Tales From the Cryptkeeper
Gone Fishin’
(1993)
Il est difficile à croire de nos jours qu’il fut un temps où les films les plus violents produits par Hollywood pouvaient devenir des série pour enfants, du moment qu’ils étaient suffisamment populaire. Bien sûr cela impliquait de transformer les œuvres afin de les conformer au nouveau format et de les édulcorés un maximum, détruisant dans le procédé une grande partie de leur intérêt même. Mais tant pis si cela permettait de vendre des jouets ! The Crow, Highlander, Poltergeist et RoboCop, normalement interdit aux tous petits, eurent droit à leur adaptation live avec de grosses révisions. Mais il y eu surtout une vague de dessins animés s’inspirant de tout et n’importe quoi soudainement projetée sur les petites têtes blondes: Highlander et RoboCop encore, mais aussi Conan le Barbare, Mortal Kombat, Rambo ou même le Toxic Avenger, ce qui parait surréaliste quand on y pense. Aliens manqua le coche de peu, délivrant quand même quelques figurines colorées venant rejoindre celle de Terminator et de Commando ! Et donc Les Contes de la Crypte eu droit à son propre cartoon, la série faisant alors un véritable tabac grâce à son originalité et à sa violence décomplexée (oui, cherchez l’erreur). Question produits dérivés il y en a à la pelle: flippers, poupées, albums de musique où le Cryptkeeper s’improvise chanteur, et j’en passe…
Vient alors Tales From the Cryptkeeper, qui fut traduit chez nous de façon très confuse par Crypte Show. Il va sans dire que pour le jeune novice que j’étais, il m’était impossible de ne pas faire le lien avec Creepshow, dont les VHS présentaient également un squelette décrépi en guise de présentateur. Pourtant il s’agit bien là d’un véritable spin-off du célèbre show: on y retrouve a peu près tout, du design de la maison et de la crypte au thème musical, en passant par le Gardien lui-même, toujours doublé par John Kassir dans la version originale ! Bien sûr les frissons laissent placent aux gags idiots, le ton général étant très adoucis, et en plus de ne montrer ni sang ni nudité les histoires avaient tendance à ne pas non plus avoir de twist ending surprenantes pour ne pas choquer son public. Enfin pour la plupart du temps, car ici et là le comité de censure a dû oublier de faire son travail et je peux citer au moins un épisode plutôt perturbant. Il s’agit du dyptique Gone Fishin’ / A Little Body of Work, qui détonne pourtant du reste de la saison car proposant deux courtes histoires de dix minutes plutôt qu’une seule de vingt. Et c’est surtout le premier segment qui nous intéresse ici puisqu’il est écrit par Terry Black, frère de Shane, et déjà scénariste du génial Flic ou Zombie ! Pas ses premiers dans l’univers des Contes de la Crypte puisqu’il est déjà responsable de trois bons épisodes de la série principale.
Ce sont Dig That Cat… He’s Real Gone, où un SDF se fait transfuser les neuf vies d’un chat et devient une attraction vivante, Korman’s Kalamity, où un illustrateur pour EC Comics voit les monstres qu’il dessine prendre subitement vie, et The Reluctant Vampire avec Malcom McDowell, où un gentil vampire travaille à la banque du sang et va devoir remplir celle-ci après avoir emprunté un peu trop d’hémoglobine. Trois histoires mémorables, plus amusantes qu’effrayantes mais prouvant que l’homme est aussi créatif que son célèbre frangin. Et cela se retrouve ici à un certain degré, même si l’humour cible surtout le tout début d’école primaire. Son intrigue s’intéresse à la relation conflictuelle qu’entretiennent Ned et son jeune neveu Randy. Déposé chez son oncle pour les vacances, celui-ci doit l’accompagner à la pêche alors qu’il déteste ça. Mais le vrai problème vient du fait que l’adulte est un cinglé, du genre à prendre son pied en tuant les animaux et à se référer à la loi du plus fort à longueur de temps. Il balance ses ordures dans le lac, fonce sur les canards avec son bateau dans l’espoir d’en éclater quelques uns et surtout se moque éperdument de l’éthique de la pêche: ses prises, il les balance sur la rive aussitôt rentré ! Forcément, l’enfant encore jeune et impressionnable va trouver cela injuste et le lui reprocher.
