Beyond the Gates (2016)

 

Beyond the Gates

(2016)

 

 

Titré d’après la biographie de Lucio Fulci, ce Beyond the Gates est une belle déception. Un film qui non seulement bouffe au râtelier de la nostalgie 80s comme bien d’autres (même si, à sa décharge, il est ici plutôt question des 90s) mais qui reprend aussi la formule “hommage lovecraftien à la série B et au Bis italien” que la Astron-6 a perfectionnée avec leurs derniers méfaits, The Editor et The Void. Bon point: la musique de Wojciech Golczewski (compositeur sur Late Phases et We Are Still Here) est effectivement très réussi dans le genre retrowave et donne une ambiance forcément plaisante à l’ensemble. Le générique se déroule à l’intérieur d’un magnétoscope avalant une cassette et l’image baigne souvent dans des éclairages néons colorés afin de créer une atmosphère qui évoque beaucoup From Beyond et quelques autres. Cela étant dit, ces concepts demeurent très superficiels et accompagnent un script bancal puisque bavard, lent et se prenant beaucoup trop au sérieux. Prétentieux même, car utilisant l’argument surnaturel pour résoudre symboliquement un dilemme familial dont on se moque éperdument.

 

 

Une erreur de débutant peut-être, le réalisateur livrant là son premier film après s’être fait la main sur quelques courts-métrages, mais on se demande pourquoi créer un tel emballage et appâter un public bien spécifique si le but est finalement de livrer un drame intimiste comme un étudiant de cinéma soucieux de faire ses preuves. Admettons une chose, les personnages principaux sont intéressant car effectivement réalistes, leurs vies imparfaites trouvant racine dans une enfance malheureuse qu’ils n’arrivent pas à surmonter. Il est ainsi question des retrouvailles de Gordon et John, deux frères pas vraiment proche qui n’ont plus de nouvelles de leur père depuis plusieurs mois. Un paternel qui les a déçu plus d’une fois au cours de leur vie et qu’ils essaient tant bien que mal d’ignorer afin d’aller de l’avant. Son absence les obliges cependant à rentrer au bercail familial et surtout à vider définitivement le vidéoclub de leurs parents désormais abandonné et obsolète. Dans le bureau fermé à clé, ils vont découvrir un étrange jeu de société nommé Beyond the Gates contenant une VHS qui semble être la dernière chose visionnée par le disparu.

 

 

Gordon, sa petite amie et son frangin décident un soir de faire une partie et vont ainsi réveiller des forces maléfiques. Le personnage de Maitre du Jeu apparaissant à la télévision communique avec eux en temps réel, le plateau du jeu représente leur propre maison et chaque objectif à compléter trouve écho dans la réalité. Il apparait que l’objet est un portail vers une autre dimension et que les joueurs risquent leurs âmes, devant remporter la victoire s’ils veulent survivre. Contraint de participer, le groupe va devoir triompher des épreuves mais également franchir les fameuses portes pour rejoindre ce monde parallèle où leur père est retenu prisonnier depuis tout ce temps. Des enjeux a priori amusant avec d’énormes références au jeu Atmosfear a qui il reprend l’hôte terrifiant, le système de clés à collectionner et jusqu’au message d’avertissement au lancement de la vidéo. Sauf que le scénario n’est pas intéressé pour en livrer une adaptation grandeur nature, préférant épiloguer interminablement sur les relations conflictuelles entre ses protagonistes…

 

 

Ne durant qu’une heure et quart (plus trois minutes d’un générique de fin très lent à la manière d’une production Charles Band) Beyond the Gates devrait être concis et direct mais se traine lamentable et retarde même les révélations les plus élémentaires concernant le passé de ses héros qui n’a pourtant rien de particulier. Le sujet principal – la partie de jeu de société – est constamment interrompue par les joueurs qui préfèrent tourner autour du pot et papoter plutôt qu’agir, même après la mort de plusieurs personnes. Le réalisateur veut nous montrer deux hommes à la dérives qui finissent par trouver la paix à la conclusion de l’aventure, recréant des liens après avoir été séparés si longtemps par une enfance difficile, mais ne pense jamais à mettre en scène les moments forts censés les rapprocher. Les étapes qu’ils doivent traverser apparaissent comme anecdotiques et très peu démoniaques: tout au plus doivent-il commettre un meurtre chacun (l’un sans le savoir puisque utilisant une poupée vaudou dont il ignore les pouvoirs, l’autre par légitime défense car sa victime est possédée et cherche à le tuer) avant d’affronter une poignée de zombies aussi vulnérable que n’importe qui.

