Sept Jours Pour une Éternité… (2003)

Sept Jours Pour une Éternité…

(2003)

 

Signant son troisième roman, Marc Levy poursuit sur le thème de la romance et des sentiments humains, y incluant cette fois un surnaturel relatif à la religion Chrétienne. Bien et Mal se côtoient au cœur d’une histoire d’amour que certains trouveront mièvre, d’autres touchante, avec une dose d’humour qui provoque un certain détachement quant aux rapports avec la religion et permet de ne pas être indigeste pour le lecteur n’étant pas trop portée sur la théologie…

L’histoire narre le pari stupide que fait “Monsieur” (Dieu) avec le Diable: l’un comme l’autre souhaitent démontrer leur supériorité et se donnent une semaine (soit le temps qu’il aura fallu à Dieu pour créer la Terre) pour se le prouver. Chacun envoi en mission leur meilleur agent, l’ange Zofia et le démon Lucas, les avertissant de l’importance de leur travail. Mais ce que personne n’avait prévu c’est que les deux adversaires allaient finir par se rencontrer… Et tomber amoureux…

L’amour impossible entre un ange et un démon se mettant chacun leur parti sur le dos, une sorte de version théologique de Roméo & Juliette, aurait été un concept amusant, mais ce n’est pas du tout ce à quoi nous avons droit dans cette histoire. Tout d’abord, il faut dire que Levy ne fait pas du tout dans la tragédie mais plutôt dans la comédie romantique. Ensuite, la structure de la narration fait que les camps des deux protagonistes (le Bien et le Mal) n’entrent finalement que très peu en interaction avec eux, et ne seront au courant de leur amour qu’en toute fin d’histoire.

Rien à voir avec ce qui aurait pu naturellement venir à l’esprit et c’est quelque part tant mieux, permettant au roman d’être un peu moins prévisible que prévu. Un peu moins, car malheureusement on sait très bien que l’histoire d’amour aura une influence bénéfique sur le pari que se livrent Dieu et le Diable. Il aurait été plus intéressant d’élever ce sentiment normalement inconnu chez Zophia et Lucas au-dessus de leur nature réciproque, mais Levy prend le parti du Bien et du bonheur à porté de tous. On ne cache alors pas sa déception de voir Lucas devenir bon au terme de l’intrigue, même si on évite quand même la mielleux et le bien-pensant extrême.

Le véritable problème vient en fait de ce que l’on peut attendre d’un tel sujet et qui n’arrive jamais. Lorsque le pari est donné, on s’imagine à ce qu’une course contre la montre, menée à un rythme effrénée, s’enclenche (il en va quand même de l’avenir de l’humanité et de la supériorité du Mal ou du Bien) mais il n’en est rien. Zophia poursuit son travail qui consiste à surveiller les conditions de travail très difficiles des dockers, en poursuivant son petit train-train d’ange gardien (passer du temps avec un enfant malade et probablement condamné, tenir compagnie à une ex-junkie sur la voie de la réhabilitation…) sans pour autant convaincre. Lucas, de son côté, provoque tout de même un ou deux accidents assez violent (notamment celui qui ouvre l’histoire) mais passe le plus clair de son temps à voler des voitures et envoyer chier les gens, et tandis qu’il projette de faire couler une grande société afin que cela ait de sérieuses répercussions dans le reste du monde sur un plan économique, on sent tout de même qu’il y aurait eût matière a faire beaucoup plus terrifiant, ne serait-ce qu’en utilisant la Politique et la force de frappe nucléaire des États-Unis. De ce fait, il passe plus pour une sorte d’anarchiste un peu voyou sans jamais pour autant renvoyer à la figure du démon qu’il représente…

