Trick ʽr Treat (2007 / 2009)

ROAD TO HALLOWEEN VI

 

 

Trick ʽr Treat

(2007 / 2009)

 

Charlie Brown’s an asshole !

 

 

Bien que la production du génial Trick ʽr Treat de Michael Dougherty n’ait pas été très élevée, cela n’empêcha pas le département marketing de faire son boulot et de permettre la création de divers produits dérivés censés faire la promotion du film pour sa sortie en salles. L’un de ces projets fut celui d’une adaptation comic book chez DC Comics, à travers son label WildStorm Productions, avec un véritable gimmick pour attirer l’attention: le concept était de narrer les quatre histoires de l’anthologie à travers quatre numéros qui paraitraient au rythme d’une revue par semaine, l’ultime épisode étant prévu pour Halloween 2007, date à laquelle le long métrage serait disponible sur les écrans. Hélas rien ne se déroula comme prévu et les producteurs décidèrent de retarder la diffusion de Trick ʽr Treat pour d’obscures raisons, l’œuvre se contentant de faire le tour des festivals jusqu’en 2009 avant d’atterrir directement dans les bacs à DVD. Une triste histoire qui n’entacha aucunement la bonne réputation de l’œuvre mais qui scella presque le sort de sa bande-dessinée.

 

 

L’annulation de la projection du 31 Octobre soulignant à DC l’inutilité du produit, il fut décidé de mettre la publication en veille malgré qu’elle ait été complétée dans les temps, et l’éditeur ne la dépoussiéra qu’en 2009 pour coïncider avec l’arrivée en vidéo de l’anthologie, sous la forme d’un gros recueil. D’ailleurs certaines version en ashcan de ce Trick ʽr Treat fut vendu avec un exemplaire du film en guise de bonus, manière peut-être de rattraper un peu ce gâchis. Dans tous les cas il est désormais possible de profiter très facilement de ce tie in peu connu, lequel se montre intéressant dans le sens où il prend le contre-pied de son modèle cinématographique et propose de suivre les différentes intrigues les uns après les autres à la manière des films à sketches traditionnels. Le côté Pulp Fiction de la narration fragmentée disparait pratiquement si ce n’est pour quelques références, et si un même écrivain gère tout le scénario, ce sont quatre artistes différents qui se succèdent sur la partie graphique, rendant la segmentation encore plus flagrante.

 

 

L’auteur, Marc Andreyko (Torso, en collaboration avec le malfaisant Brian Michael Bendis, et le relaunch de Manhunter chez DC) semble même avoir travaillé d’après une version antérieure du script du film puisque certaines scènes diffèrent sensiblement du montage final tandis que d’autres correspondent à des passages coupés que l’on peut retracer sur quelques photos de tournage. Il rajoute des titres pour chacun des épisodes et altère certains évènements afin de rendre la lecture plus fluide ou esquiver certains passages trop violent ou trop sexy. Ainsi, dans l’introduction où Sam tue la jeune femme qui déteste Halloween et retire les décorations avant l’heure, disparait le fait qu’elle et son compagnon s’apprêtent à s’envoyer en l’air, et l’homme s’assoupit par ivresse plutôt que de regarder un film porno. Autre différence flagrante: le comportement du petit monstre, silencieux et calme dans le film mais ici plus excité et passant son temps à rire. Ce sont finalement ces différences mineures qui font l’intérêt de cette adaptation.

 

 

La BD ne peut se montrer aussi permissive que son modèle et ne peut reproduire sa mise en scène soignée qui misait beaucoup sur le langage cinématographique. Pas question de mouvements de caméra, de jeux d’acteurs ou de trucages visuelles en mouvement, et donc les artistes doivent compter principalement sur leur art pour faire effet. Cela ne se remarque que de temps en temps et bien souvent en résulte l’impression de lire une transposition fidèle mais vaine de Trick ʽr Treat qui ne peut reproduire le même impact. Dans Father Knows Best, illustré par Mike Huddleston (Friday the 13th: Bad Land et l’adaptation de The Strain chez Dark Horse), on peut ainsi voir le meurtrier sortir du magasin d’où il achète son costume de vampire, croisant un peu plus tôt le petit garçon qu’il va empoisonner devant chez lui. Un garnement qui a lui-même quelques déboires avec des trick or treaters qui sont ceux que le vieillard du dernier conte s’amuse à effrayer. Et l’artiste s’amuse à donner une apparence sympathique au meurtrier, afin de mieux surprendre lorsqu’il révèle sa véritable nature.

