopsie animal (empaillé) en revanche. Le montage rattrape un peu en intercalant des images du broyeur ou de meurtres lors de certaines scènes pour créer le chaos, mais le plus gros atout du film demeure Sanford Mitchell, interprète du directeur psychotique de Lotus Cat Food. Un acteur sans doute pas professionnel si l’on en croit sa courte filmographie (que des titres d’exploitation à très bas budget), mais qui possède une sorte d’intensité tranquille similaire à celle d’Henry Silva. Son simple regard suffit à faire transparaitre sa dangerosité et il n’a jamais besoin d’élever la voix pour être menaçant. Le voir sourire à l’idée de commettre un méfait est suffisant pour palier au manque de violence graphique, et sa scène finale vaut le coup d’oeil.
Agacé par les réticences et simagrées perverses de son collègue, il le balance vivant dans le broyeur tout en l’insultant: “You’re nothing, Maltby. You’re cat food !” hurle t-il à la face du mourrant. “I’ll get it all ! The money ! Everything ! Because you’re nothing !”. Sans lui The Corpse Grinders serait bien moins remarquable et on peut sans risque lui attribuer une partie du (minuscule) succès que rencontra le film à sa sortie. Ted V. Mikels, qui avoua qu’il s’agit de la seule production qui lui rapporta un peu d’argent à l’époque, tenta de capitaliser sur le pseudo statut culte de l’oeuvre quelques décennies plus tard en produisant deux suites, The Corpse Grinders II, qui ajoute quelques aliens dans le mix, et The Corpse Grinders 3, tourné en Espagne et considéré à l’unanimité comme le pire de la trilogie. Un remake allemand par Timo Rose, comparse d’Andreas Schnaas et auteur de Violent Shit 4, a été tourné en 2016 avec le youtubeur Shawn C. Phillips au casting, mais il demeure invisible à ce jour faute de distributeurs.
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