Demons 2 (1986)

 

Demons 2

(1986)

 

 

L’affaire Démons 2 se rapproche de celle du Retour des Morts-Vivants II. Dans les deux cas, le premier opus s’achève sur une note dantesque qui ne laisse pas vraiment matière à une suite, à moins que celle-ci ne soit une œuvre post-apocalyptique se déroulant dans un monde dominé par des créatures infernales, avec une poignée de survivants tâchant de rester en vie. Dans les deux cas ces séquelles ne s’orientent pas dans cette direction (seul George Romero va traiter le sujet via Le Jour des Morts-Vivants et Land of the Dead) et s’apparentent plus comme un remake de l’original qu’une continuation directe de celui-ci. Un point de départ forcément décevant face à ce que promettait l’idée de poursuivre l’histoire et qui modère un brin l’enthousiasme du spectateur à la vision du film. Pourtant contrairement au Retour des Morts-Vivants II qui détruit son concept en usant d’un humour parodique franchement lourd et malvenu, Démons 2 conserve la même atmosphère que son prédécesseur et se révèle tout aussi efficace que celui-ci, malgré une certaine sobriété dans le déroulement de son intrigue.

 

 

Démons 2 débute par une étrange voix off nous rappelant que le monde fut déjà envahi une fois par les démons, après les évènements de l’original, et que leur existence est reconnue malgré certains sceptiques. Pourtant l’histoire nous présente un monde contemporain et sans aucune connaissance de ces faits, et les seuls démons que nous rencontrons à travers cet univers avant qu’il ne bascule dans le Fantastique sont ceux d’un film d’horreur banal diffusé à la télévision. Un principe de narration extrêmement confus qui laisse à supposer que les scénaristes ne savaient pas vraiment eux-mêmes quoi faire de l’héritage du premier Démons à travers cette séquelle, mais ce concept est en fait une amusante mise en abîme, bien plus poussée que celle du premier opus. Quel dommage cependant que celle-ci soit un simple élément prétexte à une réorchestration des évènements de Démons

 

 

Ainsi Démons 2 nous présente les différents habitants d’un imposant building de centre-ville (judicieusement nommé “The Tower”), chacun vaquant à leurs occupations tandis qu’à la télévision est diffusé un étrange film d’épouvante. Celui-ci narre l’intrusion d’un petit groupe d’amis dans une citée abandonnée et interdite à la suite d’une invasions de démons. Ils découvrent le cadavre d’une créature, laquelle revient à la vie lorsqu’une des filles, blessée à la main, fait goutter son sang dessus. Sally, une adolescente qui fête son anniversaire, semble tout particulièrement fascinée par la diffusion et se retrouve seule dans une pièce durant cette scène. Le démon se tourne alors vers elle et passe à travers l’écran pour surgir dans la réalité, attaquant la jeune fille. L’instant d’après, elle retrouve ses invités et se transforme en démon sous leurs yeux avant de les agresser. C’est le début d’une invasion qui va se répandre à travers tout le building, lequel semble être coupé du reste du monde…

 

 

Comme le laisse augurer un tel scénario, Démons 2 reprend les grandes lignes du premier opus et les transposent simplement dans un lieu différent, recyclant à l’occasion certaines séquences: on y retrouve la célèbre citation (“Il feront des cimetières leurs cathédrales et des tombes leur cités.”), les punks en voiture font leur retour comme éléments extérieurs, un possédé donne naissance à un véritable démon qui s’échappe de son corps, l’apparition finale d’une étrange station de télévision renvoie directement à la salle de cinéma, et tout une image du film original est ici reprise (les démons apparaissant en contre-jour dans un grand couloir vide, illustré par l’affiche de Démons). La structure même demeure semblable: le lieu principal devient un huis-clos d’où personne ne peut s’évader, des interludes extérieurs avec les punks, le massacre des survivants dans le parking rappel celui dans les gradins et un couple de héros parvient à s’évader. On retrouve certains types de personnages semblables (deux amoureux isolés qui vont mal finir, le Noir qui s’impose en leader) et jusqu’aux acteurs, puisque reviennent Lino Salemme, le chef punks qui devient ici un gardien d’immeuble, et Bobby Rhodes, mémorable maque ici reconvertit en un hilarant prof de musculation, qui va là encore diriger les opérations dans les rangs humains. Les effets spéciaux de Sergio Stivaletti, eux, n’ont subi aucun changement, ce qui accentue l’impression de redite.

