Alien 2: Sulla Terra (1980) | Alien 2: On Earth

 

Alien 2: On Earth

(1980)

 

 

Le cinéma Bis italien n’est pas étranger aux petites arnaques et magouilles, en fait cela fait même partie du business. Après tout ce n’est pas pour rien que l’on utilise le terme de films d’exploitation. Et ainsi l’une des choses qui revient fréquemment dans ce milieu est le concept de la fausse suite: des petites productions capitalisant sur les derniers gros succès américains en empruntant non seulement leur genre, mais aussi leur titre ! Un procédé évidemment illégal et amenant parfois a des disputes judiciaires, mais qui ne fait pas peur aux producteurs transalpins comme le prouve les nombreux rejetons non officiels qu’ils ont pu générer. Le Zombie de George Romero s’est vu gratifié d’une fausse préquelle, Zombi 2, tandis que Bruno Mattei s’est rendu coupable d’un Terminator 2 et d’un Dents de la Mer 5. Troll 2 n’a aucun rapport avec l’original produit par Charles Band et la saga des Evil Dead, rebaptisée La Casa par chez eux, s’est vu augmentée de tout un tas de nouveaux opus avant même que L’Armée des Ténèbres ne voit le jour (La Casa 3, 4 et 5 étant en fait Ghosthouse, Witchcraft et Beyond Darkness respectivement).

 

 

C’est en découvrant par hasard l’affiche de Zombi 2 que Ciro Ippolito s’est senti inspiré de faire même, décidant de capitaliser sur le tout récent d’Alien. Fils de producteur, acteur occasionnel et scénariste, il est avant tout intéressé par la dramaturgie et le théâtre, et n’a donc aucune expérience ni attirance pour la science-fiction et l’horreur. Naïf, il pense un temps pouvoir convaincre le légendaire Mario Bava de réaliser la chose, lequel va évidemment décliner, le contraignant à passer lui-même derrière la caméra. C’est sous le pseudonyme de Sam Cromwell qu’il écrit et réalise Alien 2: Sulla Terra, dont le titre affiche la note d’intention: déplacer l’intrigue de Ridley Scott sur notre planète, concept forcément attirant pour quiconque pense avoir affaire à une véritable séquelle mais aussi bon moyen de ne pas faire exploser le budget. Son histoire est plutôt simple, voir même minimaliste: une capsule spatiale s’écrase dans l’océan Pacifique avec en son bord deux astronautes revenant d’une mission. Mais lorsque les secours arrivent, ils ne trouvent personne à bord de l’appareil malgré un contact radio jusqu’ici permanent.

 

 

Dès lors, de mystérieuses pierres bleues apparaissent un peu partout sur la côte voisine de San Diego, en Californie. Inconscients du danger, plusieurs promeneurs s’en emparent sans comprendre qu’il s’agit en fait d’œufs d’origines extraterrestres sur le point d’éclore. Ces évènements ne sont cependant pas vraiment le sujet du film et sont surtout présentés par conversations télé ou radio en arrière-plan, le script s’intéressant plutôt à un groupe de spéléologues partant explorer une caverne au même moment. L’un d’eux découvre une roche spatiale en chemin et, intrigué, l’emmène avec lui sans trop y faire attention. Lorsque le cocon éclot, le groupe se retrouve piégé dans les profondeurs de la Terre avec le petit monstre et tente de faire son chemin vers la surface tandis que la créature grossit de plus en plus, s’attaquant à eux et les tuant un par un. En théorie il faut donc s’imaginer que la navette s’échouant sur la planète est celle de Ripley et que les œufs libérés sont ceux du célèbre Xénomorphe, mais cela nécessite de ne regarder le film que d’un seul œil tant les éléments ne correspondent pas.

