The Meg (2018)

 

The Meg

(2018)

 

 

Holala, quel film oubliable ! Pensez ce que vous voulez des gros blockbusters américains à la mode du genre films Marvel ou Fast and Furious, mais au moins ceux-là proposent quelque chose pour justifier leur nature de film à grand spectacle. Bons ou mauvais, originaux ou pâles imitateurs, ils essaient tous un minimum de se faire remarquer pour faire gagner quelques dollars à leurs producteurs. The Meg, en revanche, n’a aucune idée de ce qu’il doit montrer à l’écran et se trouve ainsi dépourvu de toutes scènes remarquables. Il n’y a là-dedans rien qui n’ait été déjà vu ailleurs, en mieux ou en pire, rien de particulièrement raté ou réussi, et donc rien qui ne puisse déclencher la moindre émotion au spectateur. Seule exception: ce money shot vu dans la bande-annonce qui montre une fillette faisant face au Mégalodon du titre dans un tunnel sous-marin. Un visuel quand même similaire à cette célèbre scène de L’Ascenseur, et peut-être aussi à celle de Poltergeist, mais en beaucoup moins marquant. Le fait est que The Meg est incroyablement creux et que ses deux heures de métrage ne marquent pas vraiment les mémoires.

 

 

En réalité il ne s’agit pas d’un “véritable” film, dans le sens où ici le concept n’était pas de proposer un divertissement au public de tout l’Occident mais simplement de séduire la Chine, dont les millions de résidents suffisent à rembourser un budget même si l’œuvre se plante au box office dans le reste du monde. Cela fait des années que Hollywood courtise le pays, se montrant de moins en moins subtile dans son approche et allant jusqu’à ignorer volontairement certains évènements impardonnables comme ce système de score social ou le traitement des manifestants durant le mouvement de protestation à Hong Kong (tout en se montrant anti-Trump sur son propre terrain pour faire bon genre, preuve qu’il ne faut jamais faire confiance à cette industrie). Et si un film comme Iron Man 3 essayait encore de noyer le poisson avec des scènes supplémentaires et personnages exclusifs au pays et absent du montage international, The Meg ne cherche jamais à cacher sa véritable nature d’opération marketing ciblée. Ce qui saute d’autant plus aux yeux à quiconque aura lu le bouquin.

 

 

L’adaptation du livre de Steven Alten n’est donc qu’un prétexte pour offrir quelque chose au marché Chinois, et ce fut par là l’occasion de se débarrasser d’un titre bloqué en development hell depuis la fin des années 90, du temps où Disney devait produire la chose. A l’époque seuls quelques concept arts avaient fait surface, montrant le requin préhistorique pointer le bout de museau et marquant suffisamment son monde pour engendrer le sous-genre du Mégalodon au sein d’une sharksploitation alors balbutiante: Megalodon, Shark Attack 3, Shark Hunter… Avec les années le squale devint plus que jamais à la mode, mais tandis que les Mega Shark vs., les Sharktopus et autres Sharknado s’enchainent, The Meg rate le coche au point de paraitre bien obsolète face à ce qui a vu le jour depuis lors. Après un relancement en 2005 avec le nom de Guillermo Del Toro associé au projet, les choses ne devinrent concrètes qu’en 2016… et encore: Eli Roth, réalisateur présumé, cède finalement la place à ce yes man de Jon Turteltaub, coupable des deux Benjamin Gates et d’un Apprenti Sorcier se prenant pour Harry Potter.

 

 

Entre temps l’écrivain a eu le temps de pondre plusieurs suites à son best seller dont seule la seconde, La Terreur des Abysses, nous est parvenue. Ainsi il ne faut pas être surpris que le résultat ait tout l’air d’un bâclage de dernière minute, produit sans âme et distribué à la va-vite dans l’optique de faire un gros profit avec un minimum d’effort. Et la première victime de ce massacre est le génial prologue du roman située durant le Crétacé, qui montrait le requin dévorer un T-Rex s’étant un peu trop avancé sur le rivage au cours d’une chasse. A la place le scénario présente le personnage principal de la façon la plus clichée possible, transformant celui qui était un biologiste marin similaire au Alan Grant de Jurassic Park en un héros badass qui rappel plutôt le Rock dans San Andreas. Le Jonas Taylor présenté ici est un super secouriste qui va être témoin de l’existence du monstre lors d’une mission à grande profondeur: devant sauver l’équipage d’un sous-marin accidenté, il est contraint de fuir lorsqu’un Mégalodon attaque et endommage l’appareil, devant abandonner plusieurs hommes encore prisonniers de l’épave…