 

 

Et bien entendu demeure le principe du film dans le film, bien qu’ici simple prétexte pour démarrer les hostilités et qui disparaît totalement du métrage avant une ultime utilisation dans le final. Démons 2 semble d’ailleurs assez flou quant à son origine: s’agit-il d’un métrage horrifique ou d’un documentaire, comme pourrait le laisser sous-entendre cette voix off constante ? En fait, il semble qu’il s’agisse d’un autre Démons 2, véritable suite du premier film que l’on connaît: il est fait état d’un début d’invasion du monde par les créatures, très probablement celle entrevue à la fin de Démons, laquelle fut enrayée par les humains ayant appris à se battre. La ville par où a débuté la contamination a ainsi été isolée par la construction d’un grand mur tout autour d’elle, et la zone est désormais interdite d’accès (la version anglaise par de “forbidden city”, ville interdite). Il apparaît évident que ce métrage est la continuation du premier Démons, le Démons 2 que nous voyons n’ayant en fait aucun lien direct avec celui-ci ! Une très intéressante mise en abîme un peu plus élaborée que celle aperçue dans le précédent film.

 

 

Lamberto Bava n’oublie pas de jouer avec les codes du film d’horreur pour autant, ouvrant le métrage sur l’apparition d’une étrange silhouette boiteuse et un couteau enduit de liquide rouge qui s’avère en fait être un cuisinier préparant un gâteau d’anniversaire. Son film évoque quelques classiques du genre, une manière de poursuivre le délire bordélique de Démons premier du nom: du sang acide va traverser tout l’immeuble tel le Nostromo dans Alien, la convention voulant que les enfants survivent n’est ici pas respectée et c’est un démon miniature qui va faire son apparition, lequel va contre toute attente engendrer un espèce de petit Ghoulie teigneux qui va se faire violemment trucider au parapluie (rappelons que Gremlins est sortit peu de temps auparavant) et un brave chien se métamorphose sauvagement pour se retourner contre sa propriétaire (un nouvel écho au meurtre de l’aveugle de Suspiria, déjà effectué dans Démons).

 

 

Démons 2 s’avère pourtant particulièrement décevant à ce niveau. Là où l’original allait à toute allure pour sombrer dans un grand n’importe quoi final (des démons tués au katana en moto-cross, un hélicoptère détruisant le cinéma, la fin du monde), ce second opus reste particulièrement calme et prévisible dans sa procession: hormis quelques idées amusantes qui ne sont pas toujours réutilisées (que devient le chien ?), le film est bien trop linéaire et ne fait preuve d’aucune originalité, d’aucune surprise. Se perdant dans une trop grande diversité de protagonistes, Démons 2 casse son rythme en fonctionnant par épisodes, dévoilant successivement les mésaventures de chacun. Pire, le film fait preuve de graves lacunes scénaristiques qui ont de quoi laisser perplexe ! Car si l’on avait pas le temps de s’appesantir sur les éventuelles incohérences de Démons, celles-ci sautent immédiatement aux yeux du spectateur: les personnages des punks ne servent ici a rien puisque le film va subitement les oublier en cours de route ! Si leur présence semble justifiée à la base pour reprendre une idée du film original, leur disparition du film après un crash en voiture laisse à penser que le scénario original a été retouché. Et en ce sens l’épilogue semble particulièrement artificiel et presque incohérent pour un tel film. Celui-ci a d’ailleurs effectivement été changé à la dernière minute, l’héroïne enceinte devant à l’origine accoucher d’un bébé démon (qui fut même construit en prévision du tournage de la scène, mais jamais utilisé), clôturant le film sur une note bien sombre. La mise en scène elle-même abonde dans ce sens jusqu’au dernier moment, une fin heureuse remplaçant le dénouement prévu pour la plus grande stupéfaction. Un malus incontestable qui plombe littéralement le film, trop sage face à son aîné. Des défauts qui font perdre à Démons 2 de son efficacité, mais aussi de son ambiance. La musique hard-rock parfaitement choisie pour le premier opus est ici totalement remplacée par de la New Wave anglaise (The Smiths, The Cult) pas des plus appropriés.

