Le Rampant Nocturne – 1

LE RAMPANT NOCTURNE

 

1.

 

La chose erre dans la nuit. Minuscule, informe, rampante au plus près du sol crasseux. Une petite tâche sombre invisible parmi les multiples immondices recouvrant le trottoir, se mouvant avec peine. Elle est aveugle et dépourvue de pattes, ou bien d’ailes, et son corps accroche sur la surface du sol au lieu de glisser, la faute à leur consistance incompatible. Elle devrait filer avec aisance comme une goutte d’eau sur une surface polie, mais au lieu de ça elle se colle, et s’étiole, et perd des morceaux d’elle-même en chemin. Dans ce monde, la chose ressemble à un petit morceau de bitume fondu, laissant une trainée dégoûtante derrière elle, se déformant sans cesse et n’arrivant jamais à se retrouver totalement…

L’air frais d’hivers l’aide cependant. L’obscurité, l’humidité, la crasse et les recoins insalubres lui permette de survivre, la protégeant de la lumière du jour. Elle se tapis dans une rainure, se cache sous une porte ou dans les crevasses de vieux pneus, puis attend la nuit. Le froid. Son heure. Ce monde est différent lorsque le voile nocturne le recouvre, et le petit être s’y sent déjà mieux. Un peu comme chez lui. Il s’adapte, prend des forces et peu alors sentir le Rêve chez les dormeurs, cette aura si particulière qui lui permet de gagner de l’énergie. Grossir, grandir, se nourrir et devenir plus fort. De quoi faire un nid et s’y cacher, à l’abri. Puis infecter, parasiter, se répandre afin de récolter plus facilement et se gaver. De quoi engraisser jusqu’à ce que l’hôte disparaisse, l’obligeant de recommencer le cycle ailleurs…

Se dressant dans le sens du vent, s’allongeant telle une protubérance suintante, la créature sonde les parages. Son corps mou ressent les vibrations, se déforme en fonction des réceptions et prend la forme d’une étoile des mers balayées par les courants marins. Naissent de petits barbillons, petites antennes captant l’aura. Le Rêve. Sa seule chance de survie.
Et il ne lui faut pas longtemps pour repérer la meilleure source, le nid idéal. Une vieille bâtisse de pierre, provenant du vieux quartier de la ville. Habitation d’origine médiévale, certes refaite avec le temps, mais essentiellement antique, pleine de creux, de trous, de fissures et zone à poussière. Lentement la chose rampe. Cela lui prendra la nuit, mais l’effort sera récompensé: l’endroit lui apportera la protection suffisante pour survivre une journée de plus. Un temps qu’elle passera à ramper, se faufiler, explorer, tapis dans l’ombre, à l’abri de tous.

Puis viendra la nuit. Et le Rêve. Et la récolte.

La chose se meut dans la nuit. Minuscule, informe, rampante au plus près du sol crasseux. Une petite tâche sombre invisible parmi les multiples immondices recouvrant le trottoir, se mouvant avec hâte.

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