Razor sort des limbes !

 

Cela fait longtemps que j’avais envie de vous parler de Razor, un des nombreux comics “extrêmes” des années 90. Publiée en son temps chez London Night Studios, boite indie spécialisée dans les histoires en noir et blanc (c’est moins cher) violentes et érotiques (c’est la mode), la série n’est pas particulièrement connue puisque noyée dans un océan de semblables et ayant débutée avec un artiste loin d’être doué. Malgré ses dessins brouillons et son intrigue clichée, la série a survécu à travers le temps et a su se faire remarquer par un lectorat porté sur l’underground (et le death metal) au point d’être ressuscité durant les années 2000 via l’éditeur Avatar Press. Mieux: il s’agit du seul titre au monde possédant un crossover avec The Crow, la mythique bande-dessinée de James O’Barr ! N’y voyez rien d’extraordinaire puisque London Night Studios disposait à cette époque des droits de publications de l’œuvre originale, et a ainsi pu se permettre d’utiliser la licence pour promouvoir son propre titre. Pas désobligeant pour un sou, O’Barr leur prêta le personnage d’Eric Draven et réalisa plusieurs illustrations de couverture pour l’occasion.

 

 

S’étirant sur des centaines de numéros et d’innombrables one-shots et crossovers (il est sérieusement difficile de créer une liste complète avec ordre chronologique, et cela explique mon long silence sur le sujet), Razor narre les aventures d’une anti-héroïne meurtrière et sanglante qui fut témoins du meurtre de son père et de sa sœur dès son plus jeune âge. Internée en asile psychiatrique pendant plusieurs années, où elle fut violée à répétition, elle développa des tendances suicidaires et sombra dans l’auto-destruction et la drogue. Instable, elle devient alors une vigilante dans la veine de l’Exterminator, utilisant ses talents de gymnaste accomplie et des gantelets à griffes en métal qui évoquent ceux de Predator pour éliminer la racaille qui terrorise les rues. La série est gore, brutale, mais fini par devenir un peu plus fantastique et moins féroce avec le temps, l’histoire principale marchant dans les traces de Mortal Kombat (encore: la mode) avec organisations secrètes, magies mystiques et gadgets cybernétiques. L’héroïne reste intéressante cependant, devant autant affronter les super-vilains que faire face à sa dépression et sa désintoxication, tout en portant de nombreuses tenues en cuir très osée.

 

 

J’ai connu Razor a peu près en même temps que Faust: Love of the Damned, un autre comic-book à propos d’une âme torturée découpant des gens en morceaux à l’aide de gantelets à lames, et j’avoue m’en être énormément inspiré étant ado pour créer ma propre héroïne tragique et violente. Pour la énième fois: c’était l’époque. Quoiqu’il en soit, autant Faust aura pu à avoir son propre film grâce à Brian Yuzna, se faisant mieux connaitre du grand public (qui ignore cependant tout de son caractère pornographique original), Razor est elle restée dans les limbes, condamnée à disparaitre avec les 90s. Mais courant 2000, la série gagne un regain d’intérêt. Elle est un temps ramenée avec quelques autres Bad Girls de l’époque par Avatar Press, et en 2009 est annoncé un premier projet cinéma. Une production de quinze millions de dollars par Arclight Films, une compagnie anecdotique n’ayant aucun corde à son arc (elle devait sortir le fameux remake du Blob avec Samuel L. Jackson). Les producteurs Jeff Most (la franchise The Crow) et Gary Hamilton (Bait et Storm Warning) étaient impliqués et le tournage prévu pour 2010 en Australie.

 

 

Un projet qui ne fit pas grand bruit et disparu sans faire plus remous. C’est dommage car cela aurait fait de ce Razor l’un des sympathiques représentation de la nouvelle vague d’Ozploitation violente et méchante, aux côtés de Wolf Creek, The Loved Ones, The Reef ou Rogue. On y perd beaucoup puisque, si l’idée d’un film basé sur Razor a refait surface au dernier Festival de Cannes, c’est dans une optique bien différente. Celle de la mode du film de super-héros post-Avengers, qui montre a quel point les grands studios sont désespérés et à côté de la plaque, cherchant à tout prix à copier le formule gagnante de Marvel Studio. Il n’y a qu’à voir les propositions récentes de Sony, au bout du rouleau, qui annonce des adaptations de Morbius le Vampire Vivant, et de la grosse Faith, super-héroïne obèse qui est le personnage le moins intéressant de Valiant Comics. Il n’est donc plus question de faire un film d’exploitation mais plutôt un film pour “Nerds” (c’est-à-dire le public de masse qui n’a certainement jamais entendu parler de Razor) très accessible et surtout pas graphique.

