Death Race 2000 (1975)

 

Death Race 2000
(1975)

 

 

Roger Corman, que l’on ne présente plus, s’est très souvent montré peu original quant aux sujets de ses productions, livrant souvent des films faisant échos aux derniers succès du moment pour en tirer profit rapidement (Piranha pour Les Dents de la Mer, La Galaxie de la Terreur pour Alien, etc). Des produits de qualités pour certains, mais généralement à la base de simples série B sans ambitions et souffrants d’un manque conséquent de budget, de par la légendaire avarice du père Corman. Death Race 2000 est l’un des rares qui marquent l’exception, cumulant l’originalité la plus totale (encore que la même année, Rollerball parlait déjà d’un monde futur fasciné par un sport ultra-violent), une réalisation soignée et un scénario mêlant humour et discours subversif bienvenu.

 

   

   

 

L’histoire se déroule dans le futur (en l’an 2000 donc) aux États-Unis. Une Amérique fasciste où le Président se prend pour Dieu et où tous les ans est organisé un sport extrême, la Transcontinental Road Race, une course automobile où les pilotes doivent traverser les États-Unis de New York à New Los Angeles. Plus qu’une simple course, les participants ne doivent pas uniquement arriver à destination: ils doivent également marquer le plus de points possibles en écrasant les piétons qu’ils croisent ! Un barème très particulier est d’ailleurs mis en place (les enfants valent un énorme bonus et les personnes âgés offrent le plus de points) et des groupies n’hésitent pas à offrir leur vie à leur champion pour leur permettre de gagner. Alors que Calamity Jane Kelly, “Machine Gun” Joe Viterbo, Ray “Nero the Hero” Loningan et sa copilote Cleopatra, Mathilda l’Aryenne de Milwaukee et “son sympathique navigateur nazi” Herman “The German Fox”, et enfin le héros national Frankenstein, qui a survécu à tout une série de crashes meurtriers lors des saisons précédentes, se lancent dans cette violente traversée du pays, un groupuscule de Résistants décidés à ramener les vrais valeurs des États-Unis d’Amérique passe à l’action en piégeant la course pour les éliminer…

 

 

Une histoire complètement délirante, à l’origine un script sérieux de Robert Thom (d’après la nouvelle The Racer d’Ib Melchior, scénariste de quelques films de SF comme The Angry Red Planet, Reptilicus ou d’épisodes de la série Au-Delà du Réel) que Paul Bartel et Charles B. Griffith retravaillent pour injecter une grande dose d’humour ainsi qu’une légère satire sociale, au grand dam d’un Roger Corman très pingre qui voit le budget augmenter sans cesse, en particulier en raison de la customisation des véhicules. Coup de chance, il laissa faire à condition de respecter le cahier des charges: du sexe et de la violence. Pour ce qui est de la violence, elle s’intègre parfaitement à l’histoire et nous avons droit à de très bref mais jouissifs plans gores (empalements, geysers de sang sous les roues, membres arrachés, tête qui explose sous des roues…) mais pour ce qui est de l’érotisme, celui-ci apparaît plus qu’inutile, visible uniquement quand Frankenstein couche avec sa copilote et lors d’une scène de “détente” des pilotes dans un salon de massage (plans de nudité gratuits et sans aucun intérêt).

 

 

Les concessions faites, Bartel livre son film sans véritable restriction et tout l’humour noir et le politiquement incorrect souhaités y sont présents. La pilote nazie percute ses cibles en levant le poing au ciel et en criant “blitzkrieg” tandis qu’on joue à la corrida avec la Stud Bull de Calamity Jane ; “Machine Gun” Joe écrase sa propre équipe technique ayant eu le malheur de s’être moqué de lui dans son dos, tandis qu’une scène mémorable nous montre la journée de l’euthanasie pratiquée par le “Mercy Hospital” du coin, où les infirmières placent les grabataires sur la route. Et pendant ce temps, l’Armée de la Résistance multiplie ses actes tandis que le gouvernement actuel les fait passer pour des terroristes français (“Surveillez vos crêpes Suzette” conseille alors Frankenstein à la copilote de “Machine Gun” Joe). Quant à l’émission qui diffuse la course, elle se permet de récompenser la veuve de la première victime du jeu en lui offrant un superbe appartement !