 

 

Gordon et John ne franchissent le portail que dans les dix dernières minutes du film pour un final bâclé où ils doivent tuer leur père – ou plutôt l’image négative qu’ils ont de lui – afin de finir la partie, et cela sans rencontrer de véritables risques, de dilemmes moraux ou de retournement de situation. C’en est même à se demander comment personne jusqu’ici n’a encore survécu à Beyond the Gates ! En fait tout est décevant dans ce film: l’autre dimension n’est qu’une reproduction de leur maison avec un filtre coloré et un peu de brume pour faire “maléfique”, jamais les personnages ne cherchent à communiquer avec l’hôte qui est pourtant toute disposée à leur donner les informations dont ils ont besoins (ils ne cherchent pas non plus à tester la zappette pour voir ce que donnerait une avance rapide sur la vidéo hanté) et quand débarque la beauté Sara Malakul Lane à la surprise générale, ce n’est que pour un rôle très secondaire où son physique n’est même pas mis en avant. Quel intérêt d’engager une top-modèle de son niveau dans ce cas là ? Et Pourquoi inclure un vidéoclub au nom sympathique (It Came From Eddie Brandt’s Saturday Matineesounds familiar ?) pour finalement l’abandonner au profit d’une maison totalement banale ?

 

 

Non pas que la boutique soit bien meilleure puisque, malgré sa taille impressionnante et sa collection comiquement vaste (plus une vidéothèque nationale qu’un petit boui-boui familial !), le décor est visuellement très pauvre et ennuyeux. Tout y est rangé comme dans une bibliothèque, sans affiches délirantes, sans présentoirs en carton, sans télévisions projetant des bandes-annonces ni aucun accessoires intéressant. Tout au plus peut-on y croiser quelques faux films comme un Blood Messiah et un Weredad ! déjà croisé dans Scream 3. Bref, on s’ennuie et on s’agace vite devant un tel déballage de vide et il faut vraiment se raccrocher à de toutes petites choses pour trouver le moindre intérêt à ce qui est finalement une belle arnaque. Un peu de gore distribué au compte-goutte mais très bien fait, à l’image de cette tête qui explose d’une façon identique à celle de la fillette dans L’Au-Delà, quelques cœurs arrachés, un crâne défoncé à la batte de baseball et une idée intéressante: les joueurs doivent récupérer une clé cachée à l’intérieur d’une poupée de chiffon sans savoir que celle-ci fonctionne comme un talisman vaudou.

 

 

Un pauvre type se retrouve alors éventré par un assaillant invisible lorsqu’ils déchirent la réplique, ses intestins de déroulant tout seuls dans les airs tandis que la belle Malakul Lane se reçoit des litres de sang au visage en un bukkake extrême. Pendant ce temps Barbara Crampton parvient à être effrayante en Elvira discount, fixant longuement la caméra en attendant que les joueurs réagissent, l’idée que le portail dimensionnel prenne la forme d’une grille de cimetière dans un coin de la cave est plutôt amusante et il y a cet hilarant vendeur occulte qui cabotine à chacune de ses apparitions. Dommage que tout cela se retrouve enterré sous d’interminables scènes de dialogues, des pistes narratives abandonnées (les frangins trouvent un portrait de l’hôte parmi les photos de famille) et de péripéties minimalistes voir même sacrément paresseuse (les trois zombies avec fard gris sur le visage façon Zombie… ou film d’étudiants sans argent). Du coup il faut bien se rendre à l’évidence: Beyond the Gates n’en vaut tout simplement pas la peine.

 

 

Il aurait sans doute mieux fonctionné sous la forme d’un court-métrage et d’ailleurs l’une des bandes-annonces, fausse publicité rétro pour le jeu de société fictif, est presque plus divertissante alors qu’elle ne dure qu’une seule minute ! Alors oui, les acteurs sont tous très bons, les effets spéciaux efficaces et le point de départ intriguant, et dans son genre le film est sans doute plus respectable que certains nanars au sujet similaire (Open Graves avec sa stupide boucle temporelle), mais le constat est sans appel. Le registre “horreur vintage” est déjà bien saturé et compte de meilleurs représentants tandis que les œuvres de Lucio Fulci et Dario Argento sont désormais disponibles dans des copies prestigieuses. il n’y a donc pas vraiment de place pour ce copieur sans charme ni créativité qui ne vaut pas vraiment mieux que ces nanars volontaires produits à la chaine afin d’exploiter ce filon Années 80 qui part de plus en plus en roue libre.

 

 

 

       

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