 

 

Il accentue un peu l’agonie de la victime qui cette fois se rend compte de ce qui lui arrive avant de rendre l’âme, mais oublie plus tard le costume d’extraterrestre que doit porter l’un des enfants venant surprendre l’assassin – ceux que l’on retrouve plus tard dans l’histoire du bus hanté. Leur apparition est de toute façon écourtée et le môme qui finissait par se rendre compte que quelque chose clochait n’a ici aucune réaction. C’est Grant Bond (Assassin’s Creed: Ascendance, Clockwork Girl) qui prend le relais avec Shortbus, réparant l’erreur de son collègue à propos du déguisement d’alien mais omettant du coup une séquence où les gamins découvrent avec stupeur que quelques adultes se livrent à une partouze chez la voisine. La séquence a bien lieue d’après les dialogues que s’échangent les personnages, mais les dessins ne montrent aucune réaction particulière de leur part sur le moment, et la femme qui leur ouvre la porte n’est plus soule, donnant presque une impression de censure de la part de l’éditeur.

 

 

Voilà sans doute l’histoire qui souffre le plus d’avoir été adaptée puisque l’on y perd toute la mise en scène atmosphérique à base de vue aérienne, de lumières s’éteignant dans le brouillard et de mouvements de caméra amples. En fait tout s’enchaine beaucoup trop vite et la séquence montrant la petite Rhonda errer dans la carrière n’offre plus grand chose question suspense. Elle ne semble pas particulièrement effrayée et la farce organisée par ses camarades perd également en violence: pas d’enfant dévoré, pas de chute violente contre les pierres, pas de cruauté vindicative de la part de cette adolescente costumée en ange. Difficile alors de prendre le parti de l’héroïne lorsqu’elle abandonne ses amis à leur triste sort, et sa décision ressemble moins à une vengeance qu’une sorte d’incompréhension de la situation de sa part ! Et puisque l’auteur n’entrecoupe pas l’aventure avec celles des autres personnages, le hurlement des louves de l’histoire suivante résonne toujours sans que le lecteur n’ait le contexte de leur provenance.

 

 

Graphiquement ce second épisode tranche drastiquement avec le précédent, l’artiste ayant ce trait “enfantin” qui lui vaut justement d’adapter pas mal de films d’animation au format BD. Si l’idée n’est pas mauvaise puisque l’intrigue à des enfants pour protagoniste, l’absence de toute violence, de sexualité et d’émotion donne vraiment l’impression de lire une version édulcorée du segment original. En plus les dessins se concentrent dans de petites cases perdue dans une pagination violette qui laisse d’énormes marges sur tous les côtés. Sans dire que ce deuxième numéro à été bâclé, le rendu laisse franchement à désirer et parait incomplet. Sheep’s Clothing vient rattraper tout ça et le choix de Christopher Gugliotti (The Texas Chainsaw Massacre: Raising Cain) apparait comme une bonne idée pour ce détournement du Petit Chaperon Rouge. Car son style est abstrait, coloré et surréaliste, déformant l’anatomie humaine avec humour comme sous l’effet de l’alcool ou de la drogue. Cela nous vaut notamment l’image hilarante d’un loup-garou féroce portant encore sa petite culotte rose, tandis que les costumes de vampire et de chaperon des deux protagonistes sont visuellement très bien rendu !

