Boyka: Undisputed
(2016)
Cela faisait très longtemps que nous attendions les nouvelles aventures de Yuri Boyka, personnage-phare de l’impressionnant Scott Adkins. Sept ans en fait, depuis Undisputed III: Redemption (la date de 2016 ne valant ici que pour une diffusion de festival) où il vola de ses propres ailes et transforma définitivement une “franchise” pour la faire sienne. Transcendé, le film réaliste de Walter Hill, presque plus une étude de personnages que film de prison ou de boxe. Transcendé, le véhicule pour Michael Jai White, son quasi frère d’arme à l’écran comme dans l’arène. Yuri Boyka, le russe tatoué ultra violent, le “most complete fighter in the world” a laissé son empreinte dans le monde de la série B moderne d’action et tous ses suiveurs ne désiraient que de le revoir monter sur le ring.
Preuve en est ces messages constant sur les réseaux sociaux de Scott Adkins et de Isaac Florentine, metteur en scène des deux suites d’Undisputed et compère de longue date de l’acteur, demandant quand verra le jour le quatrième film. Ça viendra, nous disait-on, le duo se réunissant alors pour nous envoyer un Ninja II inattendu et calmant tout le monde (et un Close Range très moyen qu’on ne mentionnera pas puisqu’il s’agissait d’un simple gagne-pain). Pendant ce temps il faut prendre son mal en patience et assister à une apparition de Atkins dans Doctor Strange, où hélas il ne réduit pas Benedict Cumberbatch à l’état de pulpe sanglante.
Et puis enfin le tournage est annoncé avec Boyka: Undisputed IV (il perdra son numéro en cours de production), qui pour la première fois nous montrera la bête de combat lâchée dans la nature. Passé la petite déception de ne pas revoir Florentine derrière la caméra, celui-ci étant remplacé par Todor Chapkanov, réalisateur Bulgare à carrière anecdotique mais pas incompétent, on se rassure bien vite à travers les prouesses physiques d’Adkins et le fait que le script est toujours signé par les “créateurs” du personnage, David N. White et Boaz Davidson. Cela assure la continuité (la blessure au genou est mentionnée) et permet de ne pas se retrouver avec un Boyka différent ou revisité. Encore que l’intrigue nous présente une nouvelle facette du personnage, son humanité, et du coup il existe une sorte de rupture entre le taulard haineux et arrogant vu auparavant et le combattant agressif mais social avec lequel on se retrouve ici.
L’anti-héros montrait déjà auparavant quelques signes d’une personnalité moins brutale qu’il ne laisse paraitre (sa passion pour l’histoire des arts martiaux et son sens d’honneur de combattant dans Undisputed II, et lorsqu’il remercie un adversaire après un combat dans Undisputed III, entamant une conversation avec un autre en découvrant que celui-ci est un père de famille), mais l’amplification est parfois un peu perturbante. Jamais, par exemple, je n’aurai imaginé Boyka faire des dons à l’église du coin afin de les fournir en Bibles, où s’entrainer devant une bande de gamins sans que cela ne le dérange.
En vérité ces éléments ne sortent pas complètement de nulle part, et si le troisième film était sous-titré Redemption, celui-ci pourrait presque s’appeler Undisputed IV: Salvation. Le champion russe a toujours été croyant, sensible à certains thèmes, et il semble ne pas s’être totalement pardonné certains choix de vie. Il essaye clairement à compenser et, s’il explose toujours ses adversaires sur le ring, il cherche à faire en sorte que cela soit pour quelque chose. Il tente coûte que coûte de quitter le milieu du combat clandestin et se voit justement offrir la chance de sa vie de rejoindre les grandes ligues officielles, tentant d’expliquer à un prêtre que malgré sa violence, le free fight possède des règles et n’est pas que brutalité gratuite.
Ce concept amène évidemment à l’intrigue de ce nouveau film et, après un combat où il se perd un peu trop en démonstration afin d’impressionner quelques représentants, Boyka tue accidentellement son adversaire. Un fait qui ne préoccupe pas grand monde et dont il n’a techniquement même pas à se soucier, l’homme n’étant pas décédé sur le ring mais quelques temps plus tard à l’hôpital, mais qui le bouleverse totalement. Il y voit là un acte à l’encontre des commandements de Dieu et une tragédie pour la famille du défunt. Et alors que son manager ne pense qu’à leurs avenirs dans le business, Boyka tient à présenter ses excuses à la femme de sa victime. Même si cela peut tout lui coûter.
Il la retrace en Russie et retourne au pays, malgré son statut de criminel en cavale là-bas. Bien vite il comprend qu’elle doit rembourser quelques dettes que feu son époux avait contracté auprès d’un mafieux local, comme par hasard organisateur de combats illégaux, et va décider participer à ceux-ci afin que l’argent gagné puisse la libérer totalement. Malheureusement pour lui le responsable ne compte pas se séparer de la veuve, qu’il convoite depuis un certains, et celle-ci n’est pas très réceptif aux condoléances du meurtrier de son mari. Boyka va devoir autant lutter sur le ring qu’à travers son âme pour prouver qu’il n’est pas qu’un tueur monstrueux…
Et ainsi, une partie du film repose sur la relation conflictuelle entre le protagoniste et Alma, sa “demoiselle en détresse” qui n’en demande pas tant mais qui se laissera inévitablement gagner par sa bonne volonté. Pas une romance – ce qui serait de très mauvais goût, même si on frôle parfois la bleuette. De l’inédit dans la saga, jusqu’ici centralisé dans un environnement 100% mec, mais qui au final n’est pas tellement différent de tous les autres films d’action pouvant sortir chaque année. L’intérêt ici, c’est que ce n’est pas un héros générique au centre de cette situation mais Yuri Boyka, que l’on imagine plus hurler comme une bête en étant couvert de sang que balbutier devant une jolie maitresse d’école !