 

 

Accusé d’avoir cédé à la panique et inventé cette histoire, il est renvoyé, divorcé et échoue en Thaïlande où il noie son chagrin dans l’alcool. Des années plus tard un ami vient lui demander de l’aide car son ex-femme est en danger de mort, piégée tout au fond de la fosse des Mariannes dans un module de plongé défectueux. Jonas découvre alors qu’un groupe de scientifiques cherche à prouver que la faille est plus vaste qu’on ne le pense et qu’elle abrite un écosystème inconnu jusqu’ici totalement coupé du reste du monde. C’est évidemment dans cet environnement que les Mégalodons ont survécu, et maintenant que les humains ont percé la barrière pour l’explorer, l’un d’eux s’échappe dans l’océan et s’en va rôder autour du centre de recherche sous-marin où travail la petite équipe. Un point de départ relativement similaire au livre, qui va ensuite dévier pour proposer sa propre intrigue tout en piochant ici et là quelques éléments inventés par Steven Alten (on les repères du fait que c’est là où il se passe enfin quelque chose): on retrouve l’attaque contre les baleines, la femme prisonnière dans la cage anti-requin en plexiglass et le crash des hélicoptères de chaines télés filmant le squale.

 

 

Mais hormis les noms des personnages et ces passages bien précis, ce Meg s’éloigne considérablement de l’aventure originale et en perd à la fois le côté scientifique et le côté horreur. Pas question d’étudier la fosse des Mariannes ou le fonctionnement de sa faune, et d’ailleurs le design du monstre n’a même pas été conservé. Chez Alten, il est albinos du fait de l’absence de toute lumière dans les abysses, et émet sa propre bioluminescence pour attirer ses proies à lui, ce qui lui donne des airs de requin fantôme irréel. Ici c’est une grosse baudruche grise qui évoque un peu la bestiole des Dents de la Mer 4. L’animal semble boursouflé, balourd, et le réalisateur a même demandé aux informaticiens de faire en sorte qu’il ait l’air de faire la gueule (!) pour le rendre plus menaçant,   trouvant personnellement que la forme des mâchoires des grands blancs ressemblent à un sourire. Un monstre de dessin animé qui semble embarrasser tout le monde et d’ailleurs le film n’ose pas vraiment le montrer: la première demi-heure tient plus du film catastrophe d’autre chose et il n’est pas question d’évoquer le Mégalodon avant la 34ème minute.

 

 

Cette bestiole, on n’en voit pas grand chose au début. Pas même un aileron ou un bout de dent, la chose évoluant toujours hors caméra pour entretenir le suspense. Et après une feinte avec un calmar géant, il faut encore attendre jusqu’à la 50ème minute pour qu’il soit enfin question de son intrusion dans les eaux territoriales et de ses attaques occasionnelles dans les parages. Celles-ci ne vont pas bien loin et la première n’est même pas montrée, les héros débarquant après la bataille pour découvrir les décombres flottantes de plusieurs bateaux de pêches réduits en miettes. Quant à l’apparition attendue du Mégalodon à la plage, qui a évidemment lieue en Chine plutôt qu’en Californie, elle n’amène qu’à un carnage très propre sans bouillon de sang ni membres orphelins, ni même aucun plan de pauvres baigneurs happés dans la gueule béante, afin de garder la classification PG 13. La créature est vite éloignée de la foule par Taylor et ses amis tandis que les hélicoptères se percutent bien plus au large au lieu de s’écraser sur les nageurs comme dans le livre. Reste le gag de ce type en Zorb ball qui cherche à fuir la bête en “courant” sur l’eau avant d’éclater comme un ballon de baudruche.