 

 

Nous sommes ici en plein XXème siècle plutôt que dans le futur, les deux créatures ne se ressemblent en rien et n’agissent pas de la même manière, et la capsule contient ici deux occupants plutôt qu’une unique passagère (le chat ne compte pas). Pourtant il est assez amusant de visionner Alien 2 en se persuadant qu’il s’agit d’une véritable suite et d’essayer de tout faire concorder en dépit des incohérences. En fait cela est presque requit afin de ne pas passer un mauvais moment puisque hélas, pour des raisons tant financière que matérielle, cette petite série B s’avère être plutôt ennuyeuse dans son ensemble. Longuet malgré ses 84 minutes et doté d’une première partie qui se traine, le film fait du remplissage en montrant ses protagonistes jouer au bowling ou errer dans la grotte et l’ennui peut vite survenir. Ce qui est dommage car il y a, en réalité, une véritable idée de mise en scène dans ces premières images “inutiles” se déroulant à l’extérieur. Un choix créatif qui trouve écho dans la conclusion du film.

 

 

Ippolito prend soin de nous montrer toute l’activité humaine qu’il peut (embouteillages, journalistes s’affairant lors d’un direct, badauds se prélassant au bar ou à la plage) pour mieux rebondir sur le final où les survivants s’échappent des souterrains pour découvrir que le monde extérieur a tout simplement disparu ! Car il ne faut pas oublier que nombreuses étaient les pierres échouées sur le rivage et ce qu’ont endurer les héros fait pâle figure face à ce que les habitants de la région ont dû vivre. L’image finale, montrant l’héroïne s’enfuir à travers un centre-ville totalement désert, avec l’horrible réalisation qu’elle est sans doute la seule humaine restante dans une ville envahie par les monstres, est plutôt saisissante. Des idées de mise en scène comme ça, il y en a quelques unes disséminées un peu partout comme lorsque les spéléologues entament leur grande descente et que l’on ne perçoit que la lumière de leur casque dans les ténèbres qui s’allument les unes après les autres en une sorte de chorégraphie théâtrale. Et bien sûr la cinématographie profite pleinement du cadre splendide fournis par les grottes de Castellana.

 

 

Car Alien 2 fut tourné dans une véritable caverne aux salles immenses, garnies de stalactites et stalagmites millénaires, chose qui serait impossible à refaire de nos jours. Bien sûr on peut désormais s’offusquer du traitement de ces souterrains par l’équipe du film qui n’hésite pas à balancer du faux sang et du matériel sans aucune délicatesse sur cet environnement fragile, sans parler des lumières chauffantes nécessaires à l’éclairage. Mais puisque les italiens ne rechignaient jamais à tuer des animaux dans leurs productions, il est évident que l’idée de préservation écologique ne leur vint pas à l’esprit. Quoiqu’il en soit le résultat est plutôt impressionnant et plusieurs cadrages inventifs viennent mettre tout cela en valeur. Il faut au moins ça pour oublier que le reste d’Alien 2 n’est pas très palpitant et se limite à bien peu de choses. On nous refait le coup de l’éclosion de l’œuf au visage d’un personnage, en beaucoup plus lamentable en raison des effets spéciaux rudimentaires, ainsi que l’escapade de Dallas dans les conduits d’aération, ici dans de larges galeries bien moins claustrophobiques. Un comble.

 

 

Heureusement les effets gores rattrapent le tout: la créature s’échappe par la tête de son hôte plutôt que par l’abdomen, avec une éclosion crânienne impressionnante où un œil est chassé de son orbite sous la pression. Une victime pendue par les pieds voit sa tête se détacher très lentement de ses épaules avant de tomber plus bas où s’étaient réunis ses camarades. Et que dire de cette scène où, à la plage, une fillette découvre un cocon entrain de s’ouvrir. Sa mère la retrouve un peu plus tard entrain de sangloter derrière une dune, découvrant avec horreur que son visage n’est plus qu’une bouillie sanglante. Bien sûr tous les effets ne se valent pas et il faut parfois se raccrocher à quelques détails, qu’ils soient stupides (un jumpscare gratuit avec un rat, un écrivain tapant à la machine à écrire à la lumière des bougies sous terre) ou sympathiques (l’héroïne montre ses seins et Michele Soavi a un petit rôle). Quant à la bestiole, elle est hélas pratiquement invisible et trop grossière pour retenir l’attention.