Pour autant, cela ne constitue pas une trahison ou un adoucissement du personnage que l’on a suivi jusqu’ici. Yuri Boyka reste Yuri Boyka. Il jure, il frappe, il ne considère personne et reste dans sa quête de la perfection martiale. Sa rédemption, elle lui permet certes de sauver quelques personnes (Alma et son centre pour enfants) mais elle est avant tout pour lui. Et lorsqu’on le cherche, on le trouve, Boyka: Undisputed donnant avec générosité ce que l’on était venu voir: de la baston. Du un contre un, du deux contre un dans ce qui reste un des meilleur morceau de cet opus, et si la bande-annonce tentait d’annoncer la couleur en montrant son protagoniste avec un pistolet à la main, le film préfère amplement lui refiler une bonne vieille batte de baseball qui parait alors bien plus mortelle. Peut-être pas aussi viscéral que lorsque Adkins l’utilisait pour un duel pour Universal Soldier: Day of Reckoning, mais diablement violent malgré tout.
Les combattants livrent des prestations impressionnantes, la star en tête, et c’est avec plaisir que l’on constate que le metteur en scène (assistant réal’ sur à peu près toutes les productions Nu Image / UFO faite dans son pays, il est aussi coupable d’un Monsterwolf assez sympa et a trainé les pieds sur le plateau de La Chute de Londres) sait ce qu’il doit faire pour les mettre en valeur. Il cadre large, sait où se placer et laisse la chorégraphie fonctionner grâce à un montage simple mais dynamique. Tout le contraire des mauvaises productions actuelles où l’action est illisible à cause d’une shaky cam et d’un montage épileptique.
Adkins s’en plaint régulièrement mais il doit parfois composer avec ce type de films pour gagner sa vie, aussi il est heureux que ce nouveau Undisputed ne soit pas tombé dans cette mauvaise catégorie malgré la perte de Florentine en chef d’orchestre. Seul bémol peut-être, l’utilisation du “dernier boss”, le champion de l’antagoniste qui ressort sur le matériel promotionnel mais qui n’apparait finalement que pour deux scènes: sa sympathique introduction, qui le présente comme un monstre de combat, une version démoniaque de ce qu’était Boyka dans Undisputed II, et sa confrontation avec celui-ci dans le dernier acte. Un face à face finalement très court et pas plus spectaculaire que ça.
Ce n’était pas faute de jouer sur l’image du personnage, son interprète Maryn Ford étant un colosse aux proportions quasi surréalistes (très proche de Nathan Jones, le Rictus Erectus de Mad Max: Fury Road). Le bonhomme ne parle pas, grogne comme un animal, et la police doit le transporter en harnais et en muselière comme une sorte d’Hannibal Lecter sous stéroïdes. Un beau spécimen mais sous-employé, sans impact sur le récit et finalement moins marquant que le géant Marko Zaror de Undisputed III qui avait plus que son physique pour séduire le spectateur.
Un combat de plus avec lui aurait sûrement fait du bien au personnage comme au film, qui du coup aurait gagné un élément grotesque amusant pour contrebalancer la quête rédemptrice parfois contemplative du protagoniste principal.
En conclusion le film pourrait constituer la parfaite conclusion de la “trilogie Boyka”, bouclant la boucle avec une fin pas imprévisible mais faisant un joli clin d’œil à ses prédécesseurs. La toute dernière image, montrant Boyka resplendir, se tenant là où il brille le plus, est une très bonne fin pour le personnage. Pour autant ceci laisse la porte ouverte à une possible suite, le champion étant restitué à son univers d’origine. D’autant qu’il reste cette idée que Boyka a su séduire des officielles du MMA, qui œuvrent dans les grandes ligues où en toute logique devrait opérer “Iceman” Chambers, alias Michael Jai White, son grand rival. L’occasion parfaite d’un match retour !
En attendant de voir où cela nous mènera, tout en sachant qu’un Ninja 3 est également une probabilité pour l’avenir, Adkins retrouvera White prochainement pour les besoins de Triple Threat, où viendra s’ajouter Tony Jaa. Un film réalisé non pas par Isaac Florentine mais par Jesse V. Johnson, cascadeur sur de grosses productions, auteur d’un sympathique The Package où s’affrontaient Dolph Lundgren et Stone Cold Steve Austin, et avec qui Scott Adkins a également tourné un Savage Dog qui sortira prochainement. L’air de rien, voilà beaucoup de bonnes choses à venir pour le cinéma d’action de série B !
Dire que j’ai vu que le premier…
Qui n’est pas le film à voir, en plus =x
Ben oui je sais…