Friday the 13th: Fearbook (2006)

 

Friday the 13th: Fearbook

(2006)

 

 

Comme déclaré précédemment, Friday the 13th: Fearbook est une décevante conclusion à la “trilogie” Vendredi 13 par Avatar Press. Car ce troisième opus, concluant l’intrigue développée par Brian Pulido dans les autres publications, a non seulement été attribué à un auteur différent et n’ayant visiblement aucune idée nouvelle pour renouveler l’histoire, mais semble clairement avoir été sacrifié par l’éditeur, conscient que son temps d’utilisation de la licence arrive à son terme. Après une mini-série en trois numéros, la vingtaine de pages composant Fearbook fait vraiment court et ne permet évidemment pas au scénariste de faire dans le détail – surtout quand les massacres perpétués par Jason doivent former une bonne partie du récit. Disons-le clairement, ce one-shot a clairement été expédié comme le prouve les dessins assez brouillons, et réalisé à quatre mains pour gagner du temps, et la quasi absence de trame qui se contente de rejouer la dernière partie de Bloodbath sans rien amener de plus.
Pire que tout, cet ultime volet s’avère ennuyeux, répétitifs au regard de ce que l’on a déjà lu, sans inventivité et surtout sans fun. Les meurtres commis par Jason sont anecdotiques, les personnages inexistants et la conclusion, noire, achève un personnage intéressant juste pour générer de la shock value et faire réagir le lecteur. Manque de bol, à ce stade celui-ci n’en a plus rien à foutre…

 

 

Quel dommage car l’homme derrière tout ça n’est pourtant pas manchot. Il s’agit de Mike Wolver, un habitué de l’industrie comics indie d’exploitation puisqu’il a débuté durant la période “extrême” des années 90, lorsque les Bad Girls comme Lady Death et Purgatory étaient à la mode. Illustrateur et scénariste, il a bossé du côté de London Night Studios et de Chaos! Comics et inventa la pin-up arachnéenne Widow, titre érotico-horreur ayant reçu un revival porno chez Avatar Press. Chez eux il a aussi bossé sur leur version de La Nuit des Morts-Vivants mais surtout œuvra avec Garth Ennis sur le très cool Stitches. Un CV plutôt intéressant et promettant de belles choses pour le tueur de Crystal Lake.
Hélas le manque de temps et de pages l’empêche de créer quoique ce soit et la seule chose qui lui semble logique de faire pour en finir avec le titre est tout simplement de… tuer tout le monde. Sans folie, sans fioritures, sans amusement. Cela signifie qu’il doit constamment raboter, élaguer son script en se débarrassant des protagonistes dès que possible et évacuer toute possibilité de surprises, de rebondissements et de séquences qui prendraient trop de temps à mettre en place. En résulte une aventure inutile et prévisible, un point A et un point B qui se rejoignent en quelques pages et entre lesquels pratiquement rien n’existe…

 

 

Son récit reprend immédiatement là où Bloodbath s’était arrêté, avec la fuite de Violet et Rich à bord d’une voiture. Tâchant de quitter Crystal Lake au plus vite, ils roulent à tombeau ouvert sans comprendre pourquoi le chaos de l’épisode précédent n’a pas rameuté la police, les secours ou les journalistes – preuve que l’Organisation ayant tout manigancé peut employer de gros moyens pour parvenir à ses fins. Le jeune homme blessé par balle se vide de son sang et, dans la panique, sa petite amie fini par perdre le contrôle du véhicule, se crashant dans le char d’assaut d’une escouade para-militaire. Blessée, elle s’évanouit et se fait embarquer par les soldats. Rich ne survit pas à l’accident, mourant d’entrée de jeu…
Violet se retrouve dans un établissement secret caché dans la forêt, soignée mais gardée prisonnière par des hommes qui ne veulent pas répondre à ses questions. Elle est en fait destinée à être l’appât pour Jason Voorhees, l’équipe en charge de sa capture souhaitant recommencer malgré le fiasco récent. Pour eux les lances cryogéniques fonctionnent à la perfection et capturer le mort-vivant sera simple sans l’adolescente pour leur mettre des bâtons dans les roues. Mais ils sous-estiment leur prisonnière qui, déterminée à rester en vie, séduit un garde pour mieux le neutraliser et s’évader. Seulement voilà, Jason est déjà là et les deux se retrouvent immédiatement…

 

 

L’alarme est sonnée et des commandos surentrainés interviennent tandis que Violet prend la fuite, mais nul ne peut tuer le croquemitaine. L’homme au masque de hockey pulvérise ses adversaires un par un, poursuivant la jeune femme sans relâche et jusqu’à ce qu’ils se retrouvent par inadvertance dans le centre de commande, où se cachent les exécutifs de l’Organisation. Et alors… Jason tue tout le monde. Point. Tout ça pour ça. L’héroïne assiste impuissante au massacre, tente de se jeter par la fenêtre lorsqu’il ne reste plus qu’elle, mais le zombie la rattrape au vol, la ramenant aussitôt dans la pièce pour – on le suppose – la mettre en pièce. On ne la voit même pas mourir, seul son cri résonne dans la nuit. Un numéro supplémentaire pourrait très bien ramener un garde ou deux, intervenant juste à temps pour distraire le tueur et lui permettre de s’échapper.
C’est d’ailleurs dans mon canon personnel, car en tant que lecteur il n’y a pas moyen que cette conclusion puisse me satisfaire. La mort de Violet n’a rien de satisfaisant, l’Organisation ne tombe pas totalement puisqu’elle est tentaculaire, et seul Jason tente de nous divertir même si là encore il n’y a rien d’exceptionnel dans ses méfaits.

