Urban Gothic (1.12) – Vampirology (2000)

ROAD TO HALLOWEEN V

 

 

Urban Gothic

Vampirology

(2000)

 

I have to do this every night… Every fucking night !

 

 

Anthologie d’horreur relativement obscure et d’origine anglaise, Urban Gothic ne gagne pas vraiment à être déterrée. La qualité de la série est globalement médiocre pour rester poli, et si quelques épisodes parviennent à sortir du lot ce n’est pas tant parce qu’ils sont bons que parce qu’ils sont juste intéressant. Il y avait de l’idée pourtant, avec le fait que si les histoires sont totalement indépendantes les unes des autres, il existe quand même une sorte de fil rouge secret et des personnages récurrents prouvant que toutes les intrigues se déroulent dans le même univers. Mais la combinaison d’un bas budget et de mauvais scénaristes va vite décourager quiconque voudra se lancer dans l’aventure. Sur les deux saisons, on peut compter les épisodes recommandables sur les doigts d’une seule main. Un bilan plutôt mauvais même s’il convient de mentionner l’existence de Pinapple Chunks, où se mêlent aliens à peaux bleues, portail dimensionnel caché dans une supérette et beaufs armés jusqu’aux dents et prêt à reprendre leurs quartier par la force.
En revanche il y a une véritable petite perle cachée qui mérite le coup d’œil: Vampirology. A priori rien d’extraordinaire, le scénariste reprenant juste le concept de Entretien Avec un Vampire mais sans les flashbacks dans le passé, sans le glamour et sans le mélodrame. Nous sommes  plus proche de C’est Arrivé Près de Chez Vous que de Anne Rice en fait, et voilà justement ce qui permet le miracle: parfaite représentation du titre de la série, le résultat est terriblement réaliste, sale, violent et urbain, totalement à l’opposé de l’imagerie exotique que l’on se fait des créatures de la nuit et de leur mythologie…

 

 

En étant vraiment enthousiaste, on pourrait presque évoquer Henry: Portrait d’un Serial Killer pour décrire l’atmosphère de cet épisode tourné en mode documentaire. L’image est granuleuse, brute et saturée, le cadrage hasardeux car généralement prit sur le vif, l’audio est limite insupportable entre les bruits d’ambiance et le souffle du moteur de la caméra, et les décors sont 100% naturels avec une représentation peu poétique du centre-ville de Soho, ses night clubs crapoteux et ses ruelles isolées. Difficile même de  créditer le réalisateur tant ce qui défile à l’écran semble vraiment avoir été tourné par une équipe d’amateurs. Et ça tombe bien puisque c’est à peu près pareil avec le scénario, que l’on doit à Tom de Ville, l’un des créateurs d’Urban Gothic: pas un dialogue ne sonne faux, les protagonistes sont crédibles et surtout le montage choisi de ne pas montrer les évènements dans leur ordre chronologique, nous faisant sans cesse aller et venir dans le temps. Cela évite de rendre le protagoniste principal ennuyeux, ses émotions et réactions étant très différentes en fonction de ce qu’il lui arrive au cours de l’aventure.
Celui-ci se nomme Rex et se présente comme étant un vampire, même si aucune preuve concrète ne vient confirmer ses dires. Pour une nuit, il a accepté d’être suivi par une petite équipe de cinéastes qui vont filmer tous ses faits et gestes et surtout l’interroger à propos de sa condition. Mais leur reportage n’a aucune direction, aucune narration. Chaotique, il mélange morceaux d’interviews, scènes de vie quotidienne et même séquences improvisées et pratiquement dictées par le réalisateur, qui pousse parfois son hôte à agir si cela lui semble intéressant.

 

 

En résulte vingt minutes de conversation, ce qui pourra être rebutant pour certains car il ne s’y passe rien d’autre. Mais heureusement Rex s’avère être un personnage passionnant en plus d’être interprété par un acteur au charisme et au talent incroyable (Keith-Lee Castle, qui fut le ventriloque goth dans Le Fils de Chucky). Il y a bien sûr les multiples questions à propos du vampirisme et des diverses légendes, Vampirology faisant partie de cette vision moderne qui déconstruit le mythe. L’ail et les crucifix ne fonctionnent pas, le cercueil n’est pas nécessaire pour dormir, la lumière n’est pas mortelle avec un bon écran solaire, quant au pieu dans le cœur… et bien cela tuerait n’importe qui, pas vrai ? Et comme par hasard le non-mort s’est limé les canines il y a longtemps par soucis de camouflage. Tout ceci fait volontairement porter le doute quant aux déclaration du héros qui n’est peut-être qu’un cinglé persuadé d’être un suceur de sang. Un tueur en série qui dégomme ses victimes au un rasoir, buvant leur sang en se persuadant que cela est nécessaire. D’ailleurs il a tout du psychopathe: la solitude, l’arrogance, l’humour tordu et une volonté de paraitre important.
Son obsession pour les vampires est soulignée lors d’une visite dans une librairie spécialisé où l’amateur pourra reconnaitre des affiches de Blacula ou Vampire Circus. Grand fan de la Hammer, vénérant Christopher Lee mais critiquant les morts “propres” de ces films, il prétend s’intéresser à ces représentations fictionnelles pour se donner l’impression d’être spécial, considérant que le monde moderne n’a plus peur de rien et que le Nosferatu est perçu comme une plaisanterie.

