JOURNAL DE NATASHA
– Lettre ouverte –
Une partie de moi voudrait la détester pour ce qu’elle a fait. Pour être partie, pour m’avoir abandonnée. Pour avoir su ce qui allait se passer avant même le jour de ma naissance, mais d’avoir quand même laissé les choses se faire… Pour avoir trahi papa, nous avoir caché son existence à lui et à moi. Et pourtant, quand mes yeux se pose sur elle, je n’y arrive pas. Je ne vois en elle qu’une jeune femme semblable à moi, physiquement, moralement… Une jeune femme triste et tout aussi apeurée que moi.
Incapable de la détester, je me demande encore parfois si je suis capable de l’aimer. Ma mère. Je n’arrive même pas à l’appeler comme ça. Pour moi, elle reste Alice. La sorcière. Celle qui m’a fait découvrir l’existence de Moe, celle qui fut une amie. Regarder vers le passé après ça devient difficile… Je ne sais pas si je pourrais supporter sa présence maintenant.
Cette femme incroyable, si puissante mais en même temps si vulnérable, avec qui j’ai ri, avec qui j’ai eu de la peine.
Une partie de moi voudrait la gifler, lui crier dessus. Mais j’en suis totalement incapable et je tremble comme une feuille quand je la vois. Et mon cœur cogne comme pour me forcer à aller la voir et me serrer contre elle. Ce dont j’ai toujours rêvé… Ce dont elle m’a privée… Et pourtant. Il suffit de se mettre à sa place pour comprendre qu’elle fait le bon choix, et que je suis une égoïste.
C’est elle qui s’est sacrifiée. Elle qui a renoncée à connaître le bonheur pour que je puisse exister telle que je le suis. Avoir connu Vincent, avoir Cynthia. Être libre et forte, heureuse. La partie de moi qui veut lui attribuer mes malheurs, la responsabilité d’avoir été brisée, elle fini par s’abaisser face à cette réalité. Alice a fait ce qu’elle avait à faire. Ni plus ni moins.
Après ça, forcément, faire le point devient pénible. On ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé, ou comme si on acceptait parfaitement la situation. J’ai connu cela avec Cynthia, mais j’ai pu sauver les meubles. Pour elle et moi cependant, c’est impossible. Je ne suis plus une enfant, et elle est encore trop jeune. Lorsque je lui fais face, ce n’est pas de la joie que je ressens, mais du regret. Alice a traversé des épreuves, a endurée des blessures et des tourments, juste pour que je puisse venir au monde.
Pourquoi ne pouvons nous pas trouver un peu de paix, et de réconfort ?
J’écris ce texte pour cette femme que j’ai toujours attendu, celle qui a hantée mes rêves durant toute ma vie. Ma mère.
Je n’ai jamais eu de cesse de penser à toi et d’espérer qu’un jour tu arrives vers moi. Que tu me délivres et que tu m’aimes. A cette époque, je ne voulais même pas d’excuse. Juste toi. Je te voyais plus belle que toutes les autres femmes, même si ton visage était flou. Je te voyais avec ta gentillesse et ce sourire qui était ma seule source de réconfort quand je me sentais mal.
Les années passant, je ne t’ai jamais oubliée. Tu as toujours été dans un coin de ma tête, et même s’il m’est arrivé de te haïr et de t’en vouloir pour ne jamais t’avoir connu, ça n’a jamais duré bien longtemps. La vérité c’est que je t’aimais, même si tu avais pu être un monstre. Parce que tu est ma mère.
Lorsque j’ai connu papa, je t’ai aimée encore plus. Parce que jamais je ne pourrais te rencontrer, et que lorsqu’il parlais de toi, je savais que vous vous étiez aimés. Que vous m’aviez désiré.
Aujourd’hui, je te découvre enfin. Je connais toute l’histoire et je sais ce que tu ressens.
De toute les femmes qui ont existé, je n’aurais jamais pensée un seul instant que ça serait toi. Toi qui a croisée ma route quelques fois, que j’ai appréciée et qui m’a même donnée une deuxième fille. J’avais plus que de l’estime pour toi, tu étais une amie et quelqu’un que j’admirais. Mais pas un seul instant je n’aurai vu en toi une mère.
Mon cœur me fait mal. Parce que je ne sais pas comment réagir même si tout est pourtant si évident. Tu n’as commis aucune faute. Et à ta place, j’aurais pris exactement la même décision que toi. Je devrais te remercier Alice. Tu m’as permis d’avoir aujourd’hui le bonheur que je n’aurais jamais pu avoir autrement. Mais les mots ne sortent pas. Je n’arrive pas à dire “maman”, je n’arrive pas à dire “je t’aime”. Tu n’es ni une inconnue que je peux ignorer, ni la déesse de mes rêves d’enfant.
Tu n’es qu’une jeune femme comme moi, perdue et terrifiée. Incapable de réaliser la vérité.
Tu dois penser que je ne veux pas te voir ou qu’il me faut du temps pour digérer. C’est peut-être vrai, mais crois moi si je te dis que mon vœu le plus cher en cet instant, c’est de te serrer dans mes bras et de te dire… Ces mots que je n’arrive pas à prononcer.
Je veux pleurer dans tes bras, je veux dormir dans tes bras. Je veux te rassurer et te consoler, te dire à quelle point ton histoire me touche. Je veux te connaître, Alice. Et je ne veux pas que tu disparaisses. Pas maintenant.
J’ai besoin de toi… Mais je n’arrive pas à t’approcher.
C’est égoïste de ma part, parce que c’est toi qui a fait le premier pas. Mais je te le demande, je t’en supplie…
Alice, viens vers moi… Ne me laisse pas te repousser si je le fais, ne te sens pas détestée si je suis en colère. Ne m’écoute pas et serre moi dans tes bras… Dis moi que je suis ta fille et que tu m’as voulu avec papa. Que je suis née parce que tu l’a réellement souhaitée et pas uniquement parce que “ça devait être fait”.
Dis moi que tu m’aimes, s’il te plaît… Et que je ne suis pas une déception…
Parce que, j’en ai besoin… J’ai besoin de toi..
je t’aime
maman
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