Devil’s Prey (2001)

 

Devil’s Prey

(2001)

 

 

Bradford May, c’est avant tout (et à défaut d’autre chose !) le réalisateur de Darkman 2 et Darkman 3 avec Arnold Vosloo. Pas un mauvais bougre, mais quelqu’un de presque exclusivement cantonné à la télévision, entre séries, spéciaux et téléfilms, et qui n’aura eu jamais une carrière remarquable. Ses quelques productions plus légitimes ont toujours été destinées au marché vidéo, et là je parle bien de second choix. Son magnum opus c’est le super chiant Astéroïde, avec pourtant Michael Biehn, qui dure presque trois heures sans qu’il ne s’y passe grand chose. Même la chaine commanditaire aura préférée diffuser une version écourté, au grand dam du réalisateur !
Relevons quand même quelques titres intéressant dans son CV: le film de monstre géant Gargantua, qui ne doit son existence qu’au merdique Godzilla d’Emmerich mais qui demeure l’un des rares Daikaiju US de cette période (avec Kraa ! et Zarkorr !), le Mask of the Ninja avec Casper Van Dien, dont j’avais vaguement parlé il y a de cela 8 ans, et le pilote de The Burning Zone, intéressante série qui mixait X-Files avec le film de virus. Il a aussi fait Le Retour de Rick Hunter, mais ça vous pouvez totalement l’ignorer.
Bref, s’il n’est pas vraiment l’homme de la situation pour livrer un bon film, il a quand même un soupçon de potentiel et s’est suffisamment frotté aux genres qui nous intéresse pour mériter un peu d’attention. Du coup lorsqu’il s’associe avec un ancien de la Full Moon et un gars qui a bossé chez John Carpenter et Roger Corman, on se dit qu’il y a matière produire quelque chose d’intéressant !

 

 

Ainsi il met en scène ce Devil’s Prey au début des années 2000, d’après un script signé Randall Frakes et C. Courtney Joyner et profitant plus ou moins du succès (inexplicable à mon avis) des Neo Slashers. Plutôt que de miser sur l’habituel tueur masqué au couteau, le trio préfère s’intéresser à tout une secte d’assassins. Des satanistes, piégeant, traquant et capturant des teenagers afin de les sacrifier et de boire leur sang en un rituel impie qui, supposément, devrait leur apporter la vie éternelle ! Amusant, surtout lorsque chacun des membres porte une toge noire et un masque blanc durant leurs méfaits, comme si nous avions affaire à une petite armée de Ghostfaces, de Scream. Une idée qui aurait pu déboucher sur quelque chose de divertissant, plein de scènes extravagantes, et il n’y a qu’a voir sur quels films ont bossés les responsables pour en avoir l’eau à la bouche.
Frakes n’est autre que le scénariste du Hell Comes to Frogtown de Donald G. Jackson, pour lequel il a aussi pondu les complètements tarés Roller Blade et Roller Blade Warriors, avant que la série ne soit parasité par Scott Shaw. Et lorsqu’il n’écrit pas, il se fait caméraman sur New York 1997 et La Galaxie de la Terreur. Joyner, lui, peut se targuer d’avoir écrit le Prison de Renny Harlin et Class of 1999. Vieux compagnon de route de Charles Band, il a réalisé pour lui Lurking Fear et Trancers III et accoucha de plusieurs scénario dont ceux de Puppet Master III et Doctor Mordrid avant que la compagnie ne se finisse par se casser la gueule. Même là il reste fidèle, s’occupant de travaux ingrats comme le softcore Veronica 2030 et les fausses suites aux rabais que sont Trancers 6 (sans Tim Thomerson) et Puppet Master vs. Demonic Toys (renié par Band car produit indépendamment).

 

 

