The Borrower (1991)

 

The Borrower

(1991)

 

 

John McNaughton est avant tout connu pour avoir réalisé en 1986 le film culte Henry: Portrait of a Serial Killer qui retrace la vie du véritable tueur en série Henry Lee Lucas, avec l’excellent Michael Rooker dans le rôle titre. Un premier film ancré dans la réalité du quotidien et dans une ambiance noire. A l’exact opposé, son second film (Dealers in Death et Sex, Drugs, Rock & Roll étant des documentaires), The Borrower navigue entre la SF, l’Horreur et l’humour.

 

 

L’histoire commence à bord d’un vaisseau spatial. Un extraterrestre criminel vient d’être jugé et, plutôt que d’avoir été condamné à mort, a été “désévolué” et se retrouve sous la forme d’un être humain. Cependant le procédé n’est pas parfait et si le corps vient à subir quelques dégâts, cela peut entraîner de fâcheuses conséquences qu’il ne va pas tarder à découvrir: ses bras redeviennent normaux tandis que sa tête explose ! Récupérant alors d’autres têtes çà et là, il erre en pleine ville, tandis que deux policiers enquêtent sur les morts qu’il laisse derrière lui…

 

 

Première constatation: le titre est mensonger ! L’extraterrestre ne trouve pas la nécessité de rendre la tête qu’il a emprunté (to borrow), ce qui explique sûrement son statut de criminel et le fait qu’il ait été banni…  Du moins c’est vraiment la seule explication que l’on pourrait trouver à ce pauvre alien pour justifier son triste sort car, s’il est dit que même la peine de mort est trop douce pour lui, on le voit surtout comme un pauvre être inoffensif malgré son petit problème d’incompatibilité anatomique. Pas agressif pour un sou (excepté lors de ses crises de métamorphose bien entendu), il passe son temps à déambuler dans les rues en regardant d’un air curieux et craintif les mœurs de l’être humain et ne commet pas de véritables mauvaises actions en soi.

 

 

Le parti pris de McNaughton est d’ailleurs intéressant car il utilise le point de vue de l’alien pour critiquer les torts de l’espèce humaine. Ici l’Homme semble bien plus hostile et dangereux que la créature de l’espace et cela nous est montré par le biais de quelques séquences bien senties, comme par exemple une bagarre entre voyous dans un bar qui se solde par la mort de quelques-uns uns tandis que notre créature, reflet de l’être humain, se contente de prendre un café avant de partir tranquillement, tout cela ne le touchant visiblement pas. A cela se rajoutent aussi les plans de ruelles remplies de clochards dormant à même le sol, le comportement de divers personnages quant à leurs semblables (l’ambulancier préférant draguer que de se soucier du sort du type qu’il a ramassé, la conductrice qui renverse notre extraterrestre et qui préfère ne pas aller avec lui à l’hôpital pour une question d’assurance…) ou bien tout simplement par l’aspect glauque du paysage urbain nocturne, remplie de loubards, prostituées et autres tueurs en libertés…

 

 

L’alien paraît bien pathétique et sa condition pourrait presque donner pitié, notamment lors d’un passage où il en vient à être prit sous l’aile d’un sympathique SDF (Antonio “Huggy-les-bons-tuyaux” Fargas !) qu’il se met à suivre et à imiter, un peu comme si on se trouvait subitement dans une œuvre humaniste. Des séquences surprenantes et fonctionnant somme toute assez bien… Toutefois malgré cette volonté de faire apparaître une certaine forme de critique sociale, il faut avouer que tout cela reste très léger et l’histoire demeure de la SF lorgnant vers le genre horrifique avant tout.

 

 

The Borrower et son principe d’appropriation du corps humain par une entité extraterrestre est loin d’être original et il faut dire que le film semble surtout inspiré de l’excellent Hidden de Jack Sholder, où une créature extraterrestre se glisse dans des corps humains pour les contrôler. Ici c’est à peu près pareil avec la différence que l’alien ne prend que les têtes, allant jusqu’à mélanger son comportement avec celui de la personne “installée” sur le corps. Ainsi les réactions ses réactions sont différentes en fonction de quand il possède tour à tour la tête d’un chasseur bouseux (très craintif et peu à l’aise), d’un clochard (le côté “simple d’esprit” s’empare de la créature qui se met à chantonner approximativement du Beethoven comme le faisait sa victime) ou d’un médecin (apparence soignée, sûr de lui), voir même – bien que trop brièvement – d’un chien hyper hargneux !