Un grand ratage donc, en ce qui concerne cette lutte du Bien contre le Mal puisque visiblement aucune importance ne lui est accordé, ni par les personnages, ni par l’auteur, et même par les spectateurs qui sentent bien au fil des pages que tout ceci n’est qu’un prétexte afin de se faire rencontrer l’ange et le démon et d’assurer la romance promise. Vous le croirez ou non, mais Levy traîne en longueur pendant un bon moment avant de faire se faire croiser une première fois les deux protagonistes, par le biais justement des enjeux du pari ! Nous assistons alors à une présentation de chacun des deux personnages, une réunion avec leur chef quant au sujet de leur mission puis encore un moment d’errance où les héros se demandent plus ou moins pourquoi on leur a confié cette tâche (et au lecteur de se le demander aussi, puisque visiblement ils n’ont rien des “meilleurs” anges ou démons comme on aurait pu le supposer). Rageant de voir cette histoire d’amour “extraordinaire” devenir on ne peut plus ordinaire !

Et comme pour assurer cette normalité, l’histoire fini par désacraliser complètement les amoureux en les rendant humain (l’amour faisant perdre leurs pouvoirs) et le tout se conclura sur une naissance qui, en le laissant sous-entendre, irait carrément rabibocher Dieu et le Diable ! Un peu too much pour le coup mais si l’on se laisse emporter par la narration de Levy, on n’aura rien à redire (et les autres seront déçus). Tout cela amène également une tentative de rendre logique la notion du Bien et du Mal ainsi que de l’existence de Dieu et l’explication de ses actes. Zophia trouvant vain son travail d’ange, elle finira par se demander pourquoi Il ne vient pas en aide aux humains alors que le Diable semble faire régner le Mal. On lui répondra simplement que cela ne dépend pas de la volonté de Dieu mais de l’Homme, et que si le Mal se fait à grande échelle, le Bien lui se constitue d’une série de petites choses a priori insignifiantes (un sourire à un passant, etc.) mais qui, au final, peut rendre l’espoir et le bonheur. Une réflexion certes logique et au final assez véridique, mais on ne peut s’empêcher de trouver cela bancale dans une œuvre où Dieu existe bel et bien…

Et à ce propos, on peut aussi regretter le manque de visite sur les endroits divin des royaumes de Dieux et du Diable. Ceux-ci sont joignables par le biais d’une même construction, un grand building d’une fausse société où l’on prend l’ascenseur pour descendre ou monter (logique), et reposent sur un mode de fonctionnement opposé (en gros on est gentil et serviable chez Dieu, mais désagréable chez le Diable). En dehors de ça, à peine visitons-nous les locaux du Bien (quelques interaction avec l’Ange Gabriel, tuteur de Zophia, existence de portes menant à divers endroit sur Terre…) qu’absolument rien ne nous sera donné en ce qui concerne le Mal (on trouve tout juste un rival bureaucrate pour Lucas). Décevant.

Cependant, Levy possède un certain dont pour l’humour et on ne peut que sourire devant la fascination de Dieu pour les fusées, ainsi que la plupart des passages mettant en scène le couple Zophia / Lucas lorsqu’ils tentent l’un comme l’autre de se ressembler pour se plaire (Lucas devenant malade en aidant une vieille dame à traverser la route, le même offrant un nénuphar en guise de fleur à cette grenouille de bénitier de Zophia…). De même l’émotion dégagée par certains passages est bien ressentie (lorsque l’ange fini par demander à Lucas de lui apprendre le Mal et que ce dernier demande de ne pas venir en aide à une pauvre fille tabassée dans la rue par un homme), permettant au lecteur peu impliqué par le côté linéaire et basique de l’intrigue de continuer à lire tout en appréciant tel ou tel moment malgré tout.

En bref, Sept Jours Pour une Éternité… est avant tout une œuvre romantique qui fonctionne à un certain niveau, avec sa dose d’humour et d’émotion, mais qui oublie la part de Fantastique qu’elle se devait de développer pour rendre l’histoire un peu plus originale et faire rêver le lecteur. Après, on aime ou on n’aime pas, mais cela reste beaucoup trop simpliste au final.

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