Du bon, du moins bon, mais surtout beaucoup de folie dans ces péloches sans grands moyens, et c’est bien le principal ! Cela permet de se faire remarquer malgré la compétition et de marquer les esprits même si le produit final n’a rien de transcendant. Bref, voilà qui est de bon augure pour Devil’s Prey, qui pourrait ainsi proposer quelque chose d’un peu plus décalé que ce que le genre dont il s’inspire, formaté, propose habituellement. Et quelque part, brièvement, très brièvement, c’est le cas avec tout ce qui touche à son satanisme en carton, ses adeptes incapables, ses messes noires qui tournent plus à la séance de bondage pour néophyte…
Malheureusement tout ceci n”est guère qu’une poignée de secondes disséminées sur tout le film, et le reste se révèle être d’une platitude effrayante. Du meublage, du remplissage constant, à l’image des productions télévisuelles du réalisateur. L’histoire n’a basiquement rien à raconter hormis quelques grandes lignes, et s’en tenir à cela ne fournirait qu’une trentaine de minutes du durée à tout casser. Voir moins. Quelques meurtres, une scène de cul, deux ou trois séquences d’action / suspense et la conclusion. Clairement les grands axes que le trio derrière Devil’s Prey a conçu comme les vrais moments de leur bébé, se retrouvant bien embêté ensuite pour les relier entre eux.
Alors ça parle, ça gueule, ça marche pendant des plombes et ça se promène à droite à gauche histoire de passer le temps. Après avoir été poursuivit pendant une partie de la nuit, trouvant enfin réconfort auprès du shérif un peu soupçonneux de leur histoire, nos héros doivent alors refaire tout leur itinéraire en sens inverse pour le convaincre, alors que la menace se terre ailleurs. Voilà 5 bonnes minutes de gagnées.

 

 

Pas vraiment étonnant avec un scénario aussi peu élaboré, multipliant les répétitions et ne proposant pas grand chose hormis les grandes lignes “folles” autour desquelles s’articule le récit. Ainsi l’histoire raconte comment une bande d’amis se rend à une rave party organisée dans un coin de campagne, après qu’un flyers leur ait été adressé anonymement. L’évènement semble légitime et le groupe y passe un bon moment, mais il s’agit d’un piège car les organisateurs sont en réalité les membres d’une secte, se nommant Les Ombres (The Shadows) et qui provoquent une fausse altercation afin de les expulser puis de les prendre en chasse aussitôt qu’ils rentrent chez eux.
Perdue au milieu de nulle part, la troupe va être victime d’un accident de voiture lorsque la rescapée d’une attaque précédente apparaît sur la route, obligeant le conducteur à faire une embardée. Tous se retrouvent alors à pieds, blessés et paniqués, devant fuir à travers la forêt tandis que leurs poursuivants organisent une véritable battue pour les retrouver. Certains sont enlevés tandis que les autres trouvent refuge dans un chalet abandonné, se faisant vite assiéger…
Mais parce qu’ils résistent un peu, ils s’échappent et rejoignent une petite ville au lever du jour, croisant le prêtre local qui vient de conclure sa messe. Un bon gars apparemment puisqu’il les amène au shérif après avoir entendu leur histoire. S’ils étaient intelligent, nos héros auraient sans doute tiré une leçon de leurs déboires à la rave et se seraient méfiés de cet endroit calme en apparence…

 

 

Mais non ! Et alors que l’homme de Loi, un peu sceptique, embarque certains d’entre eux afin de vérifier leurs dires, les autres attendent sans réaliser qu’ils sont de nouveau tombés dans un piège. S’ensuit alors la même chose qu’auparavant, les Ombres capturant une partie du groupe tandis que les autres les affrontent et tentent de fuir. Tout se termine naturellement dans l’église sataniste pour le sacrifice finale, la belle et prude héroïne devenant la demoiselle en détresse que son héroïque petit ami va essayer de délivrer.
On voit ainsi qu’entre le début de la poursuite et la conclusion dans la chapelle, les responsables ne savent pas vraiment quoi faire, rejouant plusieurs fois les mêmes idées comme les faux abris pour les protagonistes, les attaques de la secte qu’il faut repousser avec les moyens du bord, et les différents sacrifices qui servent surtout de répétition avant le grand final, tous identiques. Devil’s Prey devient bien vite prévisible et ennuyeux, ce qui est forcément accentué par la réalisation totalement plate et télévisuelle, ce qui lui fait hélas perdre quelques atouts. Car il y avait quelque chose d’intéressant dans l’idée de cette ville a priori rassurante, mais un peu trop déserte et cachant un terrible secret. Il y avait là les graines de quelque chose d’atmosphérique et de mystérieux, qui aurait pu loucher du côté de Twilight Zone.
Mais tout cela s’avère factice au sens comme au figuré, puisque le récit fait preuve de ficelles grossières pour guider ses personnages, les bloquer dans les parages et affaiblir un groupe apparaissant comme trop fort et trop nombreux pour être immédiatement neutralisé.