 

 

Il coupe un (ou deux ?) gars d’un coup de poing sauté, décapite et démembre à l’aide de sa machette, perfore des thorax avec ses poings… C’est bien, mais faible au regard des épisodes précédents. Quelques trouvailles subsistent malgré tout: il utilise un soldat comme bouclier humain contre les balles, écrase deux visages l’un contre l’autre, les réduisant à l’état de purée, et surtout se fait lui-même empaler par la hampe d’un drapeau américain dans ce qui doit être l’une des seules images mémorables du one-shot.
Il faut cependant composer avec le fait que les 3/4 de ses crimes se déroulent hors-champ, que sa capacité de régénération (au cœur de toute l’intrigue) n’est ici pas du tout utilisée et que son invincibilité apparait presque un poil trop exagérée: il ne cille même plus sous les balles et les fameuses unités cryogéniques pouvant le neutraliser ne sont pas là, l’équipe attendant une livraison suite à la destruction de celles vues dans Bloodbath. Reste un clin d’œil sympa, lorsqu’un vigile pointe son arme sur le mort-vivant en criant “Freeze !”, lui ramenant alors quelques souvenirs désagréables. Les dessinateurs recyclent également quelques séquences en vue subjective derrière le masque de hockey mais heureusement leur interprétation du croquemitaine reste saisissante.

 

 

Violet a aussi son moment de gloire, lorsqu’elle s’échappe de sa prison. Elle charme un garde, se déshabille et laisse ses mains baladeuses glisser sur son corps avant de l’aveugler et le délester de son arme. Son allure, avec uniforme militaire et bandage autour de la tête, lui donne encore une fois un côté bad-ass sympathique, et ses réactions plutôt logiques (craindre tant Jason que les malades de la gâchette qui arrosent tout ce qui bouge) en fond le seul personnage qui ne soit pas une caricature ou un morceau de carton.
Du reste, il faut s’estimer heureux que les graphismes soient lisible car il semblerait que la deadline fut tout aussi courte pour les dessinateurs que pour le scénariste. Sebastián Fiumara, qui a le crédit principal sur le livre, a en fait rameuté son frère jumeau Max à la rescousse afin de livrer les planches à temps. Et cela se voit. Le duo, d’ordinaire doué (Abe Sapien chez Dark Horse, un bon spin-off de Hellboy, et Black Gas chez Avatar Press, prototype de Crossed en moins extrême), livre des illustrations bien moins fouillées que leur prédécesseur. Tout comme Wolver, ils doivent faire des sacrifices, supprimer des détails, et le résultat est plutôt brouillon.

 

 

Pas moche, juste trop précipité, comme l’attestent la finition de leurs traits mais aussi le découpage général ; alternant entre des cases petites et serrées avec trop de bulles pour les dialogues entre membres de l’Organisation, aux compositions larges et vides de textes lorsque Jason dégomme un grand nombre de personnes. Quant aux couleurs, par Andrew Dalhouse, elles sont techniquement irréprochable, mais très ternes. Fearbook, sans être laid, n’est pas particulièrement agréable à regarder et cela ne fait que plomber l’ambiance encore plus, donnant l’impression que tout le projet baigne dans la misère.
Enfin, et pour enfoncer le clou, quelques scories demeurent dans la continuité. Rien d’important, et il faut vraiment lire Bloodbath et ce one-shot coup sur coup pour le réaliser, mais preuve ultime que le scénario n’a pas été supervisé par Brian Pulido et que l’éditeur s’en moquait totalement: ainsi l’Organisation, comme décrite auparavant, est censé être une assemblée mondiale des plus grands riches de la planète, souhaitant étudier l’immortalité de Jason afin de revendre les informations aux milieux médicaux et militaires. Ici c’est l’opposé total, le groupe étant dirigé par un mystérieux “Old Man” patriotique et ayant des connections avec le Pentagon.

 

 

Il est précisé que ce Président ne voudra certainement pas vendre leurs découvertes au Moyen-Orient et que ce les acheteurs seront les individus les plus offrants. Certes le principe reste le même et la société secrète fonctionne très bien dans un sens comme dans un autre, mais cela ne fait que rabaisser Fearbook un peu plus au rang de BD fade et bâclée.
Aussi, Forest Green est mentionnée de nom en plus de Crystal Lake, donnant presque l’impression qu’il s’agirait d’une ville voisine, ou d’un secteur particulier. Mais pour être franc, le Special se plantait également et nommait les lieux “Lake Crystal”, ce qui est tout aussi bizarre. Du coup nous n’en sommes plus à ça près. En l’état, et après ce qui avait été fait auparavant, ce nouveau Friday the 13th est une vaste blague, vite faite, peu soignée, produite en quatrième vitesse histoire de garder l’éditeur à jour dans son calendrier de sortie. Ne lui en voulons pas trop, ce titre est plus victime des conditions qu’autre chose. Mais cela reste rageant pour ceux qui se sont investi dans cette histoire et qui avait des attentes envers cette déclinaison BD de Vendredi 13.

 

 

Pour anecdote, mentionnons que c’est pratiquement l’histoire inverse qui aura lieu dans l’autre série d’Avatar Press, celle sur Jason X: c’est Brian Pulido qui va livrer un épisode Special mauvais et à la limite de l’incompréhensible tandis que Mike Wolver va faire de la mini-série un grand moment de divertissement grâce à une idée simple mais ingénieuse: une rencontre entre l’Über-Jason futuriste et sa version traditionnelle fraichement revenue à la vie ! A la manière d’un Godzilla, les deux monstres vont immédiatement se foutre sur la gueule, ne faisant pas grand cas de leur entourage. Magnifique !

 

 

 

GALERIE

 

       

       

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