 

 

Du sang et des seins ? Ne rêvez pas. Preuve ultime de la nature “blockbuster” de ce nouveau Razor: c’est Rob Cohen qui est annoncé comme scénariste et réalisateur. Et si son côté Michael Bay du pauvre est en apparence parfait pour un personnage peu intelligent issu des tapageuses 90s, il faut avouer que ces œuvres ne sont pas aussi énervées qu’elles en ont l’air. Fast and Furious n’était qu’un remake de Point Break en mode tunning encore loin de la franchise bête mais fun qu’elle est devenue. xXx ressemble à un DTV de luxe tourné en Roumanie, ne valant que pour une Asia Argento bad ass et sexy. Et Furtif et The Skulls sont juste chiant malgré quelques bons moments. Bref le concept pue tellement la décision exécutive sans risque qu’il y avait fort à parier qu’il soit abandonné au bout de quelques mois. Mais une annonce d’il y a quelques jours vient au contraire confirmer que Razor va bel et bien voir le jour, et c’est l’actrice Emma Dumont qui vient d’être engagée pour jouer la vigilante griffue. Un choix de casting qui se trouve être plutôt judicieux tant la jeune femme ressemble à l’anti-héroïne sur plusieurs aspects !

 

 

Quiconque a pu la voir dans la série The Gifted, pseudo spin-off des X-Men version cinéma, peut constater qu’elle a le physique de l’emploi. Elle y apparait déjà comme une ravissante goth, parfaitement en phase avec le design de Razor. Petite et brune, comme le personnage, elle se trouve être une danseuse de ballet professionnelle, ce qui permettra de ne pas avoir recours aux doublures ou au CGI pour simuler les talents de gymnaste de l’héroïne. De très bons points, même si on peut toujours trouver quelques rabat-joies: ses seins seraient trop petits selon certains, qui oublient sans doute que le personnage fut dessiné par une bonne quinzaine d’illustrateurs différents ayant tous leur interprétation: dans certains cas la justicière ressemble à une adolescente normale, ailleurs elle est encore plus bodybuildée que She-Hulk. L’ayant aperçu en soutien-gorge dans The Gifted, je peux assurer que son physique fait parfaitement l’affaire. Et il y a aussi la question de ses yeux “bizarres” qui sont trop écartés l’un de l’autre, lui donnant un visage très typé. C’est indéniable, mais cela ne la rend pas laide pour autant, et j’ai même envie de dire que cela permettra de bien mettre en valeur le maquillage à la Alice Cooper que Razor est censé porter.

 

 

Dans tous les cas Emma Dumont n’est clairement pas le problème. Sa présence rassure même un peu puisqu’elle semble moins en décalage avec le projet que le réalisateur ! Si le film a toute les chances d’être creux et oubliable, au moins l’interprète assurera le spectacle pour contrebalancer un peu, et je ne peux qu’espérer qu’elle inspire suffisamment de cosplayeuse pour que Razor, la BD, puisse avoir un omnibus digne de ce nom. Même si personne ne se risquera à l’acheter… Cohen et Most ne tarissent d’ailleurs pas d’éloges sur leur protégée, essayant sans doute de surfer sur la vague girl power qui est de rigueur à Hollywood. Comme pour Wonder Woman et Tomb Raider, la comédienne nous est présentée comme un miracle d’accomplissements, à la fois sportive, intelligente, cultivée et artistique, s’intéressant tant à la robotique, qu’à la danse classique et à la grande littérature. Le cinéaste lui a déjà imposé des cours de Krav Maga, sans doute en préparation du tournage, ce qui semble confirmer que cette annonce n’est pas qu’une déclaration dans le vent. Une liste des divers producteurs impliqués a même été publiée et, parmi eux, Grant Cramer: acteur dans New Year’s Evil, Hardbodies et surtout Killer Klowns From Outer Space dont il prépare la suite. On croise les doigts pour que cela soit un signe !

 

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