 

 

Comme on le voit ça délire bien, mais le concept aurait pu être poussé plus loin (la tête du chien par exemple) et le petit budget du film entraîne un défaut assez flagrant: l’extraterrestre gagne également le corps de ses victimes après avoir récupéré leur tête. Ainsi après avoir prit la tête du clochard Noir, le corps de notre alien devient lui-aussi celui d’un Noir ! La carrure elle-même change en fonction des acteurs et on peut vraiment s’estimer heureux que chacun d’eux fait à peu près la même taille. Certes on pourrait toujours supposer que ce changement est dû au fait que l’extraterrestre retrouve son corps original entre chaque changement de tête et qu’il pourrait très bien y avoir une sorte d’assimilation de l’ADN pour expliquer ce phénomène, mais il ne faut pas se leurrer… Reste qu’au final ce “problème” est plutôt amusant et qu’il se rajoute à l’humour qui se dégage du film.

 

 

D’humour il en est nettement moins question dans “l’autre” partie du script, à savoir celle qui concerne les deux policiers qui traquent l’extraterrestre… Car il faut avouer que le scénario suit les errances de sa créature de l’espace à tel point qu’il ne semble pas y avoir de but à l’histoire, pas de véritable conclusion possible. On se retrouve alors avec en insert des séquences d’enquêtes de ces deux flics (l’un jouée par Rae Dawn Chong, fille du Chong de Cheech & Chong, l’autre par Don Gordon, fameux acteur de séries télévisées américaines qui apparaît pour l’une de ses toutes dernière fois à l’écran) plutôt inutiles et peu captivantes au regard des séquences liés à l’extraterrestre…

 

 

Le manque d’humour de cette partie provoque un sacré décalage avec le reste du film, surtout que tout cela semble avoir été rajouté pour gonfler le métrage, filmé platement et sans aucune conviction. Sans parler d’un Don Gordon sympathique à souhait mais honteusement sous-exploité. Le plus dommage dans cette histoire c’est qu’une trame secondaire, qui aurait pu permettre au film de décoller se retrouve ici complètement inutile (on y voit la femme flic être traquée un maniaque sexuel qu’elle regrette de ne pas avoir tué). Inintéressante, cette sous-intrigue est trop bancale, surtout au vu de l’acteur incarnant le maniaque en question, trop cabotin.

 

 

Là où une confrontation extraterrestre / tueur façon Henry aurait pu donner quelque chose d’original et de captivant, on se retrouve avec deux sections d’histoires n’ayant presque aucun rapport entre elles et qui ne sont réunifiées que brièvement à la toute fin de l’intrigue (car il apparaît bien évident que la tête de ce déviant personnage va finir par se retrouver sur le corps de notre extraterrestre). Un épilogue par ailleurs honteusement décevant car ne se terminant justement pas ! En effet, le métrage se recentre aux dernières minutes sur l’enquête de nos policiers, zappant complètement l’intrigue construite autour de l’alien perdu qui devient alors subitement une simple créature agressive qu’il convient naturellement d’abattre. On oublie l’aspect pathétique du personnage, tout comme l’idée de lier son comportement à celui de l’être humain (alors que plus tôt nous avions droit à des scènes assez intéressantes comme celle où, portant la tête de son ami SDF, l’extraterrestre regarder un ciel crépusculaire tandis que dans son esprit se mélangent diverses paroles entendues depuis le début de son calvaire, ce qui retranscrivait très bien son malaise et son impression d’être complètement perdu), l’épilogue présente tout bêtement un monstre invincible tuant tout ce qui bouge autour de lui sans véritable raison (très vaguement justifié par le port de la tête du maniaque) avant de se faire éliminer à son tour. Il se relève l’instant d’après et… rien. Une fin ouverte tellement brutale et arrivant comme un cheveu sur la soupe que l’on se croirait dans le pilote d’une série télé n’ayant jamais vu le jour.

 

 

Quel dommage que le métrage se termine sur une aussi mauvaise note, car jusqu’ici le spectacle était nettement sympathique, servit par des acteurs impeccables (Antonio Fargas, bien loin de Starsky & Hutch et parfait en clodo sympathique, Tom Towles en extraterrestre mal dans sa peau et complètement paumé, hilarant au possible mais sans tomber dans le cabotinage – ce qui relève de l’exploit au vu de son look et des situations dans lesquelles il se retrouve ! – ou encore Don Gordon dans un énième rôle de flic), de bons effets spéciaux gore par Kevin Yagher (quelques Freddy, un Vendredi 13 et un Hellraiser mais également… Hidden !), pas mal d’humour (le groupe de hard rock nommé The Screw Heads, les réactions de l’extraterrestre découvrant l’environnement humain) ainsi que la sympathique idée de livrer trois thèmes musicaux différents en fonction des trois têtes “principales” dont se revêt la créature (le chasseur, le clochard et le médecin) – chacun issu d’un compositeur différent.

 

 

The Borrower est donc très loin des qualité de Hidden et déçoit en raison de l’incohérente restructuration de l’histoire vers sa fin, ainsi que de sa conclusion (ou de son absence de conclusion plutôt), mais reste une petite série B très amusante et assurant le spectacle le temps d’une vision… A la rigueur, il pourrait très bien faire office de substitution au nullissime Hidden 2 !

 

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