Angels With Filthy Souls (1990)

12 DAYS OF CHRISTMAS

 

 

Angels With Filthy Souls

(1990)

 

“Tu vas avoir droit à dix p’tites secondes pour déplacer ton gros cul dégueulasse.
Hors de chez moi, sinon j’te plombe les boyaux avec du calibre 12 !
1…2…10 !

 

 

Si vous vous souvenez de cette citation, félicitation ! C’est que vous avez sûrement grandit en regardant Maman, J’ai Raté l’Avion ! plusieurs fois et que certains détails se sont incrustés pour toujours dans votre subconscient. Réalisé en 1990 par Chris Colombus, sur un scénario de John Hugues, le film n’est pas avare en séquences mémorables et tout le monde à sûrement les siennes: les pièges qu’utilise Kevin pour combattre les cambrioleurs, les répliques hilarantes du duo Joe Pesci / Daniel Stern, le voisin flippant avec sa pelle qui se révèle être un gentil monsieur, la fournaise qui semble prendre vie toute seule, John Candy et ses joueurs de Polka qui ont tous été une fois d’horribles parents et bien sûr Catherine O’Hara qui s’écrie “Kevin !” lorsqu’elle réalise qu’elle a oubliée son fils à la maison.
Mais surtout il y a cet étrange film en noir et blanc que regarde le jeune héros lorsqu’il profite d’avoir la maison pour lui tout seul, Angels With Filthy Souls (Les Anges aux Âmes Sales), qui ressemble à un vieux truc des années 30. Deux gangsters échappés d’une BD de Dick Tracy s’y retrouvent dans un vieux bureau pour discuter à propos d’argent et finissent par se disputer, lorsque soudain l’un d’eux brandit une énorme mitrailleuse à chargeur camembert pour truffer l’autre de plombs en éclatant d’un rire dément ! Enfant, la scène ne manque pas de surprendre, surtout du fait que l’on ne prête absolument aucune attention aux dialogues entre les deux personnages, trop “adultes” pour nous. La réaction de Kevin est donc entièrement la nôtre.

 

 

Avec un regard adulte on constate qu’il n’y a évidemment rien d’effrayant là dedans et que la violence est finalement bien sage puisqu’il n’y a ni sang ni impacts de balles. Juste beaucoup de bruit et un vilain de dessin animé qui fait l’animation. En revanche, on peut alors apprécier cette parodie de film noir qui est poussée jusqu’au bout malgré – croyez-le ou non – des moyens limités. Le trench coat et le fédora, le bureau avec la vieille machine à écrire et les portes vitrées, le Tommy Gun, le noir et blanc expressionniste et la musique que l’on associe immédiatement à l’univers des détectives privés, de Al Capone et de la Prohibition. Le titre lui-même est une référence, détournant le Angels With Dirty Faces (Les Anges aux Figures Sales, 1938) avec Humphrey Bogart. Car oui, pour ceux qui l’ignorait, cet extrait est en fait une pure invention de la part de Colombus et Hughes, spécifiquement conçu pour Maman, J’ai Raté l’Avion !
Une déception pour tout ceux qui, comme moi, on fini par s’intéresser de plus en plus à ce “film dans le film” avec le temps et voulaient en voir plus. Car il y a quelque chose de captivant dans ce personnage de Johnny, sorte de Ebenezer Scrooge de la mafia qui dégomme implacablement ce petit escroc de Snakes venu lui réclamer un gros pourcentage sur sa commission pour lui avoir rapporté “le truc”. Qui est le héros ? Qui est le vilain ? Pourquoi flinguer quelqu’un est si amusant ? J’ai toujours cru que ce type était une sorte de psychopathe, mais pour être honnête j’étais trop jeune pour comprendre qu’il était censé être un criminel…

 

 