 

 

Question différence, ce troisième opus en aligne le plus avec de nombreux échanges ajoutés pour l’occasion. Par exemple le prologue montrant le vampire s’en prendre à une première victime n’avait pas le moindre dialogues dans le film, alors qu’ici les personnages se parlent tout le long. Lorsque les filles achètent leurs costumes, elles évoquent bien plus leurs précédentes chasses et débattent du type de proie qu’il leur faut pour la nuit. L’une d’elle va dire au petit garçon qui les espionnaient dans les cabines d’essayages qu’il est à croquer, et une autre hésite pour un trio de bambins déguisés en oursons que ses amies vont déclarer êtres bien trop jeunes pour ce qu’elles ont en tête. Même Laurie, supposément timide, n’arrête pas de causer, allant ouvertement draguer à droite à gauche et se trouvant plus malchanceuse qu’autre chose. C’est Sam qu’elle fini par croiser dans la foule plutôt que Wilkins, et lorsqu’elle croise celui-ci dans les bois, il ne l’agresse immédiatement.

 

 

Ils conversent un moment (comme montré sur un cliché promotionnel) et elle va jusqu’à le séduire en commençant à se déshabiller. La dernière partie se montre étonnament plus permissive que le film, les louves y apparaissant plus sadiques (elles se moquent du vampire et le prennent en photo dans sa détresse) et Laurie se déshabillant complètement avant la métamorphose. De quoi rattraper un peu le manque de “sexy” des épisodes précédents, et la mignonne séance de voyeurisme dans la boutique de costume se montre intacte ! En revanche le plan iconique de Sam, assis sur un arbre et regardant les bêtes festoyer, est lui totalement absent. Trick ʽr Treat se termine alors très logiquement avec Trick or Treat, cette reprise moderne d’un célèbre épisode de Tales From the Darkside où un vieillard bourru est harcelé par un petit monstre pour ne pas vouloir donner de bonbons aux jeunes fêtards. Un épisode qui gagne encore une fois en bavardages, l’ermite causant ici en boucle comme s’il fallait obligatoirement remplir la BD de bulles à texte.

 

 

Bien sûr le format comic book oblige certainement de meubler ce conte qui peut se permettre d’être pratiquement muet à l’écran, n’empêche que ces rajouts semblent inutiles. Un lien absent du film mais utilisé plus tôt dans Father Knows Best est reprit ici, avec ces garnements effrayés qui vont bousculer le petit gros, et parmi les autres rajouts on découvre ici que le tueur en série – dérangé par le chien de son voisin lorsqu’il enterre ses victimes – donne à l’animal un doigt humain à manger pour le faire taire. Quant à Sam, il se marre comme une baleine du début à la fin, semblant vraiment s’amuser à torturer le grincheux au point que son masque affiche un sourire mauvais. Une petite liberté prise avec ce qui se déroule dans le vrai segment (son masque est arraché et conserve une grande déchirure au niveau de la bouche) sans doute afin de rendre la créature un peu plus expressive, ce que l’artiste (Fiona Staples, l’illustratrice de Saga) réussi très bien à faire sans trahir le personnage.

 

 

S’il faut retenir une chose de cet ultime épisode, c’est cette petite scène en fin d’histoire montrant l’homme faire la paix avec Sam et le saluer poliment, l’autre lui rendant le geste. Cela sonne si bien que, à la revoyure, l’absence de cet échange manque cruellement au véritable Trick ʽr Treat ! Sans doute s’agit-il là encore d’une des nombreuses coupes qu’a subit le film avant de prendre forme, et on ne peut alors juger complètement inutile cette bande-dessinée pour nous en dévoiler quelques unes. Il n’y a là rien d’incontournable et seuls les fans absolus s’y intéresseront, mais le travail reste louable et bien présenté. Qui plus est, cela fait un parfait prologue à Trick ʽr Treat: Day of the Dead (chez nous Trick ʽr Treat: Happy Halloween), le véritable comic book d’intérêt qui présente les origines païennes du personnage de Sam et fait office de préquelle à cet univers ténébreux. Un livre évidemment bien plus fascinant qu’une sotte adaptation, mais qui cumulé avec ce volume-ci offre devient encore meilleur.

 

 

 

GALERIE

 

           

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