 

 

Qu’on se rassure cependant: Démons 2, bien qu’inférieur à son grand frère, n’en est pas mauvais pour autant. Le film est techniquement plus abouti et présente les mêmes qualités que Démons. On peut citer une violence graphique bien présente, des démons qui ont toujours autant la pêche et un suspense très bien géré (le petit garçon livré à lui-même). Si le choix des musiques est une catastrophe quelques perles surnagent (Fields of the Nephilim et Dead Can Dance !) et le score de Simon Boswell fonctionne à merveille (sa musique franchement hypnotique pour la fiction dans la fiction est excellente). Bobby Rhodes en fait des caisses pour notre plus grand plaisir (à ne pas manquer sa mort particulièrement douloureuse, un démon lui agrippant les testicules) et le potentiel nanar rehausse l’intérêt. Comment ne pas sourire devant la fuite de ses haltérophiles surgonflés lorsque la salle de gym est prise d’assaut, ou lorsque le héros semble se mettre en tête d’imiter Clark Kent en retirant ses lunettes d’un geste assuré toutes les deux minutes avant de se transformer en John McClane du pauvre ! Si on peut trouver en Démons 2 une reprise du Frissons de David Cronenberg (même immeuble, même histoire), force est de reconnaître que c’est à Piège de Cristal que l’on pense, témoin cette scène où le personnage principal, en marcel blanc, entame une descente en rappel de l’immeuble depuis le toit ! Et pourtant le film de John McTiernan ne va voir le jour qu’en 1988, soit deux ans plus tard…

 

 

Démons 2 peut décevoir et paraître bien fade face à un premier volet pour le moins explosif, mais il reste un film très sympathique au demeurant, conservant le même esprit et le même esthétisme. Ce n’est pas un hasard puisque l’on retrouve la même équipe que l’original à la barre: Dario Argento en producteur, Lamberto Bava à la réalisation, mais aussi Franco Ferrini et Dardano Sacchetti au scénario et Sergio Stivaletti aux effets spéciaux. Simon Boswell (Hardware) succède parfaitement à Claudio Simonetti et la présence de Bobby Rhodes est forcément un plus. Et si Démons montrait Fiore Argento, la fille de Dario, dans un petit rôle, Démons 2, lui, signe la toute première apparition (ou presque) de son autre fille Asia, futur célébrité en devenir. Quant à Carolina Cataldi-Tassoni, qui joue ici Sally, le principal démon du film, elle va poursuivre sa collaboration avec Dario Argento un an plus tard dans son Terreur à l’Opéra, où elle va jouer l’une des victimes du tueur.

 

 

Un troisième volet semble tout indiqué et un scénario a même été écrit, mais le film ne va malheureusement pas voir le jour. Un Démons 3 qui, selon Lamberto Bava, aurait probablement vu ses créatures surgir de journaux. Une histoire assez compliquée car Démons 3 serait également l’histoire originale du Sanctuaire de Michele Soavi avant que le script ne soit modifié pour donner le film que l’on connaît. Dans tous les cas, Démons 3 n’existe pas en tant que tel, même si le nom est parfois utilisé pour titrer des films qui n’ont absolument aucun rapport avec la série. Une constante dans le cinéma italien, notamment avec la franchise des Zombi (une fausse suite au film de George Romero puis une série de films de morts-vivants n’ayant aucun rapport entre eux) ou encore La Casa (titre italien des deux premiers Evil Dead puis de La Maison du Cauchemar de Umberto Lenzi et du tout premier Witchcraft). Ainsi derrière les films se nommant Demons 3 se cachent le fameux Sanctuaire ou bien encore le Black Demons de Umberto Lenzi et le The Ogre de Lamberto Bava ! Et comme si tout cela n’était pas assez compliqué, ce titrage abusif s’étend jusqu’à un Demons 4 (La Secte de Michele Soavi), Demons 5 (Le Masque de Satan de Lamberto Bava) et Demons 6 (Il Gatto Nero de Luigi Cozzi). Autant de films qui n’ont absolument rien à voir avec les productions de Dario Argento.

 

 

 

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