PREMIÈRE NEIGE SANGLANTE
par Letalis d’Ambre
‒ Notre Père, qui êtes aux Cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre Règne arrive, que votre volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel, disait Sœur Bénédicte, à genou devant la grande croix de l’Église Mère, au fin fond des montagnes alpines de France.
Voilà ma vie, voilà les seuls mots prononcés chaque jour. Une répétition incessante de suppliques à un homme que je n’ai jamais rencontré, bien que je sois là depuis bien longtemps. Je m’appelle Letalis Feldane, mon passé, mon présent, mon avenir ne sont pas intéressant. Mais Mère m’a ordonnée d’écrire un récit sur ma vie jusqu’à maintenant.
Je ne suis pas au bord de l’agonie, je ne souffre pas, je ne hais pas, je n’aime pas, je suis juste là. J’expire, j’inspire, mon cœur se gonfle, se dégonfle, mon esprit pense, voilà ce que je suis.
« Exprimes tes sentiments les plus profonds, tes souvenirs les plus lointains. » Ce sont les paroles de ma mère, une Princesse d’Ambre. Je ne comprends pas vraiment ce qu’elle veut me dire et je m’en moque. Je ne fais pas ça pour elle, mais parce qu’au final, cela me rapportera quelque chose.
Je commence a parler pour ne rien dire, c’est ennuyeux.
Bien commençons donc le récit de ma vie.
Je suis née il y a bien longtemps, dans un royaume appelé Ambre. Ma mère Florimel m’a élevée pendant les premières années de ma vie, m’apprenant toute l’histoire de notre famille et de mon sang. Mon nom signifie littéralement en latin, mortel, qui cause la mort, ou encore meurtrier, qui donne la mort. Je crois que cela résume parfaitement ce que je suis. Et j’en suis fière.
Après cette époque d’apprentissage avec ma mère, je pense qu’elle s’est lassée et m’a envoyée dans un couvent sur l’Ombre Terre, dans une contrée reculée appelée Haute Savoie, dans un pays nommé France…
Mais passons les détails, c’est soporifique…
‒ Letalis, tu vas aller vivre ailleurs a partir d’aujourd’hui, m’a t-elle dit.
‒ Bien, Mère.
Florimel m’a regardée droit dans les yeux, espérant y déceler une once de tristesse mais comme toujours mes yeux ne m’ont pas trahit. Parfaite en tout point, c’est ce que je suis. Elle a soupirée, découragée par mon attitude si froide a son égard… Pas qu’à son égard par ailleurs.
Je crois que je n’ai jamais aimé ni ressentit le moindre besoin d’aller vers les autres. Je n’aime pas les espèces, que ce soit les Ambriens, les Chaosiens, les Phoeniciens ou encore les Terriens.
Je ne suis pas malheureuse en soit, et je ne me plains pas, j’aime rester seule avec elle…
« Elle »… Nous verrons ça plus tard. Notre première rencontre, un moment agréable.
Bref, à l’aide d’un Atout, elle m’a emmené jusqu’à ma nouvelle demeure. Il y avait alors une tempête de neige, et elle m’a laissé là pour repartir tout de suite après. Il faut dire que ses vêtements ne collaient pas vraiment avec le cadre glacial… Et puis il ne fallait pas qu’elle salisse ses multiples voiles qui lui couvraient à peine le corps.
Autour de moi, il n’y avait que de la neige. Il faisait nuit, et a cause de la tempête je ne voyait rien du tout. Juste ce petit point de lumière au loin.
J’ai marché pendant des heures à travers le vent glacial et la neige qui me brisait les os. Ma petite robe noir de petite fille bien sage ne me réchauffait pas vraiment, mais je me félicitais intérieurement d’avoir mis mes grosses rangers. J’avais au moins les pieds au sec. Congelés mais sec. Maigre récompense ?
Je suis finalement arrivée devant la façade d’une baptise en pierre, immense, vraiment gigantesque. Je suis assez petite alors peut-être que ma vision n’est pas vraiment objectif, mais en tout cas, à cette époque c’est comme cela que je l’ai perçue… Immense et étouffante.
Le regret n’est que la faiblesse des gens insignifiants ai-je murmurée pour contrer ce petit moment d’égarement.