 

 

La seule surprise, et le seul retournement de situation du film, vient du fait que c’est l’unique protagoniste dont on est censé se méfier qui apparaît comme totalement innocent: le shérif ronchon qui ne croit pas beaucoup à ce que les jeunes lui raconte. Il lui faut beaucoup de temps pour se dire qu’il y a anguille sous roche, et il se fait abattre par l’antagoniste aussitôt qu’il s’apprête à agir ! Voilà qui secoue un peu la narration, même si cela arrive trop tard, et qui aurait sans doute fonctionné si le script avait été réécrit une ou deux fois pour être plus soigné.
Alors finalement que reste t-il d’intéressant à ce cafouilleux Devil’s Prey ? Et bien tout ce qui n’a pas besoin d’être “bon” pour fonctionner ! Le facteur “nanar” en somme, témoignant du budget minable et du peu d’importance apporté à l’ensemble mais venant sortir le spectateur de la torpeur pour l’amuser un peu. Comme la pathétique rave party où se trémoussent quelques danseuses topless aux seins barbouillés de peintures fluo, l’absence de gore ou de grosses effusions de sang pour une histoire qui en demande pourtant à profusion ou encore ces personnages agissant comme des idiots lorsqu’ils sont traqués par un gang de meurtriers: l’un arrête un véhicule de passage en espérant de trouver de l’aide, sachant pourtant très bien qu’un van est lancé à sa recherche, un autre s’envoie de l’ecstasy pour ne pas céder à la panique ! Le final, censé être un rassemblement de toute la secte pour l’ultime cérémonie, ne réuni pas plus de cinq pecnots et on se demande bien où sont passés tous les autres aperçu plus tôt dans le film…
Notons quand même un meurtre brutal qui vaut la peine d’être mentionné, avec ce type broyé sous une voiture lorsque quelqu’un retire le cric qui la soutenait.

 

 

Mais surtout c’est tout, absolument tout ce qui touche à la secte. Une bande de guignoles en toge et en masque d’Halloween portant des pendentifs de pentacle acheté à la boutique goth du coin et qui vocifèrent “Hail Satan” dans une vieille grande décorée de faux crânes cornus et de crucifix à l’envers (pas une croix, mais un véritable crucifix avec un Christ qui se retrouve tête en bas !), sous l’égide du Révérend Seth. Leur grand plan pour s’emparer d’une bande d’adolescents consiste à déguiser l’un d’eux en victime pour qu’il infiltre le groupe et influence leurs décisions. Ils placent alors l’imposteur au milieu d’une route, espérant que leurs proies l’esquivent à temps et détruisent leur voiture se faisant ! Autant dire qu’il s’en faut de peu pour la jeune sataniste échappe à la mort, celle-ci se faisant renverser en beauté !
C’est encore plus drôle lorsque, supposément pour assurer sa couverture (et de ce biais tromper le spectateur), elle repousse une attaque en tuant un agresseur. Lorsque le leader de l’assaut découvre le corps, il enrage, visiblement peu au courant du stratagème visant à mystifier nos héros. D’ailleurs pour un lieutenant avec autant responsabilités, supervisant à la fois le piège de la rave et la traque dans la forêt, celui-ci semble plutôt sceptique quant à la grande récompense que les adeptes attendent tous. C’est ses parents qui le rassurent, comme s’il n’était qu’un novice. N’y avait-il pas membre plus dévoué pour remplir ce rôle ?
Et puis la question se pose: y a t-il effectivement puissance surnaturelle dans l’univers de Devil’s Prey ? Rien n’est moins sûr puisque le rituel sera interrompu, mais cela n’empêchera pas le Révérend Seth de revenir d’entre-les-morts lors de l’épilogue… quand bien même celui-ci n’a pas pu achever la cérémonie !

 

 

Cela ne dérange visiblement pas les scénaristes qui lui permettent de survivre à l’explosion titanesque de son église, réapparaissant pour un ultime jump scare avant d’être heurté par un camion et comiquement faire un vol plané au-dessus de sa clôture où il finira sa course, empalé. Un petit côté “vampire” dans cette mise à mort, peut-être les vestiges d’une ancienne version du script, mais aussi un sacré emprunt à Massacre à la Tronçonneuse 3, puisqu’il s’agissait globalement de la mise à mort (coupée au montage) du personnage joué par Viggo Mortensen ! Dans tous les cas l’idée est grotesque, hilarante, et il faut voir la caméra s’attarder sur le sataniste qui agonise exagérément, grognant et faisant des grimaces comme s’il était possédé par le Démon…
Clairement l’un des meilleurs passages du film, au même titre que toutes les séquences dans l’église où il semble plus être question de fétiches sexuels que de croyances maléfiques ! Les sacrifiées sont ligotées en tenues sexy sur un autel, lentement scarifiées sur le ventre avant le coup final dans ce qui apparaît comme une épreuve BDSM pas spécialement meurtrière. Les filles sont bâillonnées, attachées avec des sangles gigantesques et parfois se font arracher le haut sans raison apparente. Une séquence de “dégustation” de sang montre une jolie blonde se faire légèrement entailler juste sous le nombril, tandis qu’un disciple la lèche avec gourmandise.

