Hammer House of Horror
The House That Bled to Death
(1980)
A l’aube des années 80, la magistrale Hammer rend l’âme et l’une des raisons de sa disparition c’est qu’elle parait obsolète aux yeux du grand public. Alors que le slasher s’apprête à naitre, les vampires à grande cape et les manoirs gothiques ne font plus peur. Le gore vient remplacer les toiles d’araignées et les squelettes tandis que la nudité devient de plus en plus permissive. C’est une nouvelle génération qui arrive et malheureusement la firme n’est pas prête à l’accueillir. Elle s’y tente malgré tout, créant ici et là quelques projets plus modernes, comme La Légende des 7 Vampires d’Or qui mélange son style avec le kung-fu de la Shaw Brothers, et Captain Kronos, Vampire Hunter, avec son héros de cape et d’épée qui transforme l’épouvante en action. En vain. En 1979, la compagnie se permet une ultime production cinéma (Une Femme Disparaît, remake du film d’Hitchcock) et c’est la fin d’une époque. Elle ne raccrochera pas les gants sans livrer un dernier combat et va ainsi créer la Hammer House of Horror, une anthologie composée de plusieurs histoires effrayantes se déroulant dans un cadre contemporain finalement assez similaire à ce que produisait la Amicus, sa grande rivale. A la différence que le concept est un peu plus intelligent puisque prenant en compte son budget très serré. Le résultat ne sera donc pas un film, mais une série télé.
Au final ce sont 13 épisodes d’une durée d’environ une heure qui seront produit, sans narrateur, sans hôte et sans fil rouge. Et si les sujets n’ont rien d’extraordinaire puisque présentant les mêmes vampires, sorcières, fantômes et savants fous que l’on avait déjà l’habitude de retrouver, ils sont traités d’une manière un peu plus différente. Pas question d’une réalisation soignée, de personnages travaillés ou de lourds effets spéciaux, ici tout est beaucoup plus directe, simple et quelque part plus “grossier”, dépouillé de l’élégance qui faisait la renommée de la Hammer. Une façon d’aborder les mythes de façon plus terre-à-terre, plus réaliste même, ce qui est justement dans l’air du temps. Il y a moins de tabous, moins de retenues, et si le sexe et la violence n’est évidemment pas poussé à fond compte-tenu de l’époque et du format télévisuel, les images sont finalement bien plus osées et extrêmes que d’habitude. Même chose pour le ton, résolument plus sérieux et sombre que l’ambiance cartoonesque que l’on retrouve chez la Amicus. Dans la House of Horror, le Bien ne triomphe que très rarement et il y a peu de héros ou de survivant, certains épilogues se montrant particulièrement cauchemardesques comme celui du Cri avec Peter Cushing.
Et le cinquième opus se montre particulièrement vicieux avec l’innocente petite fille qu’il nous présente, persécutées par de soi-disant fantômes dans une affaire de maison hanté. Dans ce très sympathiquement nommé The House That Bled to Death (La Maison qui Saigna à Mort, que la traduction française transforme en simplette Maison Sanglante), la jeune Sophie emménage dans sa nouvelle demeure avec ses parents, Emma et William Peters. Une baraque délabrée et disponible pour une bouchée de pain en raison du massacre qui y fut commis quelques années plus tôt: un vieil homme y empoisonna sa femme avant de la découper en morceaux et de l’enterrer dans le jardin. Un fait que l’agent immobilier s’est bien gardé de leur raconter, à la plus grande surprise de leurs voisins, les Evans, qui ne vont pas trop savoir comment leur présenter les choses. Très vite d’étranges phénomènes vont avoir lieu: des portes se verrouillent toutes seules, le gaz s’allume de lui-même, une tâche de sang apparait sur un mur et l’arme du crime est découverte dans un tiroir. Plus tard c’est le chat de la famille qui est retrouvé mystérieusement égorgé par un morceau de vitre brisée. Cet incident va particulièrement toucher la gamine, qui adorait l’animal. Les Evans vont alors devoir expliquer l’histoire de la maison.
Bien sûr les choses vont empirer avec le temps: c’est une main coupée que l’on retrouve dans le frigo tandis la voisine, restée dormir une nuit, va se réveiller entourée des affaires de la victime qui occupait autrefois cette pièce. William va finir par l’accuser de mentir, voir même d’être responsable des divers problèmes qui leur gâche la vie, ceux-ci ayant souvent lieu en sa présence. Et lorsqu’une ultime manifestation se déclare durant la fête d’anniversaire de Sophie, traumatisant tous les gamins présents et choquant Emma au point d’être hospitalisée, le père décide de quitter les lieux définitivement, disparaissant avec sa fille sans laisser de traces. Lorsque les Evans viennent visiter la mère alitée, ils vont découvrir qu’elle s’est enfuit dans la nuit mais aussi qu’elle et Peter n’était pas du tout marié, contrairement à ce qu’ils prétendaient. Clairement quelque chose cloche et ce n’est peut-être pas la maison qui est fautive. D’ailleurs l’amateur de fantastique s’en rendra compte puisque le paranormal est ici bien peu démonstratif, tous les évènements pouvant être facilement expliqué par… un coup monté. Et oui surprise, il n’y a aucune maison hanté ici et tout ce qui s’y est passé a soigneusement été mis en scène par Peter ! Car The House That Bled to Death s’inspire en fait du cas Amityville.