 

 

Difficile alors de dire s’il est en plein délire ou s’il est effectivement un vampire en crise d’identité à une époque où plus personne ne croit en lui, et le plus drôle c’est qu’il ne cache jamais son identité, déclarant son immortalité à toutes ses connaissances. Pour certains c’est un style qu’il se donne, pour d’autre c’est un trouble du comportement. Personne ne le prend au sérieux mais tous son fasciné par cette aura de mystère et de séduction qu’il présente: il est devenu malgré lui une personnalité du monde de la nuit à force de se présenter aux soirées avec de beaux costumes, devenant une figure populaire qu’il convient de rencontrer si on veut rester in. Résultat il se retrouve avec des groupies qui vont s’offrir à lui sans avoir peur des conséquences, pensant que son vampirisme n’est qu’un fétiche sexuel comme un autre. Bref, il évolue dans un monde vide de sens et où le paraitre et la seule chose qui compte. Un choix volontaire de sa part même: en choisissant des amis aussi creux et détestable, il aura moins de regret lorsqu’il devra les tuer. Un simple garde-manger qu’il va saluer de temps en temps.
Cet entourage, il le critique fortement, n’hésitant jamais à nous présenter chacun de ses défauts. Comme a peu près tout d’ailleurs: Rex se plaint constamment, semble mal dans sa peau malgré ses airs de supériorité. Le fait est que, plus que le monde extérieur, il se déteste lui-même. Il n’y a rien de plus apparent lorsque vient l’heure de se nourrir, quand il attaque une touriste égarée pratiquement par obligation pour l’équipe qui le suit. Après l’avoir tuée salement, il explose de colère et de tristesse, nous rappelant qu’il doit commettre ce même crime toutes les nuits sans avoir le choix.

 

 

Ces dernières minutes sont particulièrement impressionnantes vu l’époque et la nature de télévisuelle du film. La victime hurle et demande de l’aide à une caméra qui ne bronche pas, puis son agresseur la jette au sol avant de lui éclater la tête plusieurs fois contre le pavé. Armé d’un rasoir, il lui coupe les veines tout en cachant son visage avec un vieux journal pour ne pas avoir à la regarder. Mais parce qu’il réalise qu’elle est toujours vivante, il l’égorge d’un seul coup avant d’avaler le sang qui s’échappe de la carotide. Tout ceci est tourné en gros plan, éclairé par une lumière crue et sans la moindre musique. Perturbant, mais puissant.
Et des séquences réussies il y en a d’autre, comme lorsqu’il croise Ingrid Pitt dans un restaurant et l’aborde pour lui dire a quel point il l’admire… avant de lui avouer être un vampire, passant pour un fou auprès de l’actrice qui ne comprend pas pourquoi ses fans se sentent obligés d’en faire des caisses. Ou lorsqu’il se sent mal parce qu’il n’a pas encore bu de sang, se retrouvant avec le réflexe de vomir sans pour autant y arriver car il est techniquement mort et n’a rien à régurgiter. Enfin il y a ces quelques mots qu’il prononce une fois rentré chez lui après son meurtre, expliquant qu’il est son propre ennemi car viendra un temps où il ne se sentira plus la force de continuer comme ça. Autant de moments captivant qui font totalement oublier que Vampirology fait partie de Urban Gothic, qui jamais ne se hisse à ce niveau de réussite habituellement. Et c’est bien dommage car beaucoup vont ignorer ce qui est pratiquement un chef d’œuvre en son genre à cause de cela.

 

 

D’ailleurs l’épisode est si bon qu’il a semble t-il réussi à échapper à ce carcan, se retrouvant carrément adapté au théâtre ! La première aurait eu lieu à Bristol en 2001, avec une seconde présentation prévue pour 2002 d’après une vieille source qui n’a pas été remise à jour depuis bien longtemps. Difficile à confirmer mais il n’y a pas de raison non plus pour en douter, surtout quand les recherches proviennent d’un fan acharné. Même Keith-Lee Castle ne quittera jamais vraiment Rex puisque se trouvant par la suite d’autres rôles de vampires avec Lexx, Vampire Diaries et Young Dracula. Grand bien lui fasse, sa performance prouvant qu’il est véritablement né pour ça !
S’il ne révolutionne rien en terme de déconstruction du mythe, méthode à la mode depuis bien trop longtemps et paraissant parfois un peu trop facile, ce court métrage réussi cependant là où d’innombrables autres ont échoué en présentant un figure à la fois séduisante, terrifiante, et touchante, qui demeure mystérieuse même en s’exposant à nous. Un véritable tour de force qu’il faut absolument découvrir !

 

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