To Hell and Back: The Kane Hodder Story (2017)

 

To Hell and Back: The Kane Hodder Story

(2017)

 

 

En 2011, Kane Hodder s’associe avec l’auteur Michael Aloisi pour écrire son autobiographie. Ensemble ils accouchent de Unmasked: The Story of the World’s Most Prolific Cinematic Killer, un livre finalement très différent de ce que l’on pourrait en attendre. Car plutôt que de s’attarder sur la filmographie du cascadeur, de ses débuts dans la profession à son engagement dans le rôle de Jason Voorhees, avec ce que cela signifie en anecdotes sur sa filmographie et ses collègues du milieu horrifique, l’ouvrage préfère se concentrer sur un épisode très particulier de la vie de son sujet: celui où il fut victime de brûlures terribles suite à un numéro raté, de l’horreur de l’accident à sa longue et douloureuse hospitalisation. Si vous aviez toujours voulu savoir pourquoi Kane Hodder avait une peau en mauvaise état au niveau du cou et des bras, vous serez servi !
Le bouquin s’est plutôt bien vendu au point que les responsables se retrouvèrent très vite pour en écrire un autre, The Killer & I, qui parle surtout de la relation qui s’est installé entre les deux hommes pendant et après la biographie, avec pas mal de références sur la tournée promotionnelle durant les conventions. Environ six ans plus tard (sept du fait que la chose ne sort que maintenant), To Hell and Back: The Kane Hodder Story l’adapte sous la forme d’un documentaire – une longue interview de Kane entrecoupée de propos de ses amis, collègues, fans et famille. Comme pour Unmasked en son temps, le film en surprendra plus d’un dans cette décision de raconter son aventure humaine plutôt que les moments décisifs de sa carrière, mais celle-ci est si captivante que personne ne trouvera rien à en redire.

 

 

Partageant la même structure chaotique que son modèle, à savoir une absence de véritable chronologie (les faits et périodes sont évoqués dans le désordre), la rétrospective s’intéresse avant tout à la jeunesse du personnage et ses expériences difficiles avant qu’il ne gagne sa réputation. En guise de prologue nous découvrons un enfant introverti issu d’une famille modeste, qui bien vite fut pris pour cible par les gamins du quartier. Le fameux harcèlement scolaire dont beaucoup son victime durant leur jeunesse. Au moins cela fini bien puisque après beaucoup d’abus (dont une serviette pleine de vomi jeté au visage), Kane se rebiffera et collera son poing dans la tronche d’un de ses tortionnaires. Son adolescence est à peine évoquée mais dresse le portrait d’un jeune un peu paumé qui n’hésite pas à se percher sur le dernier balcon d’un gratte-ciel afin d’effrayer ses copains, et qui abandonnera vite ses études pour le cinéma après avoir fait un peu de figuration. Même son coup de foudre pour le métier de cascadeur est éludé, si ce n’est pour sa découverte durant une visite au parc d’Universal Studios Hollywood.
Le but semble surtout de nous amener à cette terrible journée où, âgé de vingt-deux ans et désespéré de faire ses preuves, il se risque à s’enflammer entièrement. De par son inexpérience, le manque de sécurité et un produit combustible bien plus fort que prévu, Kane Hodder va ainsi être victime de lourdes brûlures qui lui vaudront des mois d’hospitalisation. Naturellement le document n’est pas avare en détail et la victime va raconter les différentes sensations de douleur  qu’il a ressenti, la réaction des gens l’entourant à ce moment là ainsi que nombre d’incidents l’ayant traumatisé à vie.

 

 

Que cela soit la réaction d’une petite fille l’apercevant, lorsqu’il se réfugie chez quelqu’un en attendant l’ambulance, à l’épisode de stress post-traumatique vécu par son père lorsqu’il lui rendra visite (vétéran du Vietnam, l’odeur de la chair brûlé l’obligera à fuir la chambre car lui rappelant de tristes souvenirs), et jusqu’à l’ordre donné par celui-ci aux médecins de ne pas donner à son fils d’anti-douleur ! Pourquoi ? Parce qu’il a vu trop de frères d’arme devenir dépendant à la morphine et qu’il ne voulait pas de cela pour son fils ! Le pire étant qu’aucun docteur n’aura tenter de lui expliquer que ces médicaments sont nécessaire dans le cas présent: Kane Hodder dû supporter la souffrance sans la moindre drogue pour l’atténuer !
Mais le pire reste à venir avec la longue rémission, l’équipe médicale incapable qui enchaine erreur sur erreur (aucun isolement, aucune unité spécialisée, et leur patient finira par se récupérer une dangereuse infection faute d’un environnement stérile) et des traitements qui semblent parfois inhumain. Impossible de ne pas frissonner en l’écoutant parler de la façon dont les soignants durent brosser sa chair à vif afin de retirer les peaux mortes, alors qu’il ne pouvait même pas supporter la moindre vibration près de son corps… On ne peut que gagner du respect pour le bonhomme tant ce qu’il a enduré dépasse l’entendement, et le titre du film (To Hell and Back, être en Enfer et en revenir) prend subitement tout son sens plutôt que d’être juste un rappel à Jason Goes to Hell. Et ça n’en fini pas, entre la dépression qui s’ensuit, les pensées suicidaires, la peur du corps scarifié à vie et la dépendance envers les autres pour les besoins les plus simples…

