Ooga Booga (2013)

 

Ooga Booga

(2013)

 

Erf…
Je savais que le film serait mauvais. Simplement je ne savais pas à quel point il serait mauvais. Et ça me peine de dire ça car j’aime les productions Full Moon en général et que je veux continuer à soutenir Charles Band pour ses idées délirantes. Même si ses méthodes et les dires de ses collaborateurs ont fini par me le révéler comme étant bien moins sympathique que je ne l’aurais cru…
Mais soyons francs, la compagnie fonctionne maintenant tellement sur l’économie, avec pour seul objectif de vendre des produits dérivés, que les films sont pour la plupart de véritables abominations. Certains se plaignaient sûrement à l’époque de Dollman vs. Demonic Toys ou de Puppet Master 5, mais ces productions restaient corrects, regardables, et surtout elles ressemblaient encore à des films. Maintenant à part quelques petites surprises (les deux derniers Killjoy notamment) il est désormais une certitude que chaque nouvelle sortie soit une déception et/ou une purge: Evil Bong 3, Demonic Toys 2, The Dead Want Women, les derniers Puppet Master… La liste est longue et ce Full Moon No. 260 en fait partie.

 

 

Le film est écrit d’après une histoire de Charles Band et réalisé par ce dernier, ce qui est déjà l’une des pires choses qu’il puisse arriver tant le bonhomme se contente du minimum. Le but avoué étant de présenter encore de nouveaux jouets, on peut déclarer sans l’ombre d’un doute que ce Ooga Booga n’est qu’une grande pub d’1h30 destinée à appâter l’acheteur. Le problème c’est que s’il y avait encore un intérêt dans l’acquisition de poupées à l’effigie de Puppet Master, du fait qu’elles évoquent quelques bons films, il n’y en a aucun pour celle d’Ooga Booga.
Ce n’est un secret pour personne, la figurine n’est qu’une représentation caricaturale (et donc raciste) des “petits sauvages”. Un guerrier tribal africain avec un os dans le nez. Bien sûr il s’agit très certainement d’une parodie de la célèbre poupée Zuni qui pourchassait l’actrice Karen Black dans un mémorable segment de Trilogy of Terror, mais le résultat laisse franchement perplexe. Après la poupée nippone de Puppet Master X, on serait presque en droit de se poser des questions…
Alors bien sûr Ooga Booga n’a pas été inventé pour l’occasion (heureusement) et provient en fait d’une autre production Full Moon, le plutôt mou Doll Graveyard où il faisait équipe avec plusieurs autres jouets démoniaques. Charles Band avait même déjà montré son intention de ramener le personnage sur le devant de la scène en lui offrant un caméo dans Evil Bong, preuve qu’il pense réellement que Ooga Booga possède un fort potentiel commercial.

 

 

Qui dit figurine de Noirs dit Blaxploitation, et Ooga Booga est dans la même veine qu’un Ragdoll ou un Killjoy auxquels il emprunte d’ailleurs à peu près la même histoire. Il est donc encore une fois question d’un jeune Black trouvant la mort, ici abattu par un flic raciste après s’être trouvé sur les lieux d’un crime par accident, et qui revient pour se venger. Autant dire qu’on a l’impression d’avoir déjà vu le film, et pas qu’une fois.
Alors pour ceux qui s’intéressent aux soucis de continuité autant le dire maintenant, Ooga Booga n’est aucunement lié à Doll Graveyard. Ce n’est ni une suite, ni un spin-off puisque le personnage est radicalement différent de celui aperçu auparavant. Au lieu d’être un jouet antique enterré dans un coin de jardin, il est ici fabriqué par le pathétique Hambo, un clown à nez de cochon qui anime une émission pour enfant. Un ivrogne vulgaire et pervers que l’on avait déjà vu dans Zombie vs Strippers. Très probablement un alter ego, au même titre que ce personnage de Texas Ranger Earl McGraw dans les films de Tarantino et Rodriguez. Pourquoi ? Probablement pour justifier du clin d’œil à Django Unchained qui apparaît sur l’affiche d’Ooga Booga

Si tout cela vous semble confus, c’est normal. C’est parce que ça l’est.

 

 

Quoiqu’il en soit Ooga Booga raconte comment Hambo fini par être viré de son travail en raison de son comportement (il se masturbe juste avant d’entrer en scène) et celui-ci décide de se rabattre sur un autre projet: la vente de d’action figures qu’il a lui-même conçu. Une série de figurines baptisées les Badass Dolls et qui représentent divers stéréotypes: les gays, les asiatiques, les prostituées, etc.
Il fait part de ses intentions à son meilleur ami Devin, un jeune homme sur le point de devenir médecin et qui reste la seule personne à croire en lui. Pour l’en remercier, il lui offre même un cadeau: une figurine grande taille de Ooga Booga, un guerrier tribal fumeur de marijuana. Le garçon accepte malgré l’offense et l’emporte avec lui, s’arrêtant en chemin dans une épicerie où il va être témoin d’un braquage qui dérape. Prévenant la police après que le drame, il est aussitôt interpellé par un officier raciste et se fait abattre.
Mais grâce à une machine à sirop défectueuse (!!) son âme est transférée dans le corps de la poupée. Devin retrouve sa petite amie et le couple décide de se venger…