Pour autant cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’histoire autour de ce court-métrage, bien au contraire. A l’origine, Hugues n’y avait prêté aucune espèce d’importance, se contentant d’une ligne pour évoquer ce “gangster film” qui est surtout un élément scénaristique important pour la grande intrigue (Kevin utilise le bruit de la fusillade pour effrayer un des cambrioleurs essayant d’entrer par effraction chez lui). C’est donc en cours de tournage que The Angels With Dirty Souls a lentement prit forme, sous les improvisations et les suggestions de toute l’équipe: c’est Julio Macat, le directeur de la photographie, qui persuada le réalisateur de tourner à l’ancienne en combinant des techniques et une pellicule en noir et blanc des années 40. Ce sont les décorateurs, Eve Cauley et Dan Clancy, qui donnèrent vie au plateau ridicule (deux faux murs dans un gymnase abandonné), pensant à de nombreux détails comme le vieux grabaphone et cette impressionnante Thompson Colt 1921AC qui proviendrait supposément du film “G” Men (Les Hors-la-Loi, 1935).
Quant au titre même, il fut inventé par le directeur artistique Dan Webster pour la création de la VHS que place Kevin dans son magnétoscope, que l’on peut retrouver entre celles de la Bruce Springsteen Video Anthology, 1978/88 et de The Continuing Adventures of the Rolling Stones. Même les acteurs jouant Johnny et Snakes (Ralph Foody et Michael Guido respectivement) ont en fait échangé leurs rôles au dernier moment !

 

 

Le plus drôle est que tout ceci fut mis en boite avant même que la production de Maman, J’ai Raté l’Avion ! ne soit officiellement lancé, durant la toute dernière “journée test” de l’équipe technique. A ce moment là, le film était produit par la Warner pour un budget relativement bas de 14 millions de dollars (plus tard la 20th Century Fox récupèrera le projet, grossissant l’enveloppe de trois ou quatre millions supplémentaires) et donc débuter avec le minimum syndicale dans des décors en carton-pâte fut une chose finalement très amusante pour ceux travaillant dessus. Une bonne humeur qui déteint sur le court-métrage qui demeure à ce jour très réussi. Entre l’accent de Chicago un rien exagéré, la brutalité outrancière du meurtre qui n’aurait sans doute pas passée la censure des années 30 et surtout la bonne trogne de Johnny, dont l’interprète a quelques airs de ressemblance avec Jack Palance. Sans doute pas un hasard si l’on a pu le retrouver dans quelques productions de genre comme Le Contrat avec Arnold Schwarzenegger, Nico avec Steven Seagal et Sale Temps pour un Flic avec Chuck Norris.
D’ailleurs vous n’êtes même plus obligé de vous farcir les vingt premières minutes de Home Alone pour profiter du spectacle: la totalité du sketch est désormais disponible en bonus sur le DVD, sans les interventions de Kevin et au format cinéma pour l’occasion !

 

“Keep the change, ya filthy animal !

 

Faut-il être surpris d’apprendre que Angels With Filthy Souls possède une suite ? En 1992 sort Maman, J’ai Encore Raté l’Avion !, séquelle paresseuse qui se contente de reproduire à l’identique la structure scénaristique, les gags et les personnages de son modèle. Et forcément, Kevin y regarde encore une fois un film qui n’est pas de son âge avant d’utiliser sa bande sonore afin d’embarrasser ses ennemis. On peut rouler des yeux, mais cette fois cela implique Tim Curry qui passe pour un homosexuel obsédé, du coup on se marre quand même. Voilà venir Angels With Even Filthier Souls (Les Anges aux Âmes Encore Plus Sales), auto-caricature qui pourrait presque être un commentaire sur la production principale.
Celui-ci se déroule à Noël, comme pour rester dans la thématique, et montre Johnny vaquer à ses occupations près d’un grand sapin lorsqu’il y est rejoint par une sorte de femme fatale qui s’avère être sa maitresse. Sauf qu’apparemment celle-ci lui a été très infidèle car le mafieux se met à l’insulter sévèrement – du moins autant qu’il est possible de le faire considérant que les grossièretés sont interdites sur ce type de film. La situation, prévisible, rejoue à l’identique l’exécution de Snakes sauf qu’ici le meurtrier va un peu plus loin: il force sa belle à s’agenouiller et à le supplier de l’épargner en lui disant qu’elle l’aime. Et peut importe les expressions imagées et ridicules qu’elle utilise (“Si mon amour était un océan, il aurait fallu deux avions à Lindbergh pour le traverser”), il n’y croit pas. Ou plutôt son Tommy Gun n’y croit pas. Là encore il fait croire à sa victime qu’elle a quelques secondes pour décamper, puis il l’abat sans même finir de compter…