Non pas le célèbre film alors très récent, ni même le massacre de la famille DeFeo à l’origine de toute l’affaire, mais la fameuse arnaque des Lutz, famille qui acheta la demeure pour trois fois rien tout en connaissant sa sombre réputation pour mieux l’abandonner quelques temps plus tard en prétextant avoir été touché par des évènements surnaturels. Une histoire qui fit grand bruit, attirant sur eux la presse et leur permettant de vendre leur histoire qui fit un roman à succès et une adaptation cinéma qui leur rapporta gros. Pas honnête mais surtout déontologiquement discutable étant donné que les parents ont dû impliquer leurs propres enfants dans ce mensonge. Il est ainsi permis de se demander s’ils ont joués la comédie devant eux sans la moindre considération pour leur équilibre mental, avec le risque de créer un traumatisme étant donné leur jeune âge. Et c’est exactement ça que le scénario veut dénoncer avec cet épisode, qui montre a quel point William s’acharne sur la petite pour que tout ait l’air vrai. Il multiplie des coups en douce qui finiraient par fragiliser n’importe qui: il tue son chat, lui montre un morceau de corps humain et surtout va la marquer à vie avec cette fête d’anniversaire où il emballe le vieux couteau parmi ses cadeaux, et fait éclater une canalisation remplie de sang qui jaillira sur tout le monde alors que Sophie s’apprête à souffler ses bougies !
Même Emma, pourtant adulte, aura dû mal à supporter tout cela et finira à la clinique. Imaginez alors les conséquences pour une personne plus jeune et influençable. L’épilogue va ironiser dessus à l’extrême, montrant les Peters quelques années plus tard dans une villa de luxe, profitant de leur fortune gagnée par le succès d’un livre et d’un film à venir. Nous y apprenons que le “couple” ne se connaissaient même pas avant l’affaire, ayant été engagé pour remplir un rôle par un écrivain avant de tomber amoureux l’un de l’autre dans l’épreuve. Et si la femme s’est remise de ses émotions trois ans après les faits, certainement heureuse d’avoir touché le gros lot, sa fille fait toujours des cauchemars et se montre très distante. A leur insu elle s’est procurée le bouquin de leur complice, et lorsqu’elle y découvre une photo de son chat, elle va décider de se venger du responsable de ses malheurs… à coups de couteau, comme le crime original ayant eu lieu dans la maison ! Malin et très satirique, cette chute évoque beaucoup le style de la revue Punk 2000 AD (la maison de Judge Dredd) qui faisait dans le même genre de critique au vitriol. Difficile de ne pas apprécier. Car non seulement le propos est intelligent mais il créé une intéressante déconstruction du genre que l’on peut s’amuser à décrypter avec une deuxième vision.
Il y a quelque chose de diabolique dans la façon dont les Evans, ces pauvres voisins très gentils, sont choisi pour être les témoins de la détresse des Peters. Emma et William vont jusqu’à faire semblant de faire l’amour devant une fenêtre pour être observés et passer pour un couple uni, monsieur filant directement faire chambre à part lorsque la scène est terminée ! Son boulot de brancardier lui permet facilement de voler un bout de cadavre et le sang nécessaire pour asperger les gamins jouant dans son salon, et en observant bien on peut effectivement remarquer que lui et Sophie ne sont jamais proche. Bref, voilà un script brillant qui parvient non seulement à tromper son monde et à surprendre par un double twist final, en plus de proposer ce qui doit être l’une des meilleures scènes d’horreur jamais conçue par la Hammer avec ce goûter se transformant en cauchemar. Si l’on sait que quelque chose va arriver, le scénariste nous piège avec l’arme glissée parmi dans les cadeaux, détournant alors notre attention avec la crise de colère de Emma qui dispute les pauvres marmots. Lorsque vient l’explosion de sang à la Evil Dead, la surprise n’est peut-être pas totale mais l’effet est saisissant.
Bien sûr tous les épisodes de Hammer House of Horror ne sont pas de cette trempe, mais il y en a une bonne poignée qui vaut le coup d’œil et qui fonctionnent encore de nos jours. Cela ne suffit pas à sauver la firme qui pourtant tenta de remettre le couvert avec Hammer House of Mystery and Suspense (chez nous Histoires Singulières) en 1984, hélas co-produit avec la 20th Century Fox qui s’appropriera du coup une partie des revenus tout en rebaptisant le show d’après leur propre nom aux États-Unis: Fox Mystery Theater. L’antre britannique de Dracula et Frankenstein ne s’en remettra jamais…
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