Je me suis avancée vers la porte en bois, un lion me tendait sa patte, je l’ai prise et j’ai frappé. Une vieille peau toute fripée à l’haleine puante m’a ouvert la porte avant de m’entraîner avec tendresse à l’intérieur. Elle est morte depuis, il était temps, je ne pouvais vraiment plus supporter son odeur de cadavre en décomposition. Enfin comme on dit, « paix à son âme ».
C’était Sœur Magali, elle était rentrée dans les Ordres depuis l’âge de 13 ans, elle avait peur de tout, de l’eau très certainement vu la couche de crasse qu’elle transportait, mais surtout des gens. A chaque fois que l’on vendait une partie de notre récolte de confiture, elle se terrait comme un rat.
Ce jour là, elle m’a conduite jusqu’à la Mère Supérieur, Sœur Bénédicte, une femme intelligente, un peu faible mais quel humain ne l’est pas de toute façon ?
‒ Soit là bienvenue jeune enfant, m’a t-elle dit doucement.
‒ Je m’appelle Letalis Feldane, lui ai-je répondu.
‒ Je sais, Dame Florimel m’a parlé de toi. Je suis sûre que tu te plairas ici.
Je n’ai rien répondu. Je n’avais rien à dire, déjà cet endroit m’ennuyait.
Sœur Bénédicte a pris le relais pour me faire visiter mon nouveau palais des glaces.
Elle me montra tout d’abord l’Église Mère où se déroulait toutes les prières quotidienne, un endroit glacial où l’air pouvait se glisser vicieusement à travers les vitraux multicolores. Une énorme croix était situé au fond de l’Église où un homme était accroché avec des clous dans une expression de martyre… Horriblement barbare, et misérablement pitoyable à mon goût… Mon opinion n’a pas changé depuis, mais j’ai appris a respecter leur croyance… Et parfois cela peut être utile… Mais ça aussi j’en parlerai un peu plus tard.
Elle m’a ensuite entraînée dans la salle commune où l’on prendrait notre repas, deux fois par jour.
‒ Pas de déjeuné ici, jeune Letalis. Nous estimons que cela ne fait que nous déranger durant notre temps consacré au Seigneur, a dit Sœur Bénédicte en me regardant.
Je crois qu’elle espérait une réaction de ma part. Mais rien, parfaite quoiqu’il arrive.
‒ Vous ressemblez beaucoup à Mère, lui ai-je dis avec ironie. Toujours a attendre une réaction de ma part.
Ridicule.
J’ai continué a avancer, laissant la Sœur derrière moi un peu choquée par mes propos.
Je crois qu’elle pense vraiment que je ne suis qu’une gamine.
Je me suis alors retournée.
‒ Adopter un comportement face a un physique n’est pas correcte, ma Sœur. J’en ai peut-être l’aspect mais je ne suis plus une enfant.
Déconcertée, c’est le mot qui se rapproche le plus de l’expression du visage de Sœur Bénédicte a ce moment précis. Mais elle s’est reprise bien vite et nous avons continué la visite. Finalement je crois que c’est avec soulagement qu’elle m’a entraînée jusqu’à ma chambre.
‒ Voici ta chambre Letalis, m’a t-elle dit en me désignant une petite pièce en pierre.
Un lit en bois, une bibliothèque, une commode et un bureau était les seuls mobiliers de la pièce. Une fenêtre donnant sur les montagnes enneigées était la seule source de lumière. Mes bagages étaient posés sur mon lit, ainsi que mes couvertures et mes draps.
J’ai tourné la tête vers Sœur Bénédicte et l’ai remerciée en inclinant légèrement la tête.
Ce n’est qu’une espèce bâtarde, elle ne mérite pas que je m’incline d’avantage.
La Sœur ne s’en est pas offensée et au contraire elle m’a sourit.
‒ Bienvenu chez toi Letalis.
Je l’ai ignorée, et j’ai commencé à défaire mes bagages.
Une nouvelle écrite par Mimiru sur son personnage de Letalis d’Ambre, pour le forum Ambreworld. Un récit qui explore le passé de l’Ambrienne et s’intéresse à sa psychologie toute particulière. Dans ce premier chapitre, la fille à laquelle se réfère Letalis en début de texte (“Elle”) est Natasha d’Ambre, sa seule amie de Sang. L’illustration du personnage a été réalisée par Renan, là encore dans le cadre du jeu de rôle pour la création d’un avatar.
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