 

 

Se lâchant complètement, Bartel ponctue son film de dialogues amusants (les répliques que se lancent les pilotes sont tordantes) et cyniques, notamment par le biais d’un Frankenstein désabusé qui se révèle être très différent du mystérieux héros national immortel qu’il est censé représenter. Le ton du film est bien à la satire de la société, au point que Corman demande à ce qu’on change un léger détail vers la fin du métrage: le journaliste assoiffé de violence et pestant contre la nouvelle ère de paix n’est plus écrasé par Frankenstein, alors le nouveau Président des États-Unis, lequel se contente de le faire interpeller par des agents. Un changement heureusement absent du montage officiel du film qui se conclu bien dans un dernier élan d’humour noir, tandis qu’en fond sonore, lors du générique de fin, un journaliste nous explique comment le concept du meurtre fut inventé par l’Homme avant même que celui-ci n’apprenne à penser !

 

 

Associant la forme au fond, le réalisateur opte pour un esthétisme flashy et donne à Death Race 2000 une ambiance très “pop” héritée des années 60. Ainsi le look futuriste des États-Unis possède un aspect rococo des plus ridicules, que ce soit le porte-parole du Président, sorte de sénateur romain habillé en prêtre, la garde-robe très glamour des journalistes ou encore l’extravagance des pilotes et de leur groupies. Frankenstein, par exemple, semble tout droit sorti du Diabolik de Mario Bava, tandis que Nero the Hero et Cleopatra paraissent provenir d’un péplum clinquant…

 

 

Très bon metteur en scène, Bartel n’oubli pas non plus qu’il doit tourner avant tout des courses-poursuites qui se veulent spectaculaire, et de ce côté le spectateur est servi ! La caméra filme en plan large, suit les bolides au plus près de la route et utilise tous les angles possibles. La sensation de vitesse s’en retrouve largement décuplée (sauf en de très rares exceptions où les scènes sont artificiellement accélérées) et le rendu final est dix fois plus convaincant que n’importe quel Fast & Furious. Les explosions sont fréquentes, les voitures font d’impressionnants plongeons dans le vide et un avion volant en rase-motte vient poursuivre Frankenstein à travers le désert ! Du très bon travail qui prouve que Death Race 2000 montre bel et bien ce que l’on s’attend à voir en matière de voiture.

 

 

Au niveau du casting, on est ravi de retrouver le très sympathique David Carradine (alors tout jeunot et avec des cheveux courts !) dans le rôle de Frankenstein, tandis que “Machine Gun” Joe est interprété par un Sylvester Stallone alors encore inconnu mais tout simplement hilarant avec sa composition de pilote aigris à cravate rose (on ne soulignera jamais assez le potentiel de l’ami Sly dans le registre de la comédie). Le rôle de Calamity Jane Kelly échoue à Mary Woronov, l’égérie de Bartel que l’on retrouve dans Cannonball et Eating Raoul, ses deux prochains films, et on a droit à un caméo du réalisateur John Landis (le clip Thriller de Michael Jackson, Les Blues Brothers, Le Loup-Garou de Londres) dans le rôle d’un mécanicien, ainsi que de Bartel lui-même dans celui d’un médecin.

 

 

Avec sa provocation sympathique, son côté comics/jeux vidéos et ses idées complètements folles (on se souviendra de la hand grenade qui porte particulièrement bien son nom), Death Race 2000 est assurément l’une des meilleures productions Corman et un spectacle des plus divertissant. Fidèle à lui-même, Corman va vainement tenter de profiter du succès du film un an plus tard en produisant Deathsport (chez nous parfois sous le titre des Gladiateurs de l’An 3000), toujours avec David Carradine, en le vendant comme une pseudo-suite au film de Bartel, ce qu’il n’est évidemment pas.

 

 

Et pour boucler la boucle, si le scénario de Death Race 2000 semble tout droit tiré d’un jeu vidéo, il faut savoir que ce n’est pas le cas mais que cependant un an plus tard, le jeu vidéo Death Race 2000 va voir le jour (sur l’une des toutes premières consoles de jeu, la Odyssey) et qu’il inspirera aussi la série des jouissifs Carmageddon, dont le sous-titre du troisième opus est justement TDR 2000 (The Death Race 2000), comme pour bien marquer l’influence.

 

 

 

   

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