 

 

Là où le film va un peu trop loin c’est en essayant de dramatiser tout cela, comme si ce n’était pas suffisant: outre une musique triste et un retour sur les lieux par Kane qui va remercier à sa manière le médecin qui lui a sauvé la vie (“You save my life, and don’t try and be fucking humble about it, please.”), on peut le voir verser quelques larmes ici et là – et autant je n’ai rien à redire sur la sincérité de ces pleurs lorsqu’il se retrouve dans l’unité de soin, autant celles qui sont versées en pleine interview, où il n’y a que lui et la caméra, sonnent fausses. Sans pour autant diminuer la dimension tragique de l’information qu’il donne à ce moment là, on se croirait subitement dans un segment de télé réalité, le casse-cou allant jusqu’à demander d’interrompre l’enregistrement le temps qu’il se remette.
D’un autre côté cela nous permet d’enchainer sur l’autre gros morceau du film, qui est l’évolution de sa carrière vers le métier d’acteur. De petit acteur, entendons-nous bien, mais il est indéniable que celui qui n’a commencé qu’en tant que doublure a fini par devenir un comédien à travers divers films, passant de petites apparitions à des rôles secondaires puis principaux au fil des ans. Cela commence évidemment avec son interprétation de Jason, a qui il a offert une certaine gestuelle si reconnaissable (le mouvement des épaules durant la respiration ou lorsqu’il bouge), et de Victor Crowley, mais sont évoqués bien des petits films méconnus où il donne beaucoup de lui: la parodie de sitcoms Holliston, ses rôles de Ed Gein et BTK dans de petits DTV, ou encore le récent Death House de Gunnar Hansen où il a effectivement l’air très impressionnant.

 

 

Au passage on évoque l’étrange détour que fut Monster, film oscarisé de Patty Jenkins où il obtint un tout petit rôle à force d’être présent jour après jour sur le tournage. Hodder s’amuse à faire remarquer que la raison pour cela était simplement sa fascination pour Charlize Theron et son jeu incroyable, qui a réveillé en lui la volonté de faire autre chose que le simple monstre caché derrière un masque. L’occasion lui fut donnée dans les Hatchet où, outre le meurtrier fantôme, il incarne également le père de Crowley à travers des flashbacks révélant les origines du personnage. Et je dois avouer que, de la série, c’est justement ce que j’ai retenu le plus. L’émotion sincère qu’il dégage durant ces scènes apporte un véritable sentiment de tragédie dans ces films qui sont finalement plus des farces grotesques qu’autre chose. Pas de langue de bois à ce propos donc, il faut sincèrement reconnaitre son talent, surtout en considérant qu’il n’a reçu aucune formation.
Du reste il y a évidemment une volonté de dresser un joli portrait de Kane et plusieurs intervenants viennent dire quelques mots gentils. A commencer par Aloisi et Adam Green, qui avait écrit l’introduction de Unmasked. Défilent Robert Englund, Bruce Campbell, John Carl Buechler, Sid Haig, Bill Moseley, Danielle Harris ou encore Sean Cunningham. Cassandra Peterson, alias Elvira, est particulièrement notable pour évoquer ses propres brûlures, reçu lorsqu’elle était gamine, avant d’expliquer que c’est justement ce qui lui a permis de se lier d’amitié avec lui. D’autres têtes reconnaissables apparaissent pour quelques secondes même s’ils n’ont pas grand chose à dire: Zach Galligan, Felissa Rose, Tate Steinsiek…

 

 

