Vampire$ (1990)

Vampires

Vampire$

(1990)

 

Le mythe du vampire, dans la littérature ou au cinéma, a tellement été décliné qu’il en devient difficile à renouveler. Rares sont les œuvres qui innovent complètement mais Vampires est de ceux-ci, insufflant au mythe une grosse dose d’action et supprimant toutes notions de romantisme ou d’aristocratie chez les créatures de la nuit. Ici, les vampires ne sont plus de tout à fait les prédateurs mais plutôt les proies: celles de la Vampire$, Inc., une organisation mandatée par le Vatican et dont les membres sont des durs à cuir.

Vampires nous parle donc de ces hommes dont le travail consiste à libérer le monde (bien que le groupe œuvre surtout aux USA) des vampires, se faisant payer par les villes où ils agissent. Des mercenaires en quelque sorte. Nous suivons alors Jack Crow et son équipe, laquelle va se faire massacrer un soir de fête après la destruction d’un nid de vampires dans une petite ville. Crow survit avec l’un des siens et ils partent retrouver les derniers membres de l’organisation. Crow n’a cependant pas l’intention de reformer une nouvelle escouade dans l’immédiat, malgré l’arrivée d’un prêtre dans leur rang et le fait qu’une journaliste s’intéresse de près à son travail. Il comprend que cette fois, c’est l’équipe qui est pourchassée et prise au piège et il recontacte alors une ancienne connaissance, Félix, qu’il enrôle dans son unité. Désormais limité en nombre et avec la moitié de ses membres qui ne sont pas des combattants, le groupe va devoir venir à bout d’un Maître vampire…

Le livre est avant tout centré sur les chasseurs de vampires plus que sur les buveurs de sang, se focalisant sur les protagonistes humains et ne dévoilant concrètement les vampires que le temps d’un chapitre (ou plutôt d’un interlude), en plus de quelques affrontements. C’est ce qui fait l’originalité du roman qui décrit de façon crédible la vie de ces combattants du Mal. Pas de super-pouvoirs ou de prédispositions naturelles, les héros de Vampires ne sont que des hommes. Des rustres, généralement grands et bien bâtis, des hommes d’actions, mais avant tout des êtres humains. Chacun sait qu’il n’a aucun autre avenir que de périr des mains d’un vampire et tous passent leur temps à boire, vivant le moment présent et dépensant leurs soldes sans construire de projets autre que de s’offrir une fiesta dantesque, qui pourrait bien être leur dernière.

De même, malgré un armement conséquent (côtes de mailles, pieux, arbalètes, balles en argent bénit, croix halogènes…), un savoir-faire remarquable et un physique généralement impressionnant, tous vivent dans un climat de peur, de paranoïa, depuis le massacre de la première équipe. Ce sentiment d’impuissance et d’insécurité face aux monstres est parfaitement retranscrit et donne un véritable attachement à ces protagonistes qui agissent pour une cause presque perdue d’avance. Que ce soit à travers les blagues de Caitlin, la douceur d’Annabelle, la fragilité de Davette ou le comportement rentre-dedans de Jack Crow, l’auteur donne corps à ses héros et les rend touchant.

Face à eux, leurs ennemis sont bien loin du romantisme de Anne Rice. Ils sont ici bestiaux, l’incarnation de la luxure et de la sauvagerie, et se classent en deux catégories: d’une part les “brutes”, les goules, qui proviennent directement des personnes massacrées par les vampires. Des zombies incapables de réflexions et comparables à des animaux. Puis il y a les vampires, les Maîtres, asservissant les humains pour se constituer des troupes. Ils possèdent une puissance physique phénoménale et n’hésitent d’ailleurs pas à se qualifier de dieux. Parmi les autres qualités qui en font de véritables machines à tuer, on peut compter sur une vitesse surhumaine et une aura de séduction permettant de soumettre les humains à leur volonté, lesquels, aux rythmes des morsures, perdent toutes notions du temps et de liberté, se trouvant dans un état de manque et éprouvant une honte des plus terrible pour avoir été manipulé comme des marionnettes…

 

 

Évidemment, qui dit vampire dit érotisme et l’interlude présent dans le récit, se concentrant sur les suceurs de sang, nous apprend ainsi qu’ils sont capables de déclencher un orgasme chez un être humain rien qu’en le caressant. Ils prennent aussi plaisir à humilier leurs victimes sur le plan sexuel puisque, impuissant, ils ne peuvent eux-même rien éprouver. Fait amusant: là où Anne Rice dénaturait son romantisme lyrique en faisant de Lestat une rock star, John Steakley nous apprend que les vampires, aussi sauvages soit-ils, détestent le rock et préfèrent l’opéra ! Loin des clichés traditionnels, ceux-ci ne craignent pas non plus l’ail ou la vue d’une croix. Un pieu dans le cœur ne suffit pas à avoir raison d’eux et même l’argent béni provenant d’une Sainte Croix ne peux pas les détruire (provoquant tout de même de terribles blessures inguérissables au passage). Seuls le soleil et le feu sont ici efficaces.

Bref, l’écrivain modernise complètement la mythologie et lui confère un aspect issu du Western de par son cadre (le Texas et les petites villes). On est donc pas surpris que John Carpenter ce soit inspiré de cette histoire pour son propre Vampires, dont il reprend de nombreux éléments bien que son histoire suive une autre direction. Ici il n’est pas question de la recherche d’une Croix mystique permettant aux vampires de survivre le jour, mais avant tout d’une longue cavale qui semble destinée à échouer…

Le récit travail surtout à s’immerger dans cet univers particulier de la Vampire$, Inc. et insiste énormément sur les peurs et les espoirs de ses personnages. L’intrigue, solide, demeure très simple et se contente d’aller du point A au point B sans se perdre en sous-intrigues ou en rebondissements dans la dernière partie. Un procédé qui pourrait laisser croire que Vampires n’a finalement pas grand chose à proposer, mais qui fait, en réalité, la force du livre: par ses personnages attachants, ses situations explosives et l’atmosphère lourde de tension du début à la fin, l’œuvre se suffit à elle-même et n’a besoin d’aucun artifice pour gonfler son intérêt.

Pas dénué de surprises pour autant, le livre garde bien quelques révélations ici et là et se conclu sur une scène finale inattendue et dramatique très bien rendue par l’écriture de John Steakley, l’écrivain n’ayant pas son pareil pour plonger le lecteur au cœur de la situation. A noter que celui-ci a reprit les noms de Jack Crow et Félix des deux personnages principaux de son livre précédent, Armor, comme s’il voulait d’emblée les élever au rang de figures héroïques. Et ça quand bien même Crow refuse d’être considéré comme tel dans le récit.

Rafraîchissant, crédible et dynamique pour peu que l’on ferme les yeux sur quelques longueurs, Vampires est un incontournable pour les passionnés de vampirisme ou les fantasticophiles.

 

Rock and Roll !

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