 

 

Au vu du bas budget et de l’inexpérience du réalisateur, Mario Bava conseilla ce dernier de ne pas construire son monstre et d’utiliser à la place… des abats de boucherie ! La chose ressemble ainsi d’abord à un gros morceau de placenta avant de devenir une entité informe assez semblable à celle du The Thing de John Carpenter. Le script faisait pourtant faire état d’un être en parti minérale, naissant d’une roche et pouvant se fondre dans les souterrains comme un caméléon. Et donc hormis une séquence où une femme est avalée par le mur où elle s’était adossée, l’extraterrestre n’est jamais clairement montré et change d’apparence d’une scène à l’autre, jusqu’à l’utilisation d’une vue subjective “organique” pour simuler la façon dont la créature peut voir. Ce qui se résume à l’écran par une image totalement recouverte de viande à l’exception d’un orifice minuscule au milieu, où l’on distingue vaguement l’environnement où évolue la caméra. Le système D dans toute sa splendeur !

 

 

Voilà qui résume plutôt bien Alien 2, entre l’utilisation de stockshots à l’image abimée pour simuler l’atterrissage de la navette, la musique sympa mais répétitive, l’inscription fataliste apparaissant au générique de fin comme dans L’Avion de l’Apocalypse ou Le Manoir de la Terreur (“… ora può colpire anche te”, soit “tu pourrais être le prochain”) et le scénario sans queue ni tête sans doute improvisée sur le moment et qui n’aura connu qu’un premier jet. L’histoire intègre par exemple une sous-intrigue relativement inexploitée à base de pouvoirs psychiques entre l’héroïne, décrite comme étant télépathe comme si c’était tout à fait normale, et les monstres, qui a un moment possèdent sans raison le cadavre d’un de ses compagnons. S’ensuit un duel préfigurant le Scanners de David Cronenberg, le corps du perdant explosant magistralement ! Et cela n’a aucune incidence sur le reste de l’intrigue. Étrange puisque le concept est maintes fois évoqué (la jeune femme fait une crise de panique psychique peut avant l’arrivée de la capsule, et son copain suppose que la bête tente de communiquer avec elle, d’où sa survie durant le carnage souterrain) sans jamais être vraiment utilisé.

 

 

Dommage car il y avait là du potentiel, notamment avec le fait que l’héroïne est depuis toujours hanté par des visions de monstres et a une peur irraisonnée de ces chimères. Découvrir que ses cauchemars étaient en fait des avertissements la prévenant du danger à venir ne fait que rendre la conclusion que plus tragique pour elle et intéressante pour le spectateur. Ippolito avait même trouvé comment illustrer subtilement ses pouvoirs grâce à un léger lens flare vert apparaissant sur les yeux du personnage. Regrettable, mais au fond à quoi fallait-il s’attendre d’autre ? Le véritable atout du réalisateur était uniquement la fausse filiation avec le titre d’Alien et celui-ci ne pouvait pas être plus désintéressé par l’aspect science-fictionnel de son film. Non pas que cela joua véritablement en sa faveur au final, puisque la 20th Century Fox l’attaqua en justice aussitôt qu’elle eu vent de l’affaire. Heureusement pour l’italien, il se trouve que le mot “Alien” n’est pas détenu par les américains et donc pleinement utilisable ! Cela lui évita de sacré déboire, mais du coup le film ne sortie jamais officiellement sur le territoire US.

 

 

Hormis quelques copies bootleg aux titres modifiés pour l’occasion (Alien Terror, Strangers ou On Earth), Alien 2 fut totalement invisible jusqu’à la miraculeuse sortie Blu-ray de 2011, par Midnight Legacy, qui inventera du coup le titre international de Alien 2: On Earth. Ironiquement, Ippolito tenta à son tour de poursuivre Neil Marshall en découvrant que son Descent se déroulait… dans une caverne ! Comprenant qu’il n’obtiendrait jamais gain de cause, le bonhomme déclara plus tard, en bon italien baratineur, avoir eu une conversation avec le cinéaste et lui avoir accordé les droits de son film. On comprend mieux pourquoi le projet Alien 3 fut finalement abandonnée. Difficile de dire si cette seconde fausse suite aurait été une véritable continuation de Alien 2, mais on peut encore baver devant l’incroyable pré-affiche réalisée à l’époque. C’est Bruno Mattei qui aurait dû la mettre en scène, avec des effets spéciaux signés Gaetano et Francesco Paolocci, duo qui œuvra sur Barbarians, Delta Force, Leviathan et le Peur Bleue de Stephen King.

 

 

 

GALERIE

 

       

   

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