 

 

Tout cela est bien décevant, d’autant que ce ne sont pas les personnages – insipides voir antipathiques – qui vont rattraper tout ça. Les Tanaka deviennent les Zhang pour faire plaisir à la Chine, et le seul personnage japonais est le premier à mourir. Le script rajoute un milliardaire forcément idiot et supposément corrompu, même s’il sauve quelqu’un durant une attaque, une petite fille qui n’avait vraiment pas besoin d’être là et le comique Black de service, qui imite beaucoup ce que la saga Fast & Furious fait avec Tyrese Gibson (le mec s’amuse à prendre la pose devant la gueule ouverte d’un Mégalodon mort pour un selfie, la même bestiole qui a bouloté son meilleur ami une heure plus tôt). Même la romance entre Jonas et une belle scientifique est forcée de façon très Hollywoodienne, tandis que la relation conflictuelle entre le héros et son ex-femme a totalement disparue. Ici les voilà grands amis tandis que dans le roman, ils étaient pratiquement ennemis. Difficile de comprendre pourquoi le personnage a été intégré dans cette version tant celui-ci ne fait rien de tout le film, apparaissant seulement de à l’occasion.

 

 

Ceux qui rêvaient de voir la fameuse scène où la fille se fait dévorer par le monstre dans la cage anti-requin rouleront des yeux, puisque cela arrive à un autre personnage que viendra sauver Jonas in extremis dans l’une des seules grosses scènes d’action du film. Toute la fin a également été modifiée, supprimant aussi bien l’accouchement du requin (pas d’Angel, pas de séquelle) que sa mise à mort extrême. Steven Alten avait pourtant imaginé une séquence très cinématographique où le protagoniste se laissait gober tout rond dans un petit submersible pour s’en aller poignarder le cœur de la bête avec une dent fossilisée de Mégalodon. Ici l’affrontement est bien plus anecdotique avec poursuite en mini sous-marin et blessure au harpon. Dieu merci pour ce bancs de squales venant achever le travail, car cela donne au moins un visuel sympathique dans tout ce ratage. Les bons moments sont rares et ne contrebalances jamais l’ennui et la platitude générale du produit. Citons la poursuite entre le monstre et un Jason Statham tiré à toute vitesse par un filin, et la séquence où des mercenaires sont trompés par le cadavre d’une baleine, un personnage se retrouvant accidentellement dévoré par le requin venu se régaler de la carcasse…

 

 

Sinon il faut compter sur plusieurs références très connues aux Dents de la Mer, quelques errances scénaristiques (Jonas, secouriste, identifie le Mégalodon avant les scientifiques même s’il n’en a jamais vu de toute sa vie) et une horrible musique de Pop chinoise lors du générique de fin. Niveau casting Jason Statham et Rainn Wilson son theureusement parfait dans leur rôle, mais si Cliff Curtis (Fear the Walking Dead) et Masi Oka (Heroes) font ce qu’ils peuvent avec le peu qui leur est donné, il faut aussi se farcir l’insupportable Ruby Rose dans un énième rôle de pétasse pseudo féministe et condescendante tandis que la méga star chinoise Li Bingbing ne délivre que le minimum syndicale, n’étant certainement pas dupe quant à la raison de sa présence dans ce merdier. Son non-jeu se montre parfois crispant, comme lorsqu’elle récite ses lignes sans la moindre émotion alors que son personnage, coincé dans une cage indestructible, est secoué dans tous les sens par un Mégalodon furax qui tente alors de la gober à défaut de pouvoir la croquer ! Mais franchement,  à quoi d’autre fallait-il s’attendre ?

 

 

The Meg n’est ni fun, ni spectaculaire, ni divertissant. Ce n’est ni une série B friquée ni un nanar sympathique. A peine un blockbuster et encore moins une adaptation légitime du bouquin de Steven Alten. La seule chose que The Meg parvient à être, c’est l’équivalent du faux cul qui passe son temps à vous flatter dans l’espoir d’attirer votre attention sur sa personne. Une tentative pathétique de courber l’échine devant un gouvernement malheureusement de plus en plus proche de celui de la Corée du Nord, dans le simple but de récupérer un peu de sa fortune. Et tant pis de ce qu’en penseront les autres, ils ne pèsent pas lourd à côté de ce milliard de Chinois potentiel. Et bien soit, si le film et ses producteurs ne prêtent pas attention au reste du monde, celui-ci n’a aucune considération à avoir pour eux non plus. The Meg peut donc allez se faire voir, et on ne retiendra pas notre souffle en attendant cette suite d’ores et déjà promise depuis les résultats box office, prometteurs mais forcément biaisés.

 

 

 

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