En toute honnêteté, bien qu’appréciables, ces apparitions ne servent pas à grand chose si ce n’est à appâter le public-cible qui sont les membres de la communauté horrifique. Il n’y a pas grand rapport avec le sujet précédemment traité, mais il était impossible d’éviter cette partie de la vie de Kane Hodder et s’intercalent ainsi des séquences de fan service qui correspondent à ce que l’on s’imaginait être le documentaire avant de le voir. Robert Englund mentionne leur étrange relation du fait des personnages de Freddy et Jason, et les deux apparaissent presque comme les Arnold Schwarzenegger et Sylvester Stallone de l’horreur, avec cette fausse rivalité fabriquée par les films alors qu’ils font simplement le même boulot. Belle surprise d’ailleurs de voir Fear Clinic être mentionné, web-série méconnue mais très sympathique où ils étaient réunis. L’affaire Freddy vs. Jason revient sur le plat et on peut voir a quel point cela fut un coup dur pour le cascadeur, surtout qu’il n’a jamais réellement su pourquoi il fut remplacé. Les fans prennent ensuite la parole pour évoquer leurs séquences préférées, comme le fameux meurtre au sac de couchage, ou parler de leurs tatouages – et au passage on confirme qu’il y va un peu trop fort lorsqu’il s’agit de faire semblant d’étrangler les gens lors des sessions photos !
Ancien Jason lui-même très respecté, Ted White apparait carrément juste pour confirmer que Kane est le meilleur Jason. Plus intéressante est l’anecdote où il aurait été contacté pour jouer le rôle de Freddy bien avant Englund, à une époque où Craven considérait engager quelqu’un avec de réelles cicatrices de brûlure.

 

 

Tout cela est bien beau, mais au final on aurait presque préféré que le documentaire se concentre sur son idée de base et creuse un peu plus certaines choses, notamment le traumatisme lié aux brûlures qui le força à consulter nombre de thérapeutes (dont celle qui deviendra sa femme !) et à couper les ponts avec sa famille après la mort de sa mère. On le voit également parler à des patients en soins intensives afin de les aider à traverser cette épreuve, car c’est justement ce qui lui a permis de tenir lorsqu’il était au plus bas. Le livre, évidemment, est bien plus complet à ce propos. Plus descriptif également dans les blessures et la douleur. Et To Hell and Back souffre finalement de n’être qu’une adaptation mineure d’un ouvrage plus conséquent. Malgré sa longue durée, il ignore beaucoup de choses importantes, comme la façon dont Kane est officiellement rentré dans le métier de cascadeur, comment il a fini par grimper les échelons pour devenir coordinateur, donc responsable de toute une équipe ainsi que des acteurs… D’autant plus dommage quand on voit que beaucoup témoigne de son professionnalisme.
Le film apparait comme perfectible sur bien des aspects, sur le fond mais aussi sur la forme. Car il ne s’agit pas d’une grosse production et l’essentielle des images montre les intervenants simplement assis sur une chaise, certain ayant  été interpellé entre deux apparitions en convention. Quelques visuels dévoilent le principal intéressé revenir sur tel ou tel lieu de son passé sans grande inspiration, et même la qualité vidéo de certains extraits diffusés laisse perplexe, les présentant en basse définition, ce qui tranche avec la qualité digitale du reste du film. D’autant plus bizarre que la plupart de ces œuvres sont disponibles en Blu-ray.

 

 

Au moins le monteur tente d’amuser la galerie, comme lorsqu’il montre l’acteur faire semblant d’étrangler un bébé alors qu’il est justement question de sa manière plutôt brutale de jouer avec les fans, où quand débarquent des photos de famille (il pose avec ses fils aux côtés d’un Doug Bradley en costume complet de Pinhead). Et bénie soit Felissa Rose d’être aussi drôle: lorsque défile le générique de fin et que les invités se voient demander de quelle façon ils aimeraient être tué par Kane Hodder, celle-ci hésite puis éclate de rire. “It was sexual” déclare t-elle sans oser révéler à quoi elle pensait !
Mais au fond qu’importe que To Hell and Back: The Kane Hodder Story ressemble à une featurette pour un DTV Lionsgate trouvé sur Youtube. Son contenu est tellement intéressant que l’on boit les paroles de Kane Hodder et que l’on se moque finalement pas mal que ce documentaire s’intéresse à ses malheurs plutôt qu’à sa réussite dans le milieu de la série B. Ceux qui voudront en savoir plus pourront se jeter sur Unmasked tandis que les autres se contenteront de cette exploration inattendue de la vie d’un homme qui revient de très loin.

 

 

 

   

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