 

 

Non pas que la scène soit mauvaise, mais elle fonctionne beaucoup moins bien que l’originale. D’une part l’effet de surprise s’est dissipé, mais le résultat s’avère bien moins violent que la dernière fois puisque c’est à peine si l’on peut voir les impacts de balles toucher la victime. Et plutôt que de la montrer s’effondrer au sol, le court-métrage use du jump cut pour rester sur Johnny entrain de tirer dans le vide. Visuellement cela perd en efficacité et semble même un peu brouillon, un peu précipité. Exactement comme la totalité de Maman, J’ai Encore Raté l’Avion ! en fait. Une redite plus friqué, sans doute plus confortable, mais où le cœur n’y est pas vraiment. Même un enfant sera cette fois capable de dire que Angels With Filthy Souls n’est pas un vrai film à cause de l’effet de répétition. Ce qui est plutôt ironique quand on y pense: le jeune spectateur réalisera que ce film n’existe pas pour de vrai puisque ressemblant beaucoup trop à celui qu’ils ont déjà vu, alors qu’il regarde justement une séquelle qui reproduit Home Alone morceaux par morceaux !
Dommage, car cette fois le réalisateur avait prit la peine d’étudier un peu la mise en scène des vieux films noirs afin de donner un côté encore plus authentique à son pastiche, et Ralph Moody, qui joue là son dernier rôle, est toujours parfait dans le rôle de cet espèce de Scrooge sanguinaire. Même si physiquement il ressemble un peu plus à Freddy Krueger, ce qui personnellement n’est pas pour me déplaire.

 

 

Rayon anecdotes, il y a peu à dire. Une insulte utilisée fréquemment par Hughues est prononcée à l’encontre du personnage féminin (four-flusher / four-flushing) dont le nom n’est même pas prononcé dans le film. Il faudra déterrer le script ou la novélisation pour apprendre qu’elle se nomme Carlotta. Celle-ci est jouée par une dénommée Clare Hoak qui possède une intéressante carrière dans la série B puisque l’on a pu la voir dans The Terror Within II, le Masque de la Mort Rouge de 1989 et quelques films de Albert Pyun (Les Chevaliers du Futur et Interstellar Civil War), mais aussi dans les séries télé Les Contes de la Crypte et Freddy’s Nightmares. Dommage qu’elle ne puisse briller ici, son personnage étant bien moins mémorable que celui de Snakes. Enfin les cassettes vidéos qui accompagne le faux films sont cette fois un peu plus drôles puisqu’elles sont elles aussi fictives: The Ventilator, Fly Bait et Muttville Massacre qui inspira sans doute le groupe Tall Man pour leur chanson du même nom. Ou pas.
Comme quoi certaines bonnes idées ne sont pas faite pour être répétées, ou peut-être tout simplement que Angels With Filthy Souls fonctionnait parce qu’il ne s’agissait que d’une seule scène présentée sans le moindre contexte et qu’un film entier sur le sujet ne serait peut-être pas aussi bon que l’on voudrait qu’il soit… Même si je persiste à dire que mon concept d’une relecture de A Christmas Carol avec Johnny est génial et qu’il lui reste à dégommer son troisième fantôme !

 

Merry Christmas, ya filthy animal !

 

 

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