 

 

Voici le point de départ qui constitue le “gros” du film. Tout le reste du script se contente d’enchainer quelques scènes de dialogues sans grand intérêt jusqu’à une conclusion qui arrive si vite qu’on se demande parfois s’il ne manque pas des scènes. Un film de vengeance doit normalement suivre un certain rythme de progression mais Ooga Booga ne s’en soucie guère et se contente d’enchainer les scènes-clés. Lorsque nous ne sommes pas dans l’informatif (les braqueurs sont aidés par un juge corrompu, lui-même étant le supérieur du policier raciste), nous voyons directement les héros en action sans qu’il n’y ait besoin d’ellipse temporelle.
Le script tente de camoufler cette aberration avec quelques petites excuses (les personnages habitent dans “une petite ville”) mais il ne faut pas se leurrer: Charles Band s’en balance éperdument. Ce qu’il veut c’est du contenu “vendeur”, comme les scènes de meurtres ou les blagues pourries qu’on peut caler dans la bande-annonce. Le résultat est plutôt laborieux puisqu’on a parfois l’impression de suivre une succession de vignettes reliées par un fil rouge plutôt qu’un véritable film qui progresse naturellement, comme une sorte de compilation de webisodes.
Tant est si bien en fait qu’on croirait regarder une production Troma volontairement chaotique plutôt qu’une série B estampillée Full Moon. Y aurait-il eu un peu plus de gore ou de sexe qu’on aurait pu confondre.

 

 

J’en veux pour preuve cette erreur de raccord quand même assez énorme, lorsqu’un drogué se fait descendre par l’héroïne en plein milieu d’une pièce. Un plan éloigné montre subitement son corps au pas de la porte, que la jeune femme doit d’ailleurs enjamber pour sortir, avant de revenir à sa position initiale quelques minutes plus tard lorsqu’un policier entre sur les lieux…

 

 

De Troma, on y retrouve aussi le mauvais goût, cet humour trash qui en met plein la gueule à l’Amérique prude. Un clown plonge son nez dans la poitrine de sa partenaire, l’héroïne se demande pourquoi Ooga Booga fume un joint alors que Devin n’en était pas adepte, une gamine latte les couilles à un adulte et le mot “négro” est répété un nombre de fois incalculable.
Mais ce qui est drôle chez Troma ne l’est pas nécessairement ici et tout cela semble un peu trop forcé pour susciter le rire. Un peu comme une imitation sans saveur. Et si quelques gags fonctionnent, comme lorsque Ooga Booga s’énerve en se retrouvant nez-à-nez avec d’autres figurines racistes, ou le fait que le policier xénophobe se nomme White, Charles Band va peut-être un peu trop loin dans son “humour”. Surtout lors de cette incroyable séquence où la poupée se masturbe en matant sa copine prendre une douche après qu’elle se soit faite violée par trois malfrats !
Dingue, oui. Drôle ? Pas vraiment…

Il faut ajouter à cela le facteur “cheap” de l’entreprise qui est tout de même franchement handicapant. Il n’y a globalement que trois décors et cinq acteurs, Ooga Booga n’apparaît que très rarement (pour éviter d’avoir à l’animer), les dialogues s’étirent à n’en plus finir et certains effets spéciaux sont risibles. Les coups de feu en CGI, par exemple, comptent parmi les plus ratés que j’ai jamais vu. Et quelqu’un devrait dire au scénariste qu’on ne meurt pas d’une simple énucléation.
Tout cela fait que Ooga Booga possède cet aspect amateur qui le rend vite pénible à suivre.

 

 

Heureusement si la direction d’acteurs est désastreuse (il faut voir l’héroïne faire semblant de composer un numéro de téléphone pendant au moins trois bonnes minutes tout en essayant de ne pas se faire repérer), les comédiens sont plutôt bon dans l’ensemble avec même en guest-stars les légendes que sont Stacy Keach et Karen Black. Le Ooga Booga en CGI n’est pas mal du tout, sa version physique évite l’effet “jouet en plastique” que l’on retrouvait dernièrement (Demonic Toys 2), et certains décors recyclent le merchandising Full Moon, ce qui est toujours amusant.
Je note même l’utilisation audio de ce qui doit être Killer Eye dans l’appartement des gangsters, ce qui n’a jusqu’ici jamais été relevé par aucun chroniqueur. Mais j’imagine que tout le monde devait mater à ce moment là la pornstar Siri, dont la taille des imposantes mamelles provoque chez moi plus de l’effroi que de l’excitation.
Cependant la seule vraie bonne chose qui ressort du film, c’est Karen Black dans le rôle de Madame Allardyce (bel et bien nommée d’après le film Burnt Offerings, où elle jouait avec Oliver Reed). Car si Stacy Keach se contente de fumer un cigare en insultant tout le monde, ce qui est très drôle en soit, la comédienne se donne à fond dans ce rôle de proprio obsédée par la télévision. Un personnage qui parodie son célèbre rôle dans Trilogy of Terror et qui rejoue au chat et à la sourie en huis-clos, mais avec une certaine lenteur liée à l’âge, ce qui rend la scène des plus tordantes.

