The Lust Lizard of Melancholy Cove (1999)

Le Lézard Lubrique de Melancholy Cove

The Lust Lizard of Melancholy Cove

(1999)

 

Christopher Moore est un habitué des romans timbrés aux titres bizarres. Et Le Lézard Lubrique de Melancholy Cove ne fait pas exception: un bouquin complètement fou et hilarant, qu’on dévore du début à la fin en regrettant presque que ça ne soit pas un peu plus long ! L’histoire se déroule à Pine Cove (rebaptisée Melancholy Cove, d’après le titre du livre, pour la version française), petite ville de Californie où se déroulait l’histoire de Practical Demonkeeping, son premier livre dont il ramène ici quelques personnages. L’intrigue a lieu après la saison des vacances, les habitants de Pine Cove retrouvant un rythme de vie plus calme. Se déroulent alors trois petits évènements qui, par la force des choses, vont bouleverser la monotonie ambiante: le suicide inexplicable d’une mère de famille, l’arrivée d’un vieux chanteur de blues, qui trouve ici un endroit propice à ses chansons, et une fuite minuscule dans la centrale nucléaire du coin, qui va attirer dans les parages un antique monstre marin…

Trois évènements qui vont se retrouver connectés entre eux et qui vont changer radicalement la vie de la plupart des habitants de la ville: celle du docteur Valerie Riordan tout d’abord, unique psychiatre du bled dont la vie sentimentale est un désastre et qui a mis tous ses patients (soit une grande partie de la population de Pine Cove) sous antidépresseurs ! Avec le suicide d’une de ses patientes, la pauvre femme se sent coupable et décide de remplacer les médicaments prescrits par des placebos. Puis celle du “shérif” Theophilus Crowe, ex-hippy perpétuellement stoned et unique représentant de la Loi dans le coin, qui enquête sur le suicide et qui va se heurter aux véritables forces de l’Ordre, de sales magouilleurs qui le prennent pour un imbécile et semblent cacher quelque chose. Celle de Molly Michon, la folle du village, anciennement Kendra, la “Warrior Babe of the Outland”, une actrice de série Z post-apocalyptique qui a vu sa carrière se briser suite à un accident lui coûtant une cicatrice sur la poitrine. Souffrant désormais d’une certaine schizophrénie, elle va alors tomber amoureuse du dragon aquatique !

Un récit qui donne dans le n’importe quoi, au même titre que ses personnages. On pourrait citer “L’Araignée”, un gros geek fan de séries Z faisant office de Big Brother du coin qui se retrouve au centre d’un bien étrange complot, ou encore ce shérif adepte du cannabis dont la romance avec Molly Michon va offrir un improbable triangle amoureux par le biais de la créature marine ! Cette dernière va carrément devenir son amant et un chapitre informatif nous propose alors tout connaître tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet. Le Lézard… dispose ainsi de toute une batterie d’éléments totalement barrés: suite à la suppression des antidépresseurs, tous les habitants de Pine Cove se tournent vers la partie de jambes en l’air de façon plus que frénétique et alarmante, alors que le monstre, un beau lézard métamorphe de plus de trente mètres, s’en va copuler avec un camion citerne dès son arrivée en ville ! Blessé par l’explosion qui s’en suit, il va se camoufler en caravane pour se reposer et devenir le voisin de Molly qui va l’adopter et le nommer Steve. Un brillant biologiste vivant seul avec son chien observe ses rats copuler tout aussi frénétiquement que les humains d’un œil perplexe, et débarque un certain Catfish Jefferson, vieux chanteur de blues venu à la rescousse du bar du coin en perte de clients depuis la disparition des antidépresseurs (et des lamentations dans l’alcool donc), qui n’est autre que celui qui a autrefois pêché le fils du monstre marin ! Inutile de préciser que ce dernier cherche d’ailleurs vengeance…

A cela se rajoute les fanatiques religieux qui prennent Steve pour le Messie venu les libérer dans la joie du sexe, un peintre à la retraite dont les toiles prédisent l’arrivée du dragon ou encore un pharmacien complètement barge, sexuellement attiré par les animaux marins au point d’enfourcher un dauphin gonflable devant une émission de Cousteau. Si l’on évoque également l’intéressante caractéristique de Mavis Sand, la tenancière du bistro, qui veut que son corps soit presque entièrement composé de prothèses de métal et de plastique (et qui conduit une étrange “voiture-banane”) et la présence d’un énigmatique Howard Philips qui porte un intérêt particulier à l’Étrange et aux créatures ancestrales (référence à un célèbre écrivain au cas où cela vous échappe), ainsi que les points de vue hilarant de Skinner, le chien du biologiste, vous comprendrez que Le Lézard… n’est rien de plus qu’un gigantesque gag des plus hilarant ! A ce propos, l’auteur ne se perd t-il pas trop dans tous ses personnages et ses situations grotesques ? Et bien non, détrompez-vous ! Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la multiplication de protagonistes n’engendre aucune gêne et le récit s’enchaîne très logiquement en livrant une véritable histoire, et non pas une succession de petites scènes. En fait la construction du livre est parfaitement maîtrisée, avec un rythme soutenu et une narration des plus inspirées. Les garanties d’une très bonne lecture.

 

 

Mais s’il donne dans la comédie la plus loufoque, Chris Moore n’oublie pas de faire pleinement vivre ses personnages et Le Lézard… distille l’émotion plus d’une fois, comme la compassion que l’on peut ressentir face au passé finalement bien triste de la pauvre Molly ou encore la déception lorsque l’on réalise que la relation entre notre amazone et son dragon ne pourra aboutir pour cause d’incompatibilité anatomique (et pas uniquement pour une question de sexe). Les sentiments ressentis par Theophilus et Molly sont palpables, la nostalgie qui envahie l’ancienne actrice (qui poursuit ses exercices matinaux en tenue d’amazone avec son épée par ailleurs) force la sympathie et ainsi une certaine mélancolie, et oui, peut atteindre le lecteur quand bien même tout ce conclut dans la bonne humeur. S’il n’est peut-être pas le plus drôle des livres de Moore, a cela nous laissons le lecteur seul juge, Le Lézard… est un chef d’œuvre où le délire ambiant n’est jamais au détriment de l’histoire ni de ses personnages, solides et attachant. Vivement conseillé !

 

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