Pour lui cela tient pratiquement du meurtre, car après tout qui sait ? Peut-être que dans les profondeurs, les poissons ont leur propre monde et qu’ils ne sont pas différent de nous. En tout cas les actions de son oncle le secoue suffisamment pour qu’il soit victime de visions étranges où lui apparaissent de véritables hommes-poissons. Des créatures que personne d’autre que lui ne peut voir. Malgré la peur, le garçon est persuadé que ces monstres semblent vouloir lui dire quelque chose et un natif du coin lui dit que la Nature peut parfois s’adresser à l’Homme de bien des façons. Mais Randy n’aura guère le temps d’y réfléchir car son oncle va le forcer à pêcher, le disputant aussitôt qu’il tente de faire semblant. Bientôt la tension entre les deux fini par éclater et l’enfant va menacer Ned, lui assurant que quelqu’un finira par l’arrêter d’une façon ou d’une autre… C’est là dessus que vient la conclusion, le tonton en colère renvoyant son neveu. Désormais seul, il va alors remarquer sur le ponton un joli portefeuille bien rempli que quelqu’un a probablement fait tomber, et le ramasse. Après tout, comment résister ? Il ne remarque qu’au dernier moment que l’objet est attaché à une ligne de pêche menant directement vers le lac. Il est aussitôt projeté dans l’eau, comme tracté par une force tirant sur la corde à l’autre bout.
Dans les profondeurs se trouvent deux poissons, le petit Carpie et son oncle Gill, assis sur une barque coulée. Ils s’y livrent à la pêche à l’humain bien sûr, pensant que notre espèce n’est pas différente d’un animal et qu’il ne faut pas voir s’émouvoir de cette pratique ! Comme Randy, le plus jeune se demande aussi si l’Homme possède son propre monde à la surface, et son parent doit lui remettre les pendules à l’heure. L’humour vient de la relation très différente qu’entretiennent ces animaux par rapport à Ned et Randy: ici l’adulte ne commet aucun abus, expliquant au contraire qu’un bon pêcheur ne prend jamais plus de proie qu’il ne peut en manger. Enfin bien sûr, il ne dit pas “manger” car toute notion de violence est durement contrôlée. A la place il dit « mettre en boite », comme on le fait avec les sardines. Honnêtement ça ne change pas grand chose, mais si ça peut faire plaisir aux mamans des beaux quartiers… L’ultime image montre alors une petite conserve échouer sur le rivage avec une image de Ned sur l’emballage. Pas sûr que cela soit si inoffensif quand on y pense, l’idée qu’un d’homme soit réduit en viande hachée et distribué pour la consommation d’innommables créatures. C’est sans doute pour ça que l’équipe d’animation a rajouté une voix off, Ned semblant toujours vivant et peu inquiet de son sort malgré sa taille réduite.
Et vous savez quoi ? C’est peur-être encore pire au final puisque l’objet est ramassé par le Cryptkeeper qui se met alors à rire ! Comment ne pas penser qu’il va le bouffer ?! Mais bon, c’est l’étrange logique des censeurs et des gardiens de la bonne morale qui sont souvent confus, stupides ou totalement déconnectés de la réalité. Difficile de dire s’ils sont directement responsable de l’annulation de la série après la seconde saison (ce qui ne serait pas impossible) mais cela n’empêchera pas le vieux Gardien de la Crypte de revenir quelques années plus tard avec New Tales From the Cryptkeeper grâce à la popularité des rediffusions. Comme quoi il est difficile de tuer ce qui est déjà mort, et de toute façon Les Contes de la Crypte continuèrent de corrompre les enfants même entre temps grâce à la géniale idée d’un… jeu télé ! Naitra Secrets of the Cryptkeeper’s Haunted House qui, s’il ne dura pas longtemps, montre bien que les États-Unis fonctionnent comme un véritable paradoxe, ballotant constamment entre la Bible et le Dollar, créant et détruisant à volonté en fonction de là où penche la balance. Quant à Gone Fishin’, il connu lui aussi une sorte de résurgence via Chair de Poule – pas les livres, la série.
Parce que la conclusion originale de Les Vers Contre-Attaquent n’était pas réalisable (impliquant un papillon géant s’apprêtant à perforer le jeune héros à l’aide d’une grosse aiguille), il fut décidé de modifier la dernière scène qui montre désormais le garçon être “pêché” depuis les profondeurs d’un lac. Là encore une voix off viendra nous rassurer quant à son triste sort. Maintenant que j’y pense, tout ceci semble étrangement découler du slasher Blood Hook avec son tueur armé d’une super-canne à pêche qui s’en prenait aux baigneurs. Plusieurs scènes y montraient déjà de pauvres ères être hameçonnées par une ligne venue de nulle part, les attirant dans l’eau. Voilà une drôle de référence pour les marmots…
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