 

 

Âgée de 73 ans et luttant actuellement contre un cancer, Karen Black ne s’avoue pas vaincue et continue s’amuser comme une folle. Et nous avec. Je ne peux que lui souhaiter bonne chance et tous mes vœux de rétablissement.

J’ai vraiment l’impression de passer pour l’un de ces idiots de critiques évoqués dans Gingerdead Man 2, et ça me fait presque mal au cœur tellement j’aime la Full Moon et que je voudrais la défendre, mais il n’y a quasiment rien à sauver de ce Ooga Booga. Ce film est mauvais, chiant et pas vraiment drôle en plus de ne pas être original. Au final on a l’ impression de s’être fait avoir. Il faut vraiment que ça cesse ou Charles Band risque de perdre ses derniers fans…

 

4 comments to Ooga Booga (2013)

  • Rigs Mordo Rigs Mordo  says:

    Très chouette chro, as usual! Tu n’es pas le premier à me dire que le Band commence à avoir une sale réputation, qu’il est pas le dernier à faire un petit coup de pute… Qu’est-ce que ses collaborateurs racontent sur son compte ?
    Pour le film, pas vu, mais dès le trailer on voyait que ça ne serait pas top… Comme toi, j’aime Full Moon, ou devrais-je dire son univers, ses visuels, les films en eux-même c’est pas la même histoire (je me suis fais Le Cerveau de la famille ya pas longtemps, l’ennui incarné, seule Jacqueline Lovell vaut le coup, car à poil tout le long), mais ce coté “série B bricolée envers et contre tous” me plait. Dommage que depuis de nombreuses années le laisser aller soit de mise…
    Et moi j’aime bien les seins de Siri!

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Grand merci 😉
      Et bien en fait Band veut tellement qu’on pense à lui quand on pense Full Moon, qu’il empêche sciemment des acteurs / réalisateurs de s’investir dans une franchise et d’avoir un brin de succès. David Schmoeller (Tourist Trap) est le gars qui a littéralement créer Puppet Master et il avait une idée pour une suite. Sauf que Band l’a volontairement dégagé de la série afin que le public n’ai pas l’impression que Schmoeller soit le “créateur” et que ce soit la Full Moon en général (et lui en tant que patron) qui récolte les lauriers.

      Apparemment ça c’est répété sur d’autres franchises. Ensuite il est apparemment très avare ou pas très clean quand il s’agit des salaires, et l’acteur-nain Phil Fondacaro a déclaré (dans le making-of de Blood Dolls) qu’il devait parfois faire du forcing pour avoir sa paie, car Band ne lui envoyait pas toujours en temps et en heure. La chose avait prit de sale proportion durant un temps, je crois sur Decadent Evil, au point au que Fondacaro a totalement abandonné la compagnie alors qu’il bossait avec elle depuis les tout débuts.

      Dernièrement y a un gros libre sur Band qui est paru et l’auteur a interviewé la plupart des gens qui ont collaboré avec lui. Dans le lot apparemment (plus d’exemple en tête), pas mal sont ceux qui évoque sa façon de forcer ses idées sur un script, de s’emparer de la chose quand elle a du succès et de ne pas tenir ses engagements en termes de paiement (en retard / pas autant que prévu).

      T’ajoute à ça le fait que même des “vieux” ont plus ou moins déserté pendant un temps, comme Fondacaro ou David DeCoteau, et ça me donne l’impression que le gars est plus qu’un “petit” filou qui marche à l’économie et produit des films au rabais en nous arnaquant un peu. Maintenant il m’apparaît quand même vachement manipulateur et assez égocentrique. Et c’est con parce que j’adore l’univers et les personnages de la Full Moon malgré tout, et que j’espère toujours la voir ré-émerger un peu…

      Pour Siri c’est une question de goût j’imagine 😛 Elle m’apparaît un peu “trop” dans ses proportions pour remporter mon…. adhésion. Après je suis sûr qu’elle est super sympa quand même. La Jacqueline du coup, c’est plus dans mes cordes ! XD

      • Rigs Mordo Rigs Mordo  says:

        Merci pour ces éclaircissements! Ca ne me surprend pas trop, quand y’a des économies à faire, c’est souvent les acteurs qui trinquent… Mais c’est vrai qu’il a ce coté “je me mets en avant”, suffit de voir la plupart des photos Full Moon, tu le vois entouré de ses monstres etc. Pour Siri, oui question de goûts, j’aime bien les grosses poitrine (enfin, ya une limite quand même), mais aussi les petites. Tant que ça fait pas trop plastique…

        • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

          Même sur ses V-logs il a tendance à attirer l’attention sur lui, et couper ses guests dans leur parole pour rester le seul présentateur. C’est moche d’en arriver là car je suis sûr que ça a fini par plomber son “empire” sur le long terme. Et ça explique pas mal de chose sur la qualité de ses productions qui se détériorent sans cesse. Le gars a certainement le fric de rendre ça un peu mieux, mais doit probablement économiser parce qu’en l’état ça marche quand même.

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