 

 

Quant à la Grande Prêtresse du culte, accessoirement la favorite de Seth, elle porte le doux nom de Fawn (faon) et rempli son office en guêpière. Elle et son amant versent clairement dans le bondage et le Tickling, ce qui en fait les héros du film à mes yeux. Et le duo de nous offrir un grand moment lorsqu’ils décident de céder à leurs pulsions, s’envoyer en l’air avec passion et, oserais-je le dire, presque plus respectueusement que les teenagers, qui eux s’enfilent des drogues et baisent bestialement en pleine boite de nuit.
Anecdote absurde: l’actrice jouant Fawn a clairement refusée de dévoiler son corps, gardant son soutien-gorge pour sa scène de sexe. Sans doute désespéré de ne pas avoir assez de nudité, le monteur a eu l’étrange idée de “remplacer” sa poitrine manquante par celle d’une autre actrice, sacrifiée topless dans la scène d’introduction. Seulement voilà, il recycle littéralement la séquence précédente plutôt que de tenter le body double, et du coup voilà qu’il superpose l’accouplement avec la mise à mort, comme si les deux actes étaient plus ou moins liés. C’est malin et ça fonctionne, seulement il ne faut pas être dupe: il s’agit clairement d’un bricolage destiné à épicer une scène de cul trop prude. D’ailleurs le bougre en rajoute une couche avec des cris de jouissances doublés sur la bande-son et ne venant provenant pas de l’actrice !
Totalement le genre de trucs qu’on ne trouve que dans les productions les plus “humbles”, et qui sauve généralement la mise au spectateur qui, sans ça, en serait pour un bien triste spectacle. Aussi limité et répétitif que soit Devil’s Prey, il est immédiatement pardonné par ces petits mais remarquables excès, même si d’aucuns diront qu’il aurait en faire plus. Beaucoup plus.

 

 

Concluons avec le casting et l’improbable Charlie O’Connell tout d’abord dans le premier rôle, même s’il semble moins présent à l’écran que ses partenaires. Frère du plus connu Jerry O’Connell, il a quand même sa petite carrière dans le genre qui nous intéresse avec notamment 2-Headed Shark Attack, Kraken: Tentacles of the Deep pour Nu Image, le Unlucky Charms de la Full Moon et, euh, Eh Mec, elle Est où ma Caisse ? A ses côtés la bimbo Jennifer Lyons que l’on a pu voir dans l’horrible Killer Pad de Robert Englund, Jack Frost 2 et Return of the Killer Shrews. Bien plus mignonnes, ses partenaires Ashley Jones (l’héroïne) et Elena Lyons (Fawn, aucun liens avec Jenny mais vu dans Club Dread et Xtinction: Predator X) valent presque la vision du film grâce aux tenues sexy dans lesquelles elles déambulent. Presque.
Plus fou, le Révérend Seth est joué par Patrick Bergin, un sacré vétéran qui jouait l’autre Robin des Bois de 1991 (pas le Prince des Voleurs mais le moustachu), remplaçait Pierce Brosnan pour Le Cobaye 2 et a traversé pas mal de série B de différentes époques, du délirant Highway to Hell (1991) au CGI-esque Beneath Lock Ness.
Mais bien sûr celui qu’il ne faut pas oublier c’est le seul et l’unique Tim Thomerson, l’éternel badass qui joue ici un shérif qui n’a même pas le temps de dégainer. Honteux, mais même un Thomerson en petite forme et qui n’a rien à faire surpasse généralement la totalité du casting. Pour la forme, j’aurai presque envie de citer Souviens-toi… L’Été Dernier à leurs côtés, tant Devil’s Prey lui emprunte (de l’accidenté de la route au début à la conclusion, montrant l’héroïne avoir – peut-être ? – des visions), mais ce serait donner beaucoup trop de crédits à Kevin Williamson, et ça c’est quelque chose que je ne suis pas